Faut pas pousser non plus

Alors là, ça de vient n’importe quoi, encore une fois (tiens, j’ai la vagzue impression de me répéter)… Qu’une personne de couleur veuille lutter contre le racisme, OK. Mais le faire en attaquant d’autres peuples qui ont été persécutés, alors là c’est vraiment le délire.

Insulter le peuple juif de cette manière ne sert aboslument pas la cause des minorités oprimées. Oui, l’état hébreu opprime à son tour un peuple, comme ayant oublié ce qui a été fait aux Juifs ; mais de là à leur lier les Juifs du monde entier, à généraliser cette idée, il y a un énorme pas qu’il ne faut pas franchir. Aucun extrêmisme n’est réellement bon. Et on arrive ici dans un extrême dangereux. S’en prendre, même verbalement, à un peuple dans son ensemble est une preuve de bêtise. Il faut arrêter avec ces conneries. Nombreux ont été les peuples opprimés et massacrés. L’histoire ne les porte pas tous en son coeur de la même manière, et on a oublié plus d’une guerre dévastatrice. Mais les Juifs ont comme les autres droit à la mémoire. On en eput rien leur reprocher à ce sujet. Dieudonné dépasse les bornes…

«Le crime commence avec des mots. Un langage de haine est un danger, pas seulement pour les juifs, mais pour n’importe quelle personne qu’il vise. Chaque fois que le langage est utilisé comme une hache, nous devons agir parce que tuer suivra.» L’humoriste Dieudonné ne partage pas les propos de l’écrivain Amos Oz, relatés par le quotidien britannique The Independent à l’occasion du 60eanniversaire de la libération d’Auschwitz. Lui qui, la semaine dernière, a de nouveau dérapé en proférant une diatribe qui s’inspire furieusement de la dialectique antisémite. En déplacement à Alger pour promouvoir son spectacle Mes excuses, il s’en est pris au Conseil représentatif des juifs de France, qualifié «d’organe d’inquisition», de «mafia» à qui «il faut lécher le cul». Il a dénoncé le sionisme, le traitant de «sida du judaïsme». Et a ressuscité la théorie du complot juif parce qu’il n’arrive pas à obtenir de financement pour un projet de film sur l’esclavage. Pour clore le tout, il considère que la commémoration de la Shoah est de «la pornographie mémorielle». Des propos d’une rare violence que Michel Tubiana, président de la Ligue française des droits de l’homme, a qualifié «d’invraisemblable salmigondis intellectuel». L’ensemble de ces termes ont été rapportés par Le Monde d’hier
Le premier réflexe pourrait être de hausser les épaules, de se garder d’hurler avec la meute et de laisser Dieudonné à sa paranoïa antisémite qui ne fait plus rire. Mais de tels propos doivent être dénoncés.
En premier lieu, en opposant les victimes les unes aux autres, Dieudonné s’enfonce dans le communautarisme qu’il a toujours prétendu combattre. Il alimente ainsi les violences et le ressentiment entre les différents groupes ethniques ou les différentes religions. Sans y voir de rapport de cause à effet direct, il convient néanmoins de mentionner que dimanche soir ont eu lieu, pratiquement simultanément, deux actes racistes à Paris. Le wagon témoin du camp de Drancy où étaient rassemblés les juifs avant d’être déportés dans les camps de la mort a été victime d’une tentative d’incendie. Parallèlement, la Grande Mosquée de la capitale française a été profanée.
Accuser Dieudonné d’être à l’origine de ces actes barbares n’aurait pas de sens. Néanmoins, à l’heure où les extrémismes de tout poil semblent se répandre, il ne fait rien pour les contrer.
Pis, en agissant comme il le fait, Dieudonné dessert précisément la cause qu’il prétend défendre. Certes les Noirs doivent pouvoir se réapproprier leur passé, l’histoire de l’esclavage et du colonialisme doit devenir un sujet d’étude et de réflexion de premier plan. Mais faut-il pour cela opposer les victimes entre elles? Oui, le sionisme peut être critiqué, mais sans avoir recours aux préjugés véhiculés par l’extrême droite sur les juifs qui, selon sa diatribe, ont tous une pensée identique.
Par ailleurs, en stigmatisant ainsi le souvenir de la Shoah, Dieudonné ignore qu’il a fallu plusieurs décennies pour que les survivants de la barbarie nazie et les descendants des victimes puissent utiliser Auschwitz comme un lieu de commémoration digne du martyre subi. Manifestement ignare de l’histoire, Dieudonné passe à côté d’une réflexion essentielle. D’où qu’elles viennent, les victimes ont toujours eu toutes les peines du monde à revendiquer leur droit au souvenir.

(Le Courrier, 23.02.05)

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