Que voter le 12 février 2017?

Et voilà, nouvelle série d’objets à l’ordre du jour pour les prochaines votations qui auront lieu le 12 février. Comme souvent, je vais vous indiquer ici deux-trois idées/conseils sur ce que j’estime être les bons choix et pourquoi. Et en premier lieu, je vous invite vraiment à voter, ne vous abstenez pas svp, prenez conscience de l’importance de ces sujets pour l’avenir et donnez votre avis.

Au programme, trois objets fédéraux, et un objet cantonal vaudois.

Arrêté fédéral sur la création d’un fonds pour les routes nationales et pour le trafic d’agglomération (FORTA)

Il s’agit ici de créer un fonds national destiné à l’entretien et à l’amélioration du réseau routier suisse, et je vous avoue être assez partagé. Bon, si vous me connaissez un peu, vous savez que je suis assez contre le tout-voiture qui nous entoure presque toujours. Et en même temps, il faut bien ne pas laisser aller le réseau à vau-l’eau, ne pas le laisser se détériorer. Tout comme il peut être intéressant de penser en termes de contournements de villes, de projets d’agglomération.

Et pourtant… l’installation de ce fonds à durée illimitée ne serait qu’un traitement des symptômes sans aller à la cause : le trafic qui augmente sans cesse, en particulier le trafic privé individuel motorisé. On se retrouverait finalement à accepter cette croissance inexorable plutôt que travailler davantage à promouvoir la mobilité douce et les transports en commun. Mettre ces montants, ou une part en tout cas, en soutient aux CFF, ce ne serait pas un moyen de faire par exemple baisser le prix vraiment rédhibitoire pour plein de monde de l’abonnement général? Ce n’est qu’une idée comme ça. Le fonds FORTA serait donner toute latitude au trafic routier.

D’autant que ce fonds devait être alimenté par une augmentation de l’impôt sur les huiles minérales ; ladite augmentation a été salement rabotée par le Parlement pour obtenir le texte actuel de la loi. Du coup, les montants pour financer le fonds devront venir d’ailleurs, de quelque part, et il s’agira probablement de puiser dans d’autres postes de financement de la Confédération ; l’enveloppe n’est pas extensible à l’infini. Alors on va couper où pour financer les routes?

Donc au final? Soutenir les projets d’agglomération qui impliquent aussi la mobilité douce et les transports en commun, oui. Mais donner ainsi un blanc-seing à un développement sans limite du trafic routier, je ne suis pas d’accord, surtout avec ce financement. Ce sera donc NON pour moi.

Arrêté fédéral concernant la naturalisation facilitée des étrangers de la troisième génération

En Suisse comme ailleurs, il y a pas mal de familles étrangères, souvent bien établies, dont les membres travaillent, s’investissent dans la communauté, vont à l’école, participent à la vie commune. Malgré cela, ils ne peuvent pas donner leur avis et s’exprimer lors de votations/élections nationales. Mais surtout, malgré toute leur bonne volonté d’intégration, il est assez difficile pour eux de se faire naturaliser, d’obtenir la nationalité suisse (et ce le sera encore plus à dater du 1er janvier 2018). Et quand on voit des jeunes qui sont pour la troisième génération en Suisse, qui ne parlent que notre langue, n’ont connu que ce pays et se sentent suisses, il est assez difficile d’envisager de leur rendre aussi difficile l’accession à la naturalisation. Ce texte ouvre donc la porte à une naturalisation facilité (et non pas automatique) pour ces personnes, pour peu qu’elles aiment moins de 25 ans. Sous conditions bien entendu.

Pour moi, il me semble plus qu’évident qu’il faut accepter ce texte car il permet de donner un vrai statut à des personnes au moins autant (voire plus) impliquées dans notre vie que bien des vrais Suisses de naissance. C’est la moindre des choses, et ce sera donc un gros OUI.

Loi sur la réforme de l’imposition des entreprises III

Vaste sujet que voilà… En résumé, on n’a plus le droit (c’est pas trop tôt) de donner des faveurs fiscales à des entreprises étrangères établies en Suisse par rapport à des entreprises suisses. A l’heure actuelle, elles sont vachement moins taxées. Et le but est de taxer tout le monde pareil. Sur le fond de la question, je suis 100% d’accord avec cette position qui me semble juste purement et tout-à-fait normale.

Mais le problème c’est dans la manière dont on va égaliser tout cela. Le nouveau taux qui a été choisi pour tout le monde ne permet pas de compenser les pertes de rentrées pour la Confédération, les cantons et les communes par rapport à la situation actuelle ; il est trop bas, soi-disant pour que la Suisse reste attractive. Dès lors, l’enveloppe des rentrées fiscales pour les collectivités publiques étant plus restreinte, il n’y aura que deux possibilités : soit augmenter les impôts des personnes physiques, soit réduire les prestations. Donc soit les individus et les ménages (déjà soumis à des loyers/assurances/autres augmentant pas mal plus vite que les salaires) vont devoir payer pour les pertes occasionnées par les entreprises qui payent moins. Soit les collectivités ne pourront plus effectuer toutes les tâches qu’elles effectuent actuellement, et dès lors il faudra choisir dans quoi on va trancher (comme d’hab formation, social, logement, etc. au hasard?) Non, franchement ceci est inadmissible. C’est le même argument par lequel je m’opposais à la RIE3 vaudoise en son temps.

Et puis il faut signaler que pour encore mieux lécher l’arrière-train des multinationales, le texte en question propose de sympathiques possibilités de réductions fiscales supplémentaires pour les entreprises, dans le doute. Y compris une qui me semble être un appel du pied aux patent trolls avec des déductions sur les brevets ; mais aussi des trucs tordus comme des déductions sur des intérêts potentiels que l’entreprise aurait mais n’a pas en fait. Enfin bref, plein de petites choses qui font tourner le vent dans le sens des grosses boîtes encore une fois. Et du coup ce sera pour moi un NON. Que l’on me propose une égalisation fiscale pour les entreprises qui tienne la route et soit acceptable.

Les opposants nous menacent d’entreprises prêtes à quitter le pays (comme si la Suisse n’avait pas d’autres attraits à offrir que sa concurrence fiscale déloyale), des pertes d’emplois (ce qui arrivera aussi si les collectivités publiques doivent se serrer la ceinture),… Et nous promettent plus de places de travail ; alors que rien dans la RIE3 ne force les entreprises à investir l’argent ainsi épargné en places de travail plutôt qu’en dividendes aux actionnaires. Tout cela me paraît bien plus conditionnel et supputé que les conséquences concrètes de pertes sur les rentrées fiscales.

Loi du 10 mai 2016 sur la préservation et la promotion du parc locatif (LPPPL)

Voici venir l’objet vaudois du jour. Et pas n’importe lequel puisque l’on va parler de logement, un sujet qui touche tout le monde. Un sujet que je connais pas trop mal aussi (ça fait quand même quelques années que je bosse dans le domaine).

Petit récapitulatif… En 2011 l’ASLOCA Vaux lance son initiative « Stop à la pénurie de logement ». Comme souvent avec l’ASLOCA, le texte est très revendicateur et va assez loin, mais il met en lumière le sujet très difficile du manque terrible de logements, en particulier de logements à loyers abordables ; on ne parle même pas de logements sociaux, mais juste de logements accessibles au commun des travailleurs qui veulent faire vivre leurs familles dans des conditions correctes sans s’entasser à 7 dans un 3 pièces ni subir une insalubrité crasse. Manque de logements, terrains à prix absolument scandaleux, thésaurisation de terrains mis en zone à bâtir par des propriétaires spéculatifs, tout se retrouve pour faire de ce marché un truc qui prend plein de monde à la gorge. L’ASLOCA obtient ses signatures et le texte arrive dans le débat politique ; il est quand même un peu trop fort et va trop loin, et le Conseil d’Etat travaille à un contre-projet, qui arrivera devant le Grand Conseil. Tout cela aura pris beaucoup de temps, avec des refus divers, de grosses batailles, et tout un tas de débats pour finalement se terminer avec une proposition qui a reçu l’aval de la majorité du Grand Conseil. L’ASLOCA, pourtant reconnue super combative et rentre-dedans, en a même retiré son initiative pour laisser cette nouvelle loi (LPPPL) aller de l’avant. Mais finalement un comité de gens de droite et des milieux immobiliers a décidé d’attaquer la loi par référendum, raison pour laquelle nous allons voter dessus.

Que propose cette loi? Rien de plus que quelques outils à destination des communes intéressées qui souhaiteraient s’investir un peu plus dans le domaine du logement pour tenter de garder un peu plus la main-mise sur le développement de leur territoire. On a bien vu ce que le marché bien libre actuel a donné comme résultat : une catastrophe avec des loyers n’arrêtant pas de prendre l’ascenseur, une mise sous pression des locataires par des bailleurs tenant le couteau par le manche et des propriétaires aux attitudes parfois purement scandaleuses (pas tous les bailleurs ni propriétaires hein, et il y a aussi de mauvais locataires bien entendu). La LPPPL propose donc essentiellement aux communes d’être avisées lorsque des terrains sont mis en vente sur leur territoire (et encore à certaines  conditions seulement) pour qu’elles puissent être prioritaires dans l’achat (au prix demandé).  Elle pourront dès lors obtenir quelques parcelles leur permettant de choisir ce qu’il y aura dessus. La loi prévoit aussi d’indiquer des quotas minimums de logements d’utilité publics dans certaines zones, ou d’accorder des bonus de surfaces constructibles à des propriétaires qui proposent une certaines proportion de logements d’utilité publique. Il ne s’agit donc pas de spolier les propriétaires qui recevront le même montant d’un terrain vendu. Il ne s’agit pas non plus de contraindre toutes les constructions à des règles strictes. Il s’agit par contre d’encadrer les constructions dans les zones en développement et soumises à une forte pression sur le marché du logement, et de permettre aux communes d’enfin retrouver leur rôle de régulateurs pour répondre aux besoins prépondérants de la population. Une loi équilibrée, acceptée par une majorité au Grand Conseil, nettement plus douce et amoindrie que ce que l’ASLOCA réclamait et que ce les premiers contre-projets du Conseil d’Etat proposaient. Votons donc OUI largement à cette loi.

2 réflexions sur « Que voter le 12 février 2017? »

  1. Bonjour,

    Merci pour votre analyse détaillée et pragmatique de ces votations.

    Je conseille à tous de venir ici une fois que vous avez fait votre propre analyse et avez besoin d’un avis complémentaire pour vous décider.

    Je vous remercie tout particulièrement pour le doigt sur l’arnaque de la RIE3 et du Patent Troll (bon j’avoue, au vu de la tartine qu’il nous ont ch*** j’ai d’abord lu votre article et j’ai survolé le feuillet ;P). J’attend avec impatience les affiches de *insérer parti de droite* avec des textes effrayants tel que « Tuer les entreprises et vider les emploi? » « Perdre les entreprise étrangère et les impôts? »

    Je partage également entièrement votre avis sur le fait que nous devrions employer nos efforts à promouvoir moins de mobilité (home office par ex.) et quand nécéssaire une mobilité douce (réduction du coup des abonnements voir suppression du ticket (rip, je l’ai toujours en travers de la gorge celle la) plutôt que de créer un fond illimité de rustine parce que leur précédent fond de ne réglait pas la chose (vaut il mieux soigner une maladie définitivement ou amoindrir ces symptômes indéfiniment?)!

    La loi sur les logements, je trouve que ce n’est pas assez, mais c’est déjà un bon début…

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