Watchmen

Quand je vous avais parlé du film Watchmen, j’avais avoué n’avoir jamais lu le comics d’origine. Ce manque de culture est aujourd’hui réparé. Et je me dis que j’aurais du le faire il y a longtemps ; mais pas trop longtemps quand même car, pour être apprécié, cet ouvrage nécessite un peu de recul et de culture. On n’est pas ici dans le comics de super-héros classique. Watchmen nous présente un univers où des gens ordinaires décident de se masquer pour faire régner l’ordre et la justice. Pas de super-pouvoirs, juste une volonté d’agir pour « le bien », ou leur perception de ce concept. Un premier groupe s’était réuni. Puis est apparu le Dr Manhattan, un scientifique touché par les effets imprévisibles d’une expérience et qui va développer de terrifiants pouvoirs faisant de lui un être quasi divin. Il va permettre aux Etats-Unis de gagner la guerre du Viet-Nam. Nixon sera ré-élu et nous sommes en 1985. Une deuxième bande de héros masqués à agi aussi mais a raccroché avec l’âge ; et aussi une loi interdisant les héros masqués. Un seul est encore réellement en activité, un type un peu fou appelé Rorschach. Il va enquêter lorsque l’un de héros en question, le Comédien, est retrouvé mort, assassiné. Et c’est là le début de ce bouquin. Il s’agit là de ce que l’on appelle couramment un roman graphique (graphic novel), donc pas un truc court comme l’essentiel des comics, mais plutôt un long pavé, un roman avec une part visuelle et graphique puisque le tout prend la forme d’une BD (à part quelques pages de texte brut entre les chapitres et qui donnent du poids à l’univers et aux personnages).  L’intrigue va nous plonger dans la vie sordide des super-héros qui ne sont pas les beaux chevaliers blancs que l’on pourrait imaginer. On est de plus à l’aube d’une guerre nucléaire et quelqu’un semble s’acharner à faire disparaître les héros qui pourraient s’interposer.

Watchmen est un ouvrage complexe qui se lit à tête reposée. Le nombre de thèmes, de degrés de lectures, de personnages, d’histoires qui s’entrecroisent, tout cela rend ce livre pas toujours facile à appréhender mais lui confère aussi une profondeur étonnante. On suit divers personnages à diverses époques, chacun avec sa personnalité et sa psychologie. Et si les fils de l’histoire en viennent à se rejoindre, ils paraissent tout d’abord très diffus. De plus là-dedans se mêle en parallèle la lecture d’un comics par l’un des protagonistes et les cases de cette histoire s’intercalent avec l’histoire principale. Si l’on rajoute à cela que les motivations sont tortueuses et qu’aucun personnage n’est ni tout blanc ni tout noir, on obtient un joli tableau. Le genre de livre que l’on sent à la fin qu’il faudra relire plusieurs fois afin d’en saisir le fond et de percevoir toutes les références que l’on y trouve tout au long ; l’auteur Alan Moore avait d’ailleurs dit que Watchmen était conçu pour être lu 4 ou 5 fois.

Du point de vue visuel, le bouquin est très travaillé. Quasiment toutes les pages sont basées sur le même emplacement de cases, même taille, même disposition, mais avec un jeu là-dessus. Le graphisme est extrêmement maîtrisé, et le passage d’une case à l’autre peut se faire de manière très fine ou très brusque, montrant parfois simplement l’écoulement du temps ou déplacement. Certaines images sortent de ce cadre, et elles sont dès lors exceptionnelles, particulièrement remarquables, jouant un rôle très particulier dans la narration. Les couleurs utilisées sont assez vives, elles ont cet air old-school des comics de l’époque. Alors oui de nos jours ça peut faire vieux. Mais Watchmen ne date pas de hier ; et si cela se ressent visuellement, le contenu n’a pas pris une ride. Normal, donc que l’on ait cette sensation quelque part. On notera encore l’absence d’onomatopées. Coups de poings, moteurs, crissements, pas, rien n’indique les bruits de ces actions. Et pourtant on les ressent tout autant, tellement le dessin les retranscrit précisément. C’est assez surprenant au début, mais on se laisse facilement embarquer. Et il y a d’autres aspects qui rendent cet ouvrage différent des comics standards. Au final, Watchmen est tout autant un livre de travail artistique et créatif, novateur, qu’une histoire à découvrir.

Contrairement à la plupart des histoires de super-héros qui mettent en scène des gens hors du commun luttant pour le bien de tous, on a ici des gens parfaitement normaux, avec leurs défauts et leur profonde humanité. En plus, ils sont sur le retour. Le Hibou qui séduit Le Spectre Soyeux de manière assez normale finalement, avec son ventre, ses lunettes, et tout, sans être un Apollon. Juste un homme, un vrai, normal. On est beaucoup plus dans la réflexion du « comment peut-on prendre un rôle de héros costumé dans une société normale? » L’adversaire et la confrontation ne sont finalement que secondaires dans ce contexte. Et puis il y a aussi toute cette réflexion sur l’Humain, toujours prêt à se sauter à la gorge, à s’autodétruire. la menace permanente d’une guerre nucléaire est une tension bien plus grave que la menace de mort planant sur nos héros masqués.  On peut donc voir de nombreux thèmes dans ce bouquin. Et franchement c’est du solide, pas bricolé à la va-vite.

Watchmen c’est donc une vraie œuvre, une partie de la culture contemporaine. Il y a là tout autant à voir et à lire, à réfléchir, que dans beaucoup de romans étudiés dans les écoles. Un grand moment. Qui va plus loin que le film, c’est certain. D’ailleurs va falloir que je revoie le film un de ces quatre maintenant. Et que je relise cette BD pour essayer d’y voir plus clair et de démêler un peu tout ça.

Une réflexion sur « Watchmen »

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