De bonnes questions autour de la révision de la loi sur l’école obligatoire

L’initiative Ecole 2010, le contre-projet proposé par le gouvernement, les discussions et palabres du parlement (en commission ou en plénum), la future votation populaire,… Le sujet de l’école est très très chaud à l’heure actuelle sur nos terres vaudoises. Je vois nos députés se battre pour essayer de tirer le résultat dans un sens ou l’autre. Et parfois, selon les titres de la presse, j’ai l’impression qu’ils s’écharpent sur des sujets me semblant secondaires (la question des notes par exemple) alors que des éléments particulièrement importants sont à peine abordés. Je trouve cela très dommageable. Oui, l’école est un sujet complexe et non on ne pourra jamais contenter tout le monde. Chacune et chacun a sa vision de ce que devrait être l’école et de la manière dont l’enseignement devrait se faire. Et quand on trouve un consensus, comme cela semble gentiment être le cas actuellement sur Vaud, et bien on est déjà content. Et pourtant… Ce consensus contient des éléments dangereux pour la suite des événements. Je vais prendre ici deux éléments qui me paraissent fondamentaux, à savoir la formation des enseignants et le taux d’encadrement.

Formation des enseignants

A l’heure actuelle, dans les actuelles 5eme et 6eme, il y a une bonne part d’enseignants généralistes et aussi des spécialistes. Au secondaire, les actuelles 7-8-9, il y a davantage de spécialistes, voir quasi que ça pour la voie menant aux études supérieures. Le futur prévoit de n’avoir que des généralistes dans les actuelles 5-6 (futures 7-8) et une majorité de généralistes dans les actuelles 7-8-9 (futures 9-10-11). Alors que l’on soit bien d’accord, je n’ai rien contre les généralistes, ils font un métier tout aussi complexe et lourd que les spécialistes et ont droit à tout mon respect quand ils le font bien (et franchement ça ne doit pas être facile tous les jours). Le but de mon billet n’est pas de mettre dos à dos ces deux types d’enseignants, chacun son métier, et chacun ses compétences ; je ne veux dénigrer personne.

Mais là le but est donc de primairiser les actuels niveaux 5 à 9 de l’enseignement. On notera que les généralistes ont en général fait le gymnase puis directement la formation pédagogique, qu’ils peuvent être assez jeunes, et surtout ne connaissent pas le monde universitaire. Les spécialistes sont passés par l’université avant la formation pédagogique, de fait maîtrisent leurs branches de prédilection et y sont très compétents. Je rappelle qu’au niveau des actuelles 5-6, il y a une sélection qui va diriger les enfants vers l’une des actuelles trois voies, soit pour études supérieures, pour apprentissage, ou la VSO pour ceux qui ont plus de peine (cette dernière étant malheureusement trop souvent la voie « poubelle » qui n’a pas lieu d’être). En primairisant l’enseignement, on va donc demander à des enseignants parfois très jeunes de sélectionner qui ira vers des études longues ou pas. On va donc demander à des gens ne connaissant pas le monde universitaire de choisir si tel ou tel élève est apte à fréquenter ce monde universitaire. Y’a comme un souci là. Ajoutons à cela la question de la qualité de l’enseignement. Je pense en particulier aux langues. On peut donc très bien en ce cas enseigner une langue sans l’avoir pratiquée de manière intensive, sans y être fluide, sans avoir séjourné dans le pays en question, sans qu’elle ne soit bien ancrée. Un autre exemple est cet écho que j’ai eu d’un enseignant qui ne pouvait expliquer le problème de physique aux élèves parce qu’il n’avait pas encore le corrigé ; comment peut-on admettre que l’enseignement d’une branche se fasse à ce niveau sans la maîtriser?

Il ne faut pas admettre que l’enseignant puisse aller faire son travail sans une formation adéquate. Avec ce système, on va vers une diminution de la formation des enseignants, et donc par définition de la qualité de l’encadrement.

Il y a toujours de bons profs qui sauront se former, se donner la peine de se mettre à niveau, de chercher plus loin, mais ce n’est pas pareil qu’une réelle formation spécialisée dans le domaine. Si on a des enseignants spécialisés, il y a bien une raison. Il ne faut pas diminuer la formation des enseignants.

L’encadrement en classe

La nouvelle loi vise à faire passer de 3 à 2 le nombre de filières dans les actuelles 7-8-9 (futures 9-10-11). En soi ce n’est pas un mal. Une filière pour ceux se destinant aux études supérieures, et une autre plus pratique pour ceux se destinant à une formation professionnelle. Jusque là ça tient la route. Ajoutons à cela que l’école nouvelle veut intégrer au maximum les différents types d’élèves et les handicaps. Que va-t-on obtenir? Davantage d’hétérogénéité dans les classes ; là non plus ce n ‘est pas un mal, la mixité étant bénéfique à la connaissance de l’autre. Mais comment gérer cela? L’enseignant doit s’adapter, développer des stratégies différentes selon les divers profils d’élèves. On appelle cela la différenciation, et ça prend du temps. Or déjà à l’heure actuelle les enseignants ont de la peine à faire ce qu’il faut de différenciation dans les classes aux effectifs tels qu’ils sont. Si on augmente la mixité, il faudra différencier davantage. Impossible de trouver le temps de faire cela correctement au vu du taux d’encadrement. Diminuons le nombre d’élèves par classe afin que chacun puisse recevoir l’encadrement nécessaire.

Et puis je fais le lien avec la formation des enseignants. Un prof n’est tout simplement pas formé à encadrer et gérer des cas difficiles et des maladies complexes. Ce n’est pas son métier. On ne peut lui demander d’encadrer correctement un trisomique, un autiste, un aveugle, un sourd, ou autre, qu’en lui fournissant des aides, à savoir des personnes dont c’est le métier. On ne peut laisser l’enseignant seul à ce type d’enfants ; même avec la meilleure volonté du monde (et je ne doute pas que nombreux sont ceux qui l’ont), il ne dispose tout simplement pas des outils nécessaires pour faire face.

 

Avec ces deux points, j’espère avoir mis en lumière deux aspects qui me semblent particulièrement importants pour le futur de l’école et pour maintenir un enseignement de qualité. Il sera difficile de faire une révolution dans le compromis qui se dessine. La solution de l’école parfaite n’existe probablement pas ; sinon on l’aurait déjà trouvée, au vu du nombre de personnes qui se sont penchées sur le sujet. Mais je pense qu’il ne faut pas oublier des points aussi importants que ceux évoqués ci-dessus, faute de quoi je crains pour l’avenir du niveau de formation dans nos écoles. Et pour ce que j’ai vu des débats, ces points ne sont justement pas remis en question. Cela me pose un grave problème.

Bon courage à nos députés pour arriver à nous proposer un résultat cohérent, solide et efficace pour l’école de demain. On n’a pas fini de refaire l’école.

Une réflexion sur « De bonnes questions autour de la révision de la loi sur l’école obligatoire »

  1. Suite à quelques commentaires que j’ai eus, je vais juste expliquer un peu une chose. Je ne cherche pas à faire de l’élitisme ou à dénigrer les enseignants généralistes qui font comme les spécialistes un très bon travail et qui ont leur place dans le système scolaire bien entendu. Non, loin de moi cette idée. D’ailleurs il est bien des endroits où ils ont davantage leur place que des spécialistes. En fait, ce sont deux visions du métier différentes et qui peuvent cohabiter sans autre. Autant un enseignant plus pratique et concret sera plus à sa place pour encadrer un jeune se destinant à une arrivée sur le marché du travail et dans le monde professionnel. Autant un universitaire sera plus à même de préparer ceux qui se destinent à des études longues.

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