La Horde du Contrevent

Je l’ai tellement souvent vu cité comme une référence de la fantasy française que j’ai finalement acheté le bouquin (daté de 2004) pour voir ce qu’il en est. Bon, clairement j’ai été déçu au vu des attentes que j’y avais mises.

Dans le monde de ce roman, le vent est la référence et tout le monde vit en fonction de cela. En fait les gens ne vivent que dans une bande de terre viable coincée entre des parois rocheuses et des zones trop arides, une zone où le vent souffle, toujours, tout le temps, dans le même sens, avec des forces et des styles différents. On a des villages qui s’en abritent et usent de sa force pour vivre. On a des voyageurs qui utilisent des sortes de bateaux volants. Et surtout on a des Hordes, lancées à pied depuis une ville au fin fond de cette zone habitée, suivant cette « bande de contre » en contrant le vent, remontant le courant afin de tenter d’atteindre le mythique « extrême-amont » qui serait la source du vent mais que personne n’a jamais réussis à découvrir au vu de la difficulté du trajet. Nous allons suivre le parcours de la 34ème Horde et ses 23 membres qui remontent le vent en direction de l’extrême-amont.

Bon, dès le début, le roman rebute, est difficile à prendre en main. Le récit est en effet raconté par des narrateurs multiples, membres de la Horde. Et pas du style des romans A Song of Fire and Ice avec un chapitre du point de vue d’un personnage ; non, ici on a un ou deux paragraphes, parfois très courts, parfois quelques lignes, avant le changement de personnage, y compris dans une même scène, dans un même dialogue. Et pour ne rien arranger, chaque personnage est identifié en début de son texte non pas par son nom mais par un petit glyphe (heureusement que l’éditeur a eut la bonne idée de mettre un marque-page récapitulant quel glyphe correspond à quel personnage) ; ceci fait que l’on doit toujours aller voir à qui correspond le glyphe (après quelques dizaines de pages, on prend le pli et on reconnaît certains personnages importants et très récurrents, mais cela reste quand même compliqué). On notera encore que dès les premières lignes, le livre propose un vocabulaire complexe, lourd et chargé, avec tout plein de termes spécifiques envoyés par paquets de douze sans trop d’explications ; on est surchargé d’informations à la lecture, et il est difficile de prendre pied. Sans compter que les 23 personnages sont tous balancés quasi en même temps dès l’ouverture, sans nous laisser le temps de nous acclimater gentiment à l’un puis à l’autre. Rien n’est fait pour une immersion aisée dans cet univers particulier. Mais bon, avec quelques efforts, on passe ces premières difficultés et on se force à aller de l’avant. Parce que oui j’avais quand même envie de voir ce qui arrivait à cette Horde et puis après tout il est assez souvent recommandé, ce bouquin.

Je note une jolie maîtrise de la langue par l’auteur. Il sait écrire. Et même il pousse le vice à donner un style, un parler, une manière de faire, à chaque personnage. Ainsi chaque changement de personnage est synonyme de changement de style, en plus du changement de point de vue. Cela donne un certain charme et permet également de mieux distinguer les personnages, de leur donner une identité. Et franchement Alain Damasio a une belle plume.

Un autre point qui me gêne dans ce bouquin c’est que finalement l’intrigue, l’histoire en elle-même, passe trop souvent au second plan. De nombreux et longs pans du bouquin sont des trips métaphysico-psychologico-délirants sur les concepts du vent, du monde, de la création, de qui est quoi, etc. Alors oui j’aime les univers bien construits et solides qui permettent de réfléchir et ayant leur logique interne. Mais là ça part un peu en sucette, d’autant que ça prend vraiment le pas sur l’histoire, souvent laissée en suspens. Finalement le voyage de la Horde, leurs rencontres, leurs aventures en elles-mêmes sont bien peu de choses. Ce qui compte c’est la définition du vent, la notion de Vif (un truc bien tordu spécifique à cet univers), la notion d’âme, de ce que l’on imagine, des rêves et de la chute de chacun, de combattre sa propre zone de mal. Le tout pour arriver à un final qui sonne dans ses dernières lignes comme une révélation terrible mais qui tombe à plat car on le sent venir depuis un bon paquet de pages.

Alors oui autant j’aime bien le concept de cet univers bien particulier et sortant des poncifs, autant j’aime bien l’idée des aventures d’une Horde lancée dans une quête quasi vouée à l’échec, autant j’aime bien certains lieux et certaines rencontres décrits dans le livre, autant ces tonnes de pages psyhoclogico-bizarres m’ont saoulé. Sincèrement. D’autant que des ellipses temporelles brisent le rythme de progression de la Horde. Tout cela sonne un peu trop pompeux de réflexions profondes sur l’Humanité sous le couvert d’une aventure trépidante qui ne l’est finalement pas tant que ça.

Bref, malgré quelques éléments sympathiques et de bonnes idées, malgré un travail d’écriture impressionnant, ce roman reste pour moi finalement très dispensable et ne mérite pas les quantités d’éloges dont il est auréolé.

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