Carnaval

Alors ce bouquin-là, je n’en avais jamais entendu parler. C’est vraiment en passant dans la librairie que la couverture m’a happé. Détour par la quatrième de couv… Nouvelle-Orléans, 1919, tueur en série, maffia, bayou, jazz, bref de quoi titiller l’imagination et plonger dedans. J’ai craqué.

On est effectivement sur l’histoire d’un tueur en série qui terrorise la ville de la Nouvelle-Orléans. Insaisissable, ce Tueur à la Hache semble frapper tout le monde, et va jusqu’à annoncer ses prochains crimes dans des lettres ouvertes aux journaux. Dans une ville corrompue au possible, où le sens de la fête et la luxure sont devenus des modes de vie, où racisme et ségrégation sont le pain quotidien, où se côtoient blancs, noirs, cajuns et métisses divers, il ne va pas être aisé de démêler cette histoire. On va suivre les pas de plusieurs personnes qui enquêtent en même temps mais pas ensemble sur le tueur. Le flic officiellement chargé de l’enquête, envoyé au front sur une affaire qui risque de lui exploser à la gueule et de détruire sa carrière et sa vie privée, aidé d’un jeunot qui l’idolâtre ; une jeune employée d’une agence de détective qui veut démontrer qu’elle peut s’occuper d’autre chose que de la paperasse, avec son pote musicien de jazz émérite ; et un ancien flic ripou à peine sorti de prison, tombé suite aux accusations de son collègue qui mène l’enquête officielle. Un joli cocktail explosif, tendu à l’approche d’une tempête qui va déverser sa fureur sur la ville.

Ce que j’ai apprécié, c’est la retranscription de la ville, de l’époque, de l’ambiance. On se sent bien plongé dedans. On voit se dérouler les rues des divers quartiers de la ville, on entend le jazz, tout y est. On a aussi des personnages hauts en couleurs, marquants, des grandes gueules, des gens qui ont tous des secrets à cacher et des trucs dont ils ne sont pas fiers. Les descriptions sont bonnes. On sent que l’auteur s’est documenté. L’historique par exemple du quartier chaud de Storyville. On retrouve également des personnages historiques réels, comme Louis Armstrong (il faut un moment pour comprendre qu’on a affaire à lui).

Il faut savoir que le fameux Tueur à la Hache a réellement terrorisé La Nouvelle Orléans en 1918-19, sans jamais avoir été formellement identifié. Certaines pistes évoquées dans le livre sont de vraies pistes suivies à l’époque (lien maffieux, promotion du jazz,…). La lettre passée dans le journal qui se trouve dans le roman est la retranscription de la lettre originale du tueur. Certaines victimes dans le bouquin sont même reprises de victimes réelles. La partition « The Mysterious Axman’s Jazz (Don’t Scare Me Papa) » évoquée dans le livre existe réellement. Etc.

C’est à tout cela que tient le roman surtout. Davantage que l’enquête en elle-même, on est sur une fresque dépeignant une ville mythique à une période bien particulière, à la rencontre entre la modernité qui arrive (féminisme, multiculturalisme, jazz,…) et le passé bien ancré (racisme, traditions, patriarcat,…) Tous ces éléments sont dispensés au long des pages, intégrés à la narration. Et ils ne sont pas là que pour décorer. Ils servent réellement l’intrigue. La ville est un personnage à part entière, inhérent au roman. On ne pourrait pas déplacer l’intrigue telle quelle ailleurs comme c’est le cas de nombreux romans policiers. Il y a des spécificités locales utilisées par l’auteur.

L’intrigue en elle-même ne casse pas trois pattes à un canard et on est dans du polar assez classique. Il y a un tueur en série, on part de rien, on cherche des indices, on trouve des pistes, on assemble les pièces du puzzle. Il y a des fausses pistes. On a trois enquêtes qui se font en parallèle et en tant que lecteur on rêverait de voir les protagonistes s’asseoir et mettre ensemble leurs indices et preuves récoltées. On trépigne à l’idée de ce qu’ils pourraient en déduire s’ils mettaient tout cela en commun. Et on voit les choses avancer. On se permet d’échafauder hypothèses dans un whodunnit somme toute assez classique. Le fait que ces personnages soient dotés d’une certaine profondeur, aient des envies, des motivations, un passé, des choses à cacher, cela aide à s’y attacher et on a vraiment envie de voir à quoi ils arrivent.

Mais du coup le roman avance assez lentement ; à force de passer du temps sur le background, on en perd parfois de vue l’intrigue, les descriptions et références historiques sont parfois un peu longues ; on n’est pas sur un bouquin où on va tourner les pages à grandes vitesse en y trouvant des cliffhangers de folie ; personnellement, même si j’ai beaucoup apprécié baigner dans l’ambiance, je ne l’ai pas dévoré comme d’autres où l’histoire me prenait vraiment. Sauf dans sa dernière partie où les choses s’accélèrent pour une conclusion plus haletante.

Au final, il s’agit certes d’un bon polar, mais surtout d’une plongée très forte dans la Nouvelle Orléans de cet après-guerre, à l’aube des Années folles.

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