Un regard plus positif sur la finance

Il y a très peu de temps, je vous faisais un petit billet avec mon avis sur la finance… J’aurais pu attendre et vous le faire maintenant. Parce que l’autre jour les Verts vaudois organisaient un fort intéressant débat intitulé « Vers une finance durable ». Et là, paf! L’illumination! La finance peut être éthique et bien pensée. Alors le regard sombre que je portais sur ce domaine il y a peu s’est éclairé. Certes de manière très relative parce que cela reste encore peu de choses par rapport à la finance mondiale. Mais sincèrement cela faisait plaisir de voir des gens du milieu avec une éthique et une vision à long terme, un côté très humain. Bref, une contradiction totale avec ce que j’en disais il y a peu.

Alors ce débat donc… Bien évidemment, les intervenant-e-s (aussi bien les Verts que les extérieurs) étaient du domaine de la finance. Donc il y a eu des passages où j’étais un peu dépassé et où j’ai découvert des mots que je savais pas que ça existait (genre la « titrisation »). Mais dans l’ensemble, ça a été très intéressant et j’ai découvert pas mal de choses. Notons aussi qu’il ne s’agissait pas d’un débat contradictoire du genre grand spectacle de ce qui se fait à la télé avec des forts en gueule, mais plutôt un truc argumenté de gens plus ou moins d’accord entre eux et expliquant/présentant cette vision de la finance. Parce que oui, à part les candidat-e-s verts, les intervenants sont de la Banque Alternative Suisse et de Sustainable Finance Geneva. Des personnes déjà acquises donc, et même très actives sur le sujet.

Je ne vais pas vous refaire la conférence. J’en serais bien incapable. Mais je vais ressortir quelques uns des éléments que j’ai retenus et qui me semblent très pertinents.

Tout d’abord il s’agissait de définir ce qu’est la finance durable. Les représentants de la BAS et de SFG se retrouvaient sur le fond mais différaient parfois un peu dans certains termes et certaines priorités. En gros l’idée est d’avoir une finance éthique, humaine, qui prenne en compte des critères dits ESG : écologiques, sociaux et de gouvernance. Et qui les applique dans l’analyse économique classique. On a aussi parlé des principes pour l’investissement responsable, édictés par l’ONU (appelés PRI pour Principles for Responsible investment), une sorte de code de bonne conduite que les fonds d’investissement et les financiers sont appelés à signer pour montrer la bonne voie. Au final, ce qu’il en ressort, c’est qu’il existe une part de la finance qui se dote d’aspects éthiques et humains, où le bien commun est érigé en valeur fondamentale et où la transparence est capitale (la BAS rendant publics les investissements qu’elle fait).

On a parlé encore d’une logique du long terme. A l’heure actuelle, la finance tourne sur le court terme et le profit à très courte échéance. De fait, FSG travaille avec de nombreuses caisses de pension qui voient plus loin, ne serait-ce que par leur obligation de devoir fournir un rendement à long terme justement, pour leurs investisseurs actuels qui feront valoir leurs droits dans plusieurs années ou dizaines d’années. Lorsque l’on voit actuellement les choses aller aussi vite, des reventes qui se font en l’espace d’à peine quelques heures, il est difficile de mettre un cadre plus large à tout ce système. Il s’agit dès lors de trouver des incitations pour guider la finance. D’ailleurs, de nos jours, ce sont les grands fonds qui ont la main dans la finance ; le capitalisme a changé en 10 ans. Dorénavant, en se regroupant (par exemple avec la Fondation Ethos), ces fonds peuvent peser et donner une nouvelle direction. Si la finance peut profiter de leur vision à long terme, ce sera une très bonne chose. Les fonds de pension ne doivent pas se laisser porter par le bénéfice à court terme, ou par l’intérêt le plus primaire comme c’est le cas parfois. Il faut réfléchir a ce qui est le mieux. On peut effectivement s’en mettre tout de suite plein la panse mais qu’il ne reste plus rien après ; ou alors garder de la réserve et voir à long terme. Dans ce court terme, ni le consommateur ni le producteur ne s’y retrouvent ; seul le financier, au milieu, fait son beurre, et ceci est inacceptable.

Et le rôle du politique là-dedans? Il est essentiel. Il doit tout d’abord s’aligner avec les forces économiques existantes qui veulent renverser la vapeur. Et ainsi acquérir le poids suffisant pour agir réellement. Encore faut-il avoir la volonté politique de le faire. Ses décisions parlementaires peuvent influencer grandement les choses. Par exemple en séparant les activités des banques, en détachant la banque d’investissement du reste. A l’heure actuelle, il est surtout question de contraindre les banques à avoir davantage de fonds propres, une meilleure assise. Mais si ces fonds sont là pour aller toujours chercher plus de risques, ils ne sont pas utiles pour stabiliser la finance. Ils ne seront réellement utiles que si la banque se concentre sur des activités dans le cadre du bien commun. La tradition éthique a de bonnes bases en Suisse, mais des bases traditionnelles qui ne font pas force de loi. Il manque une réglementation car il s’agit là surtout de bonnes intentions. Nous avons besoin d’une transparence, d’une communication de la part des entreprises sur les bilans financiers, mais aussi sur les aspects ESG de leur fonctionnement. Un fonds se disant durable doit mettre noir sur blanc ce qu’il entend par durable, ce terme étant souvent utilisé à toutes les sauces aujourd’hui.

Il reste encore l’actionnaire là-dedans. Lui doit être « éduqué » aussi, il ne doit plus attendre des entreprises des rendements excessifs. Il n’a pas à leur demander des taux de rendements faramineux, atteignables uniquement par des pratiques aux conséquences sociales terribles. Il en va de même en tant que cotisant pour des caisses de pension ; il est de notre droit de poser des questions à notre caisse, de savoir où et comment est investi notre argent, comment il est géré. On rejoint ici un trend de plus en plus fort à notre époque, celui du consommacteur ; ne soyons pas de simples moutons qui suivons ce que l’on nous propose, nous pouvons nous engager afin d’améliorer les choses. le consommateur est aujourd’hui de plus en plus responsable, mais la finance échappe encore à ceci. Comme on n’y comprend rien, on laisse le soin à son banquier de s’occuper de tout. Non, un consommateur cohérent qui veut le meilleur pour lui, pour le producteur, pour son avenir, pour son environnement, lui se renseignera sur les investissements.

Il faut penser aussi au-delà de l’investissement boursier. Les banques doivent garder leur rôle primordial de soutien aux PME, à la création d’emploi, à l’conomie locale/nationale. Si on ne garde que l’investissement boursier, on perd pied, on perd le contact avec l’économie réelle.

Je crois avoir fait un peu le tour de ce que j’ai pu digérer de ce débat fort intéressant. Il en ressort que l’espoir est là de voir la finance évoluer en bien. Ce n’est pas gagné, ne nous voilons pas la face. Il faut se donner les moyens de réveiller une conscience chez de plus en plus de partenaires. Il faut se donner les forces politiques pour procéder aux ajustements législatifs nécessaires. Il faut creuser, pousser, continuer à se mobiliser. Mon co-lisitier au National Raphaël Mahaim en parle sur son blog comme de l’une de ses priorités  utopistes : Une refonte totale du secteur financier. Je ne peux qu’abonder dans son sens. Et aujourd’hui j’entrevois des pistes par lesquelles cela est possible, me réconciliant ainsi quelque peu avec la finance en général, tout en restant en guerre ouverte contre une certaine forme de la finance.

 

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