De la place des ludothèques

A_Game_Of_Thrones_board_game_detailIl y a peu, j’ai trouvé un article du journal 24 Heures qui m’a bien fait réagir. Je vous le copie-colle ici au cas où il disparaitrait un jour dans la profondeur insondable des archives (article daté du 16 juillet 2015), et mes réactions viennent après :

Les ludothèques bénévoles doivent se réinventer

Jeux de société

Pour survivre, les lieux consacrés au jeu doivent se doter d’un horaire régulier et étendu. Or la plupart des ludothèques bénévoles ne sont ouvertes que quelques jours par semaine.

Le monde du jeu fait rêver mais aussi s’arracher les cheveux des responsables des ludothèques à caractère bénévole. Pour survivre, celles-ci doivent se réinventer.

Alors que la fréquentation des ludothèques gérées par des professionnels reste constante voire augmente depuis plusieurs années, les établissements fonctionnant sur le mode du bénévolat font grise mine. Pour eux, la tendance est à la stagnation quand ce n’est pas à la baisse, explique Daniela Lannez de la Fédération des Ludothèques Suisses.

Pour survivre, les lieux consacrés au jeu doivent se doter d’un horaire régulier et étendu. Or par manque de moyens, la plupart des ludothèques bénévoles ne sont ouvertes que quelques jours par semaine. «La question des heures d’ouverture apparaît dès lors comme le nerf de la guerre», souligne Daniela Lannez.

Place au divertissement

Miser sur les animations constitue une autre piste. A l’heure actuelle, de plus en plus de ludothèques organisent des soirées jeux pour petits et grands. Cela leur permet de diversifier leur public.

«Nous avons multiplié nos animations dans le but de faire de notre institution un lieu de vie ouvert et non un simple endroit où retirer des jeux. Cela nous a permis d’élargir notre clientèle même si, à la base, la demande en événements vient de l’extérieur», spécifie Pascale Hoffmeyer, responsable de la ludothèque de Delémont.

Pour elle, il ne faut pas tout miser sur le public enfantin: «A l’heure actuelle, les enfants jouent moins longtemps. Dès 8 ans, ils ont tendance à se détourner des activités ludiques pour entrer dans un univers de consommation». Sans oublier que la multiplication des loisirs à côté de l’école (foot, piano, danse, piscine…) empiète sur le temps consacré au jeu.

Transcender les générations

Parallèlement, les adultes n’ont jamais autant joué, comme le développement des clubs de jeux en témoigne. D’où l’intérêt d’ouvrir les ludothèques aux plus âgés en leur fournissant une offre ludique adaptée.

«En outre, les enseignants et les thérapeutes se tournent de plus en plus vers les jeux éducatifs pour encadrer les enfants qu’ils ont à charge», informe Pascale Hoffmeyer. Des rayons spéciaux consacrés aux maladies dites «dys» (dyslexie, dysgraphie, dyscalculie…) ont ainsi fait leur apparition dans les ludothèques.

Pour Daniela Lannez, il s’agit au final de proposer des jeux adaptés à tous les âges de la vie. A cet égard, les ludothèques revêtent un rôle social. Ces lieux de vie permettent de transcender les générations.

Playmobil encore à la mode

Selon Anne-Marie Grangier, présidente de l’Association Vaudoise des Ludothèques, étoffer son public permet aussi de dépoussiérer l’image vieillotte qui colle à la peau des ludothèques. Et à ce niveau, les établissements bénévoles sont défavorisés par rapport à ceux qui reçoivent des subventions communales. «Grâce à cette manne financière, ils peuvent acquérir de nouveaux jeux et rafraîchir leurs collections», explique la responsable de l’Association vaudoise des ludothèques.

D’autant plus que les besoins évoluent vite. Actuellement, les jeux en bois et de construction ont moins la cote. «Ils plaisent surtout aux grands-mamans qui désirent les faire connaître à leurs petits-enfants», souligne Françoise Noir, collaboratrice à la ludothèque de Neuchâtel.

«Les jeux de société restent par contre toujours appréciés du moment qu’ils proposent des règles claires et faciles à comprendre. Et les playmobils font encore partie des incontournables», indique Pascale Hoffmeyer. Les jeux d’extérieur ont aussi fait leur entrée dans les ludothèques. «Ils sont très prisés en été», poursuit-elle.

Dégât d’image

A côté de cela, il convient aussi de redorer le blason du jeu, souvent considéré comme moins noble que le livre. A cet effet, les ludothèques souffrent d’une moins bonne image que les bibliothèques. «Pourtant avant de savoir lire, les enfants apprennent en jouant. Le jeu se situe à la base de tout apprentissage», précise Daniela Lannez.

Face à ces nombreux défis, ne faudrait-il pas à terme professionnaliser les ludothèques, par exemple en augmentant le nombre de personnes salariées? Oui, répondent en chœur les ludothécaires interrogées. «A Gossau (SG), les autorités ont opté pour cette solution et la fréquentation a augmenté de 500% en deux ans», déclare Daniela Lannez. Au final, cette décision revient aux communes qui décident des moyens financiers à accorder à ces lieux de vie pour qu’ils ne se transforment pas en cimetière à jeux. (ats/Newsnet)

Bon alors déjà la première réaction c’est d’être super content de voir parler de notre loisir dans un média à très large distribution. Le jeu de société est souvent réservé à de minuscules encarts et il est toujours difficile d’en faire parler. D’autant plus quand on essaye de véhiculer une autre image que celle des interminables Monopoly lors des après-midis pluvieux chez grand-maman. Alors oui cette image change, on le constate avec le public de plus en plus large qui se présente lors des animations ludiques offertes par les différents groupes qui se décarcassent en ce sens. Et atnt mieux, du coup un grand bravo pour cet article.

Cet article me rappelle les discussions qui avaient lieu lors de la mise en route de la ludothèque Le Dé Blanc à Ecublens. Je ne peux que remercier encore la Municipale qui a lancé la ludothèque (malheureusement il y a eu par la suite un remaniement de dicastères) d’avoir pensé à proposer un poste de ludothécaire professionnel(le) payé par la Municipalité. Comme je le dis souvent, aucune commune ne penserait à ouvrir une bibliothèque sans au moins un(e) responsable formé(e) et professionnel(le) qui maîtrise la chose (même s’il y a des bénévoles autour ensuite) ; pourquoi les ludothèques ne sont-elles pas mises sur le même niveau? Le jeu est après tout un objet culturel au même titre que le livre. L’Humanité jouait avant d’écrire des livres. On peut étudier les diverses civilisations et les cultures et leur évolution au travers des jeux créés de tous temps. Et à l’heure actuelle, un jeu c’est au moins autant de travail pour son/ses auteur(s) qu’un livre, sans compter le boulot d’édition avec toute ce que cela comporte. Le jeu de société c’est aussi un secteur économique en pleine croissance avec plus de 1’000 nouveautés par année. Non le jeu de société ne se cantonne pas aux grands classiques sur les gondoles de la grande distribution, il démontre toute sa richesse dans les boutiques spécialisées. Et dans ce cadre, le besoin de personnel qualifié, compétent, et suffisamment disponible nécessite de professionnaliser le statut de ludothécaire afin de reconnaître les compétences nécessaires. Le jeu a de nombreuses qualités, et il n’y a pas d’âge pour jouer (non le jeu n’est pas fait que pour les enfants, historiquement ils en étaient même exclus, et je doute que l’on me dise qu’échecs ou poker sont réservés aux enfants).

De même, toujours en lien avec les discussions qui ont guidé la création du Dé Blanc, quand on m’a proposé la présidence de l’association j’ai accepté mais en expliquant que je ne voulais pas faire une ludothèque qui soit un simple lieu de prêt de jouets pour enfants ; je voulais en faire un vrai lieu de rencontre autour du jeu pour toutes et tous, avec espaces de jeu, animations ludiques, jeux pour tous les âges et touts types de joueurs. Et j’ai été suivi par un comité et des bénévoles fidèles et qui ont permis de travailler en ce sens. Je crois que cette optique a aidé au succès énorme de la ludothèque, attirant du monde d’assez loin. Mais pour en arriver là il faut des gens qui connaissent et nous avons pu bénéficier de l’expérience d’une vraie ludothécaire formée et professionnelle, rémunérée ; il aurait été impossible de faire tout ce qui a été fait sans ce dernier point.

Pour en revenir donc au titre de l’article de 24 Heures : « Les ludothèques bénévoles doivent se réinventer ». Et bien non les ludothèques ne devraient pas être que bénévoles. Alors certes, comme pour les bibliothèques communales, il faudra toujours un cercle de bénévoles pour faire tourner la chose. Mais il faut au cœur de ces lieux des professionnels, des gens qui sont payés pour s’y connaître. Les ludothèques peuvent se révéler de magnifiques lieux de rencontre, des nœuds de lien social, des centres de convivialité. On parle non seulement de jouets pour petits mais aussi et surtout de jeux de société : par définition ces derniers se jouent en société, en groupes, en réunion. Quand je vois l’ambiance qui règne aux soirées jeux du Dé Blanc, de Ch’piiL (où j’ai atterri après mon départ de la ludothèque suite à des bâtons dans les roues), du Bar à Jeux, dans les salons et conventions ludiques de plus en plus nombreux et de plus en plus fréquentés, il est clair que le jeu a sa place dans notre société et doit être reconnu à sa juste place.

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