Pax Elfica

Il y a peu, avec les copains, on a terminé la campagne Pax Elfica que je menais depuis deux ans, soit 14 séances représentant en gros 55 heures de jeu. Une partie qui nous aura permis de vivre de très bons moments de rire, d’action, de suspens, de découvertes, bref tout ce qui fait le plaisir du jeu de rôles. Sans spoilers, je voulais revenir un peu sur cette campagne et vous dire pourquoi je la trouve très bien et pourquoi je vous conseille de la jouer ou de la faire jouer.

Contexte

Pax Elfica se déroule dans un monde médiéval fantastique relativement classique, à la base. On y trouve des Humains, Elfes, Nains, Gnomes, Lutins, Orcs et Dragons, des magiciens, des paladins, des guerriers, méchants dans l’ombre, des auberges, du donjon, etc. Suffisamment d’éléments de base qui font partie de la culture générale d’un grand nombre de personnes maintenant pour que l’univers soit appréhendable rapidement (et ça, c’est pratique).

‘est en zoomant sur l’endroit où se déroule la campagne que l’on découvre les spécificités de Pax Elfica. La région de Valseptente a été attaquée par les armées d’un méchant nécromant il y a quelques années. Afin d’empêcher l’emprise de ce monstre sur les contrées environnantes, les puissants Elfes de la forêt située pas très loin ont débarqué en force pour lui mettre la pâtée. Le nécromant est vaincu, son armée de morts-vivants renvoyée une nouvelle fois ad patres, et le Valseptente libéré… ou presque. Puisque les Elfes ont décidé de rester afin de s’assurer que personne ne prenne la relève du nécromant. Et c’est ainsi que les habitants ont troqué un occupant pour un autre. Les Elfes sont devenus une force qui a mis en place toute une série de règles pour prendre et tenir le pouvoir, gardant les autorités sous leur coup, restreignant les libertés (magie interdite, couvre-feu la nuit, surveillance de tous les points de passage, etc.) Que du bonheur donc pour les habitants de la ville de Brenhaven, au centre du Valseptente.

Ajoutons que, depuis l’arrivée des Elfes, les habitants perdent leurs sorcelets (de petits pouvoirs individuels dont sont dotés tous les natifs, dans un style assez Lanfeust). Et puis il y a aussi ces enfants enlevés par les Elfes. Ah oui, et la ville abrite une sorte de héros anonyme qui vole au secours du peuple et lutte contre l’oppression elfique.

Au milieu de tout cela, les personnages forment une part du personnel de l’Auberge de l’Épée, un des deux établissements de Brenhaven. Ils tentent de faire au mieux entre les restrictions elfiques, la clientèle (qui comprend bien évidemment des gens souhaitant faire partir les Elfes), la concurrence de l’autre auberge, etc. Chacun d’entre eux a ses petits secrets et la plupart sont liés à une faction de l’univers, ce qui peut être utile pour aller chercher de l’aide, mais peut aussi être une source de pressions.

Le début de la campagne va les mettre face à des événements étranges qui vont un peu les pousser à s’intéresser à différentes choses mystérieuses.

La campagne elle-même

Soyons honnêtes, la campagne demande un gros travail de préparation, avant de commencer et entre les séances. Mais tout a été bien fait par l’éditeur (j’y reviens plus bas) pour faciliter le travail du Meneur. Pax Elfica comprend en effet quatre arcs scénaristiques en parallèle, avec pour chacun un grand nombre de scènes. Il y a de plus un bon paquet de personnages ; rien que les PNJs principaux, ça fait un bon paquet de gens dont il faut connaître un peu les motivations.

Alors, avec autant d’éléments, il faut bien se faire à l’idée que les joueurs ne vont jamais tout voir. Certains événements vont se dérouler en même temps, mais à des endroits différents. Certains se déclencheront en fonction des actions des personnages. Et selon leurs centres d’intérêt, les joueurs iront plutôt vers tel ou tel arc. Sauf si certains événements surviennent qui les font partir dans une autre direction. C’est ce qui est arrivé à ma table où une série de 2-3 actions de la part de mes joueurs à complètement rebattu les cartes, a déclenché des trucs pas prévus à la base, auxquels ils ont du réagir et s’adapter. Mais il faut être bien conscient de ça : on ne va pas tout jouer.

On ne prend donc pas cette campagne à la légère. Alors oui, c’est certain, on peut toujours adapter à sa sauce, modifier certaines interactions, plus ou moins en profondeur, mais ce serait dommage, car le travail des auteurs est juste incroyable et permet de lier le tout. Franchement, quand on a discuté avec mes joueurs après la campagne pour faire le débriefing et que l’on a comparé tout ce qu’ils avaient appris avec les éléments qu’ils n’avaient pas vus venir, ça a été un grand moment.

Et puis il y a cette montée en puissance de la campagne. Le début est soft, tranquille, on prend ses marques, on découvre des trucs louches. Mais le final sera presque toujours épique et de très forte intensité. À noter qu’il peut par définition y avoir beaucoup de variantes pour ce final, mais ce sera toujours grandiose. En plus des divers moments forts que l’on aura eus tout au long de la campagne.

Un truc peut-être : c’est mieux d’avoir des joueurs proactifs. Alors oui, il y a des événements qui leur tombent dessus et auxquels ils doivent réagir. Mais si, à un moment donné, ils ne prennent pas les choses en main, cela va piétiner. Ils ne doivent pas tout attendre du meneur. Il y a un côté bac à sable à cette campagne où les joueurs doivent choisir le chemin qu’ils suivront.

Système de jeu

Pax Elfica est livrée pour être jouée avec deux systèmes différents selon vos choix. D&D 5 pour celles et ceux qui veulent des trucs compliqués et le plus connu des systèmes de jeu. Ou bien le système maison de l’éditeur, Clés en main, que j’ai choisi. Je ne vais pas revenir sur les raisons qui font que je n’aime pas D&D, mais je vais parler du coup en deux mots de Clés en Main que j’ai utilisé.

Clés en Main est un système très simple. Lorsque le résultat d’une action est indécis, le joueur lance trois dés à faces et additionne le résultat au score de la compétence associée à l’action. Il doit faire le plus haut possible pour dépasser un certain niveau de difficulté selon l’action et les conditions. En cas de jet d’opposition, c’est le résultat le plus élevé qui l’emporte.

On lance deux dés de même couleur et un 3ème d’une autre. Cela permet lors des combats de gérer l’action de toucher son adversaire et les dégâts en un seul jeu ; certaines armes font 1D6 de dégâts, on prend donc le dé seul, d’autres font 2D6 et on prend les deux dés de même couleur, et d’autres enfin 3D6 et là, on prend le tout. On ajoute à ce système de jeu un système de spécialisations pour les armes et armures lourdes/de guerre, et on a le cœur du truc. Simple et efficace, on ne se pose pas trop de questions.

Chaque joueur dispose d’atouts sur sa feuille de personnage. Il en choisit un qu’il possède au départ et pourra acquérir les autres avec de l’expérience en cours de campagne. Cela reflète les capacités spéciales de chacun, des talents particuliers parfois très puissants.

Chaque joueur a aussi un certain nombre de points d’héroïsme à disposition par séance de jeu (variant selon le nombre de joueurs pour que le total autour de la table soit plus ou moins toujours égal). Ces points permettent de lancer 4 dés au lieu de 3, de relancer un jet, d’activer une version balaise d’un atout, et autres petites subtilités.

Tout cela roule plutôt bien. C’est le genre de système qui me plaît. Ou chaque situation se règle avec le même système ; on évite les whatmille petites sous-règles des nombreuses capacités d’un D&D/Chroniques Oubliées/Warhammer/… dans lesquels le meneur ne sait finalement pas tout ce que les joueurs peuvent faire et se trouve sous l’eau. Oui, j’aime cela. Et comme il y a déjà pas mal de boulot avec la campagne à mener, autant ne pas se charger les neurones avec un système lourd.

Travail éditorial

Bon sur ce point, je n’ai qu’un mot : « Waouw! » Le travail de l’éditeur sur cette campagne est absolument énorme. On a donc un bouquin de base très bien fait, super bien organisé et découpé, où on s’y retrouve facilement. Le début du livre contient ce qui est accessible comme connaissances aux personnages et donc destiné aussi aux joueurs. Il est disponible en papier (super pratique à laisser aux joueurs sur la table) et pdf (je leur avais filé le lien avant le début de la partie).

En plus on a un écran magnifique. Il ne contient pas d’éléments de règles, vu que la campagne propose de jouer avec deux systèmes très différents. Par contre il propose de nombreuses tables et éléments pour suivre la progression des interactions et de la campagne. Parce que oui, il y a aussi des outils pour le meneur, extrêmement bien vus et utiles. Un calendrier où on peut noter que si les personnages font ceci le jour X, et bien une semaine après cela aura déclenché tel autre événement. Des jauges pour suivre la prospérité des deux auberges concurrentes, mais aussi le niveau de suspicion de l’occupant ou l’évolution des différentes factions et leurs liens avec les personnages. Aussi l’option de cocher l’évolution de telle ou telle intrigue en fonction des actions des personnages. Bref, tout plein de choses pour faciliter la vie du meneur (je vous parlerai bientôt de la Campagne Impériale de Warhammer que je fais jouer, et on n’est pas logé à la même enseigne).

À côté de cela, vous pouvez trouver toute une série de plans des différents lieux, en couleur et grand format, qui font leur petit effet sur la table. Et qui permettent de mieux visualiser certaines choses (celles du Valseptente, de Brenhaven, de l’Auberge de l’Épée en particulier).

Je note aussi le bouquin appelé Le Compagnon qui contient un scénario d’introduction pas directement lié à la campagne, mais qui permet aux joueurs de prendre en main leurs personnages et le système de jeu, ainsi que de bien se familiariser avec l’auberge et le reste du personnel, de s’attacher à tout cela pour bien poser le décor. On y trouve aussi des intrigues spécifiques aux différents personnages qui peuvent venir se greffer sur la campagne de manière très intéressante, ainsi que des synopsis de petits trucs autour de Brenhaven pour pimenter les sorties de la ville.

Autour du jeu

Je voulais encore signaler ici la fabuleuse communauté Pax Elfica sur le discord des XII Singes. On y échange des brèves de parties, des idées, des conseils, etc. Comment gérer telle action pas prévue des joueurs? On se marre en voyant ce qui arrive à d’autres groupes. On propose des variantes sur le déroulement ou sur les motivations de certains personnages ou factions. Le tout dans une ambiance super conviviale et bienveillante. Très utile quand les joueurs te sortent un plan improbable pour la séance suivante et que tu ne vois pas trop comment gérer le truc.

Et puis, engouement pour la campagne aidant, il y a eu les sorties de trucs parallèles. On a donc le roman Le Lanternier, qui se déroule avant la campagne et ne donne pas d’infos sur celle-ci. Pas de spoilers donc, et un excellent moyen de se plonger dans l’ambiance de l’univers. Un petit roman très sympathique.

Et il y a aussi la BD. On en est au tome 2 et j’attends la suite. Là on reprend la campagne, d’ailleurs les premières pages sont clairement le début de la campagne. Après, c’est une version très personnalisée de la campagne. On y retrouve certes nos personnages que l’on a appris à apprécier, mais ils sont pour certains bien différents. L’auteur a pris ses libertés, et il ne faut pas attendre une adaptation rigide. C’est très sympathique. Mais ça spoile clairement (ou alors ça donne carrément des informations complètement fausses), donc à ne pas lire si vous comptez être joueur sur la campagne.

Conclusion

Bon, vous l’aurez compris, j’ai beaucoup apprécié cette campagne. La lire tout d’abord, avec la découverte de tout ce qu’il y a comme secrets et révélations fracassantes. Puis la faire jouer. Mes joueurs ont été étonnants, avec des plans sortis d’on en sait où, des retournements de situations assez fous. On a beaucoup ri. Il y a eu des effets « waouw » ou « nan, c’est pas possible » (et ça, c’est toujours bon autour d’une table de jdr), on a eu de belles bastons, des moments épiques, de l’émotion, bref, que du bonheur.

Pour moi c’était certes pas mal de boulot en tant que MJ, mais fortement aidé par le matériel et les aides de jeu. Et c’était gratifiant en voyant les réactions des joueurs. J’ai l’impression que tout le monde a passé de bons moments, et c’est ce qui compte (c’est bien pour cela qu’on fait du jdr, non?)

Alors si vous avez un peu de temps devant vous, n’hésitez pas, lancez-vous!

Crédits

Création et rédaction : Claude Guéant, Franck Plasse

Illustration de couverture : Elvire De Cock

Illustrations : Christophe Swal, Bruno Tatti

Plans et cartes : Maxime Plasse, Christophe Swal

Editeur : Les XII Singes, 2020

Financé sur Game on Tabletop en 2019

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