Les Chroniques Ecarlates – Entre chien et loup

Encore une lecture de copinage, j’avoue. Bon, cette fois, c’est pas juste du web-copinage de gens croisés sur els forums de jeux de rôles et/ou avec qui j’ai eu l’occasion de bosser sur des jeux ; nan cette fois, c’est Fabrice Pittet, avec qui j’ai fait quelques années d’études, en internat, à une époque où on découvrait ensemble le jeu de rôle, les lectures de fantasy et de SF et tout ce petit monde. Bref, un type pas mal présent dans ma construction de culture de l’imaginaire, qui figure dans les remerciements de Jaafir (le jeu de rôle que j’ai fait tout seul et que je dois ré-écrire depuis quelques lustres au moins). Alors oui quand je vois débarquer ce recueil de nouvelles fantasy, je me dois de sauter dessus.

Les Chroniques Ecarlates, ce sont donc six nouvelles se déroulant dans le même monde médiéval-fantastique de l’Etoile. Six textes sans lien direct, avec des héros différents, des lieux différents, des intrigues différentes, mais avec quand même malgré tout quelques touches où les textes se font référence ; il est possible de lire les textes séparément et de passer à côté de ces petits clins d’oeil, mais en lisant le tout on les remarque, comme un petit caméo d’un personnage principal dans une autre aventure. D’ailleurs, je parle de caméo  comme dans les films et/ou séries, cela me permet de rajouter le point suivant : l’écriture est super visuelle. En lisant tous ces textes, je voyais très bien les scènes, l’action se déroulait tout de suite visuellement dans ma tête. certains découpages se rapprochent même de ceux que l’on utiliserait sur grand ou petit écran. Cela rend le tout super prenant et on plonge d’autant plus dedans. J’aime beaucoup me sentir happé par un texte et visualiser aussi facilement ce qui se passe. Du coup la lecture a été très rapide. Les textes sont bien écrits, sans grandes lourdeurs, sans effet de namedropping et infodump super lourds comme on en a souvent dans la fantasy. On s’immerge dans le monde de l’Etoile à petites doses et l’air de rien, sans difficulté. Par contre, ce ne sont pas des textes tous publics. Quand on parle de Chroniques Ecarlates, c’est bien la couleur du sang qu’il faut y voir ; le livre est violent, chaque texte a droit à sa dose de descriptions de combats, avec une bonne dose de précision et de brutalité. Le sang gicle, les membres et viscères s’éparpillent, c’est souvent sordide et sale. Si l’on ajoute les quelques monstres et abominations qui parcourent ces pages, je dirais que ce n’est pas de la fantasy de petit gamin.

Dans La Gloire Ecarlate, on va suivre le chemin initiatique d’un jeune homme décidé à devenir mercenaire dans une compagnie d’archers hors du commun, parmi l’élite. Difficile contact avec un monde plus dur qu’il ne l’aurait imaginé et qui va révéler une personne qu’il ne pensait pas pouvoir devenir. Par-delà les Ondes nous entraîne dans la civilisation d’un peuple amphibie dont certains membres sont déficients et ne peuvent pas vivre hors de l’eau ; ainsi rejeté par ses pairs, l’un de ces déficients va chercher à contrer cette « malédiction » de la nature pour ainsi se révéler au grand jour. Les Corbeaux de Mereng sont une bande de coupe-jarrets, et leur chef sème la terreur dans la région. La récupération du contenu d’un convoi va modifier certains de ses grands principes. Avec Dans son Ombre, on va suivre le spas d’un homme traqué qui cherche refuge loin de chez lui, et qui va trouver ce qui pourrait devenir un foyer ; si seulement il pouvait être en paix avec son passé. Vous Mourrez tous, cela deviendra le leitmotiv d’un vieux pécheur alcoolique cherchant la rédemption et la réconciliation avec un passé mouvementé et plein de regrets ; la vengeance sera sanglante. Enfin, Le Dernier Bastion suit un groupe de survivants après une énorme bataille, retranchés dans un camp de fortune, assaillis par des hordes de combattants ; tout navigue entre les assauts incessants et les relations entre ces personnes qui se découvrent mutuellement alors que leurs chances de survivre à la situation sont plus que minimes.

Six récits, six aventures différentes, mais des trucs en commun. Typiquement on retrouve souvent ce thème de l’enfant persuadé de décevoir son père, des attentes parentales, de la volonté de s’élever pour y répondre. C’est assez impressionnant comme cela ressort. Je ne sais pas si c’est volontaire ou pas, mais c’est quelque chose de très clair et fort, le rôle de la figure paternelle que l’on ne veut pas décevoir. Il y a aussi ce petit côté « voyage initiatique », souvent traditionnel de la fantasy mais pas traité lourdement comme dans ces textes ayant un héros élu destiné à sauver le monde et qui doit se révéler. Non, ici le voyage initiatique, le périple, parfois intérieur parfois dans le monde réel, sert juste à faire sortir la vraie personnalité de la chrysalide. La violence aussi, toujours au cœur des histoires racontées ; une violence sauvage, fulgurante, qui semble se trouver au cœur de chacun, prête à surgir si les conditions sont réunies.

Un bouquin très sympa donc, prenant et très agréable à lire. Avec une fantasy sortant quelque peu des canons à l’ancienne remplis d’elfes, de nains et d’orques, construisant sa propre mythologie, un monde bien particulier. Je recommande ; en plus, pour une fois que j’invite à soutenir un auteur local… Et puis Fabrice nous annonce un roman pour prochainement (avec une couverture superbe au passage), que je me réjouis de découvrir.

 

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