Encore un lendemain de votations très difficile

Plus le temps passe, plus j’ai l’impression de ramer à contre-courant. J’ai globalement l’impression que la vie serait plus facile et que je serais plus mainstream si j’étais vieux, de droite, réac, beauf, bourré de pognon, et avec une carrière toute trouvée. Parce que là ça a été le coup de massue pour celles et ceux qui ne rentrent pas dans ces catégories avec les votations de hier. Parce que oui, en Suisse, on votait à nouveau.

Au final, une bonne et une mauvaise nouvelle essentiellement. La bonne pour les locataires du canton de Vaud uniquement, la mauvaise au niveau fédéral. Petit billet du jour donc, au sujet de ces diverses votations…

Commençons par la bonne, histoire de pas dégoûter d’entrée de jeu… La révision de la juridiction sur le Tribunal des Baux a été refusée. Qu’est-ce que cela veut dire? Et bien le Tribunal des Baux gère les différends entre propriétaires/gérances d’un côté et locataires de l’autre. En 1981, le peuple avait plébiscité pour le canton de Vaud la création d’un Tribunal des Baux gratuit. le projet de modification de la loi avait pour principal objet la suppression de cette gratuité, arguant que tout acte légal coûte aux gens qui vont au tribunal et qu’il n’y avait pas de raison pour que ce ne soit pas le cas. On ajoutait le fait qu’ainsi le Tribunal des Baux actuellement débordé serait désengorgé. Et que les plaignants dans leur bon droit n’auraient rien à payer. Et que les plaignants à revenus réduits pouvaient toujours demander l’aide judiciaire. Rappelons pour la forme que l’aide judiciaire n’est pas un don mais un prêt remboursable, et que sa demande fait l’objet de démarches administratives, le genre de truc qui fait souvent fuir pas mal de gens n’en ayant pas l’habitude. Et puis bon, l’engorgement du Tribunal des Baux est-il vraiment dû aux locataires mesquins qui se rebellent pour un oui ou pour un non et qui foncent tête baissée devant la justice? Ou bien aux abus des propriétaires et gérances dans un contexte de grave pénurie de logement (sans compter le manque de bonne volonté pour aller en séance de conciliation)? Bref, le peuple, composé à forte majorité de locataires, a compris où était son bien et ce qu’il lui fallait voter pour garder un droit.

Passons maintenant à la mauvaise nouvelle, la grosse claque du jour au niveau national, à savoir l’acceptation de la révision de la loi sur l’assurance chômage. Certes, comme un peu toutes les assurances sociales, l’assurance chômage fait des pertes et est endettée. Mais ça, faut bien se rendre compte et admettre que le social c’est pas obligatoirement rentable d’un point de vue financier, ça sert surtout à la qualité de vie, mais bon, passons. Bref, il fallait mettre un frein à cet endettement massif et rapide. Jusque là, rien à redire. Et bien les mesures proposées et donc acceptées dans cette révision sont on ne peut plus sympathiques. Commençons par une toute petite augmentation des rentrées avec une légère réévaluation des cotisations. Puis y’a les diminutions de dépenses, et c’est là qu’on rigole. Alors allons-y avec quelques exemples. Et paf, les jeunes diplômés ne pourront pas toucher le chômage tout de suite et surtout ne pourront y avoir droit que pendant une très courte durée. Je suis bien placé pour confirmer que, tout motivé qu’il soit, un jeune en sortie de formation peut en avoir pour très long à trouver du taf. Ah oui y’a aussi l’obligation aux moins de 30 ans de prendre le boulot qu’on leur propose même si ça ne correspond pas à leur formation. Je vais pas tout redétailler, j’avais fait un billet d’humeur bien remonté à l’époque de la mise en branle de tout ce processus et je vous invite à y aller… Bref, je suis assez dégoûté et franchement ça fait mal. On passe une couche supplémentaire? Comparez la carte des cantons sur les résultats du vote et sur le taux de chômage… Y’a une sacrée corrélation ; pas besoin d’être un pro des stats pour la voir. Étonnamment, le seul canton suisse-alémanique à avoir voté non est celui dont le taux de chômage est le plus élevé. Dongue! Bizarrement, les cantons avec un fort taux de chômage, où on connaît ces situations et où on se les prend en pleine gueule, ben ils ont voté non. Alors ça c’est fou! Et en plus ça correspond quasiment au découpage linguistique entre latins et suisses-allemands. Ca faisait longtemps. Le découpage dans les votations se faisait de plus en plus entre villes et campagnes ces dernières années. Là on retrouve un bon vieux röstigraben des familles comme à la grande époque. Mais à quoi bon tenir compte des minorités. Ca va encore foutre le merdier tout ça… Ah oui, j’oubliais : on n’a pas de statut d’intermittents du spectacle en Suisse, du coup les artistes cotisent un peu pendant les contrats puis pas entre deux, etc, donc peu de temps de cotisation, donc ne toucheront plus grand chose (car la nouvelle loi fait toucher à proportion du temps de cotisation), donc pfuit…

Je vais finir avec les résultats de votations communales ; bien que pas sur ma commune, elles me font réagir quand même. Lausanne a refusé de supprimer l’impôt sur les divertissements, une taxe de 14% prélevée sur les entrées des manifestations culturelles du chef-lieu qui faisait ainsi office d’exception puisque à peu près toutes les autres grandes villes l’ont enlevé. Il fut un temps où j’étais assez convaincu (ouais, les billets de concerts et de ciné à moins cher) puis j’ai réfléchi et approfondi le sujet. La suppression de cet impôt aurait amené moins de rentrées et donc mis en péril les subventions reçues par les petits lieux de culture ; tout cela pour faire du bien aux gros organisateurs déjà bien blindés financièrement. A noter que, après la votation de hier, les sociétés locales sont exonérées de l’impôt et ça c’est très bien. Donc voilà, pour ma part, un soutien à la culture plus « de niche » me paraît important pour une ville qui se veut aussi culturelle que Lausanne. Et pis faut voir que, sans cet impôt sur les entrées, les lausannois seraient seuls à payer pour leur culture, alors que là tous ceux qui viennent en profiter de l’extérieur payent aussi. Bref, je suis content de ce résultat. Parlons encore de la votation de Corseaux qui a refusé la taxe au poids pour ses déchets. Pour moi, ce système est l’idéal au niveau tant écologique que justice que social. mais complexe à mettre en œuvre, coûteux en infrastructure. Et surtout, ce qui en ressort ici, moins confortable pour l’utilisateur final car on n’a plus de ramassage à domicile. On se dirige donc de plus en plus vers une taxe au sac, certes moins juste et moins bien, mais nettement plus applicable et acceptable. Y garder en tête pour d’autres communes, même si la taxe au poids est appliquée par endroits de manière efficace.

Une réflexion sur « Encore un lendemain de votations très difficile »

  1. Comme on vient de me faire part par mail d’un résumé des effets de la modification de l’assurance chômage, je vous colle ça pour la route :

    Augmentation des cotisations de 0,2%
    Malgré la révision, le Conseil fédéral portera probablement les cotisations paritaires de 2% à 2,2%, dans l’espoir que les recettes augmentent de plus de 600 millions.
    Les coupes, elles, doivent faire baisser d‘autant chaque année le gouffre de l’assurance-chômage.

    Le pour-cent de solidarité
    La révision n’a pas modifié la loi actuelle. L’augmentation temporaire de 1% des cotisations paritaires n’est à verser que par les salaires compris entre 126 000 fr. et 315 000 fr. Le référendum voulait effacer la limite supérieure.

    Pour les moins de 30 ans, accepter n’importe quel travail
    La révision exige que les moins de 30 ans acceptent n’importe quel travail. Même s’il n’a aucun lien avec leurs aptitudes ou leur formation. Ce sont les ORP qui décideront.

    Délais d’attente prolongés
    Entre le dernier jour de travail et le premier versement des indemnités, les chômeurs devront attendre. Au lieu des 5 jours actuels, ils seront échelonnés entre 10 jours (pour un revenu entre 60 000 et 90 000 francs), 15 jours (90 000 à 125 000 francs) et 20 jours (plus de 120 000 francs).

    Il faudra cotiser plus longtemps
    Il faudra cotiser 18 mois pour pouvoir prétendre aux 400 jours d’indemnités maximums, les douze mois actuels ne donneront plus droit qu’à 260 jours.

    Pas d’aide spéciale pour les régions les plus touchées
    La révision ne permet plus aux cantons ou régions à fort taux de chômage de demander une augmentation de 400 à 520 jours d’indemnités pour ses habitants. C’est la Suisse romande qui sera la plus désavantagée par cette mesure.

    Augmentation du temps de cotisation pour les plus de 55 ans
    Les plus de 55 ans devront cotiser 24 mois pour voir leur nombre de jours d’indemnités monter de 400 à 520 jours.

    Moins de jours d’indemnités pour les moins de 25 ans
    Les moins de 25 ans sans enfants n’auront plus que 200 jours d’indemnités et seulement 90 pour les étudiants qui sortent de formation.

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