La Suisse et le contrôle du web – courrier des lecteurs

Hier le quotidien 24 Heures publiait un courrier des lecteurs rédigé par ma collègue candidate au Conseil National Irina Krier et moi-même. Au vu de la longueur admise pour ces courriers des lecteurs, il s’agissait d’une version résumée et coupée. Je me permets de vous mettre ici la version complète que nous aurions aimé voir publiée…

Le 10 juin dernier, le ministre suédois des affaires étrangères présentait devant le Conseil des Droits de l’Homme un discours soutenu par 41 Etats, dont la Suisse, au sujet de la liberté d’expression sur internet. Il y défendait le récent rapport des Nations Unies pour la liberté d’expression, qui a été lui aussi approuvé par la Suisse. Nous pensions donc que notre gouvernement soutenait l’idée d’un internet libre, d’un espace d’expression aussi ouvert que peut l’être le monde réel. Nous nous sommes réjouis de voir l’accès à l’information et la liberté d’expression (y compris de manière anonyme) reconnus comme des droits fondamentaux. Internet offre une passerelle vers ces droits à des millions de personnes de par le monde et son utilisation ne doit pas être bridée; en outre, l’idée semblait acquise, puisque défendue dans ce rapport, que les fournisseur d’accès et opérateurs, simples intermédiaires techniques, n’ont pas à être responsables des contenus qui transitent par leurs réseaux, et n’ont pas à devenir une police du web.
Or voilà que soudain Mme Sommaruga se prononce pour une modification de l’Ordonnance sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (OSCPT), Une modification allant dans le sens d’une police du web justement. Les opérateurs devraient dès lors contrôler, intercepter et vérifier tous les contenus transitant sur internet. Ceci va à l’encontre totale des deux textes soutenus par la Suisse évoqués plus haut.
Mais, plus grave encore, et on a pu le voir dans les expériences de nos voisins français en particulier (avec Hadopi et Lopssi), ce genre de mesure suscite plus de problèmes qu’elle n’en résout, sans même parler de leur inefficacité.
La question de la vie privée et des données personnelles est essentielle dans ce cadre. Elle nécessite toute notre attention. Depuis quelques temps maintenant, une vague de prise de pouvoir et de contrôle s’opère sur le web. Or les textes cités en ouverture de ce courrier le rappellent : afin de conserver la liberté d’expression, on ne peut pas appliquer un contrôle permanent du web. Seul le contrôle de certains contenus dans des cadres bien précis et sur demande de la justice directement peut être envisagé.
Enfin, les diverses instances gouvernantes qui ont tenté de mettre fin aux agissements des “cyber-pédos-nazis-terroristes” en proposant des mesures de filtrage ou de dénonciation ont pour l’heure totalement échoué. Les mesures introduites en France ou ailleurs n’ont eu pour seule conséquence que la multiplication des moyens pour contourner les blocages ou la surveillance. Les gouvernements n’ont pas les moyens techniques pour effectuer un contrôle total du trafic internet. Malheureusement, l’utilisateur moyen, lui, n’aura pas connaissance de ces mesures de contournement, et verra son accès restreint et sa vie privée ouverte à l’intrusion, sans qu’on puisse en retirer un quelconque bénéfice en matière de sécurité.
Nous demandons dès lors au gouvernement et au parlement une réflexion sur l’efficacité et les dangers pour la vie privée et l’accès à l’information que peuvent avoir les velléités de contrôle d’internet hors d’un cadre juridique strict.

Irina Krier, conseillère communale à Renens, candidate des Verts au Conseil National
Frédéric Hubleur, conseiller communal à Ecublens, candidat des Verts au Conseil National

5 réflexions sur « La Suisse et le contrôle du web – courrier des lecteurs »

  1. Bonne mise au point; j’y aurais personnellement ajouté la notion qu’en voulant limiter l’accès à Internet, on attaque non seulement la vie privée des citoyens, mais aussi d’une certaine façon la compétitivité des entreprises qui travaillent dans ce domaine.

    Je me rends compte que « compétitivité » et « entreprise » sont un peu des gros mots quand on est candidat des Verts, mais c’est un point bien réel qui pourrait aider des personnes de sensibilité plus à droite à prendre conscience de la dangerosité d’un tel objet.

  2. Ce ne sont pas des gros mots, au contraire… On a même une initiative sur le thème de l’économie. Etre Vert, ce n’est pas être un ermite s’éclairant à la bougie dans sa grotte…

    Par contre, on a tenté de faire court pour un courrier des lecteurs, on ne pouvait de loin pas aborder l’ensemble de la question. Même si on aurait bien aimé évidemment.

  3. Intéressant, très intéressant.

    Connaissant (relativement bien) Irina, puis-je demander comment vous vous êtes retrouvés les deux sur ce dossier ?

    MJ

  4. Nous sommes un peu les « jeunes geeks intéressés par les nouvelles technologies » dans la liste des Verts au National 😉

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