Bon ben voilà, c’est non…
Heureusement, c’est non à la loi sur les EMS ; ces pauvres petits vieux n’avaient pas besoin de frais supplémentaires quand on voit les retraites de merde que la plupart se tapent.
Mais c’est aussi non aux hausses d’impôts. Va bien… on a un des cantons les plus endettés, avec le budget le plus serré, et voilà que les finances ne vont pas être aidées. Les contribuables les plus riches ne vont surtout pas participer à l’assainissement des finances ; c’est vrai, faut surtout pas les stresser. Autant ne pas monter les impôts et mettre la pression lors des coupes budgétaires sur le social, l’éducation, et tout et tout. Après tout, si les moins fortunés continuent à subir la pression, c’est mieux quoi.
Le courant a rarement aussi mal passé entre le Conseil d’Etat et le peuple vaudois. En refusant la totalité des objets soumis au vote hier, les citoyens ont infligé au gouvernement – et à la majorité du parlement – un désaveu cinglant. Aussi bien les quatre hausses d’impôts ciblées que la loi sur les EMS ont été rejetées à de fortes majorités. Seul l’impôt extraordinaire sur la dépense, qui concernait les riches étrangers n’exerçant pas d’activité lucrative dans le canton, a failli passer la rampe. L’Etat se voit privé de 45 millions de rentrées fiscales supplémentaires. Pourtant, davantage que les conséquences financières immédiates, c’est le signal politique qui interpelle. Alors que le canton de Vaud est engagé dans un processus constant d’économies, qui a frappé et frappera de plein fouet la fonction publique et les franges les moins favorisées de la population, les citoyens les plus aisés sont, eux, exemptés de toute participation à l’assainissement des finances cantonales. Cet état de fait absurde et choquant marque le triomphe de la démagogie antiétatique et de l’amnésie politique entretenues par une partie de la droite et les milieux économiques.
Les opposants à «tout nouvel impôt» ont conquis leur victoire en brandissant le spectre de l’Etat gaspilleur et de la classe moyenne saignée. Ceci au mépris des faits et des chiffres. Qui disent que le budget 2005 du canton de Vaud est le plus austère depuis des lustres. Qui rappellent qu’entre l987 et 1991, les impôts ont été massivement baissés, entraînant des pertes de 350 millions de francs pour le canton. Qui montrent que les effets des hausses d’impôts sur la classe moyenne auraient été légers, voire insignifiants. L’examen des résultats du vote révèle que c’est en jouant sur cette corde que les référendaires sont arrivés à leurs fins: des quatre mesures fiscales, celles qui effleuraient la classe moyenne (hausse de l’impôt sur la fortune et diminution de la déduction pour les intérêts de l’épargne) ont été rejetées le plus massivement.
Pour la gauche, et particulièrement pour ses représentants au parlement, la politique du compromis pratiquée jusqu’ici l’a menée à un double échec. Le premier lors du vote sur le budget 2005 au Grand Conseil, lorsque les verts et les socialistes ont donné leur bénédiction aux mesures d’économies. Le second hier, avec le refus par le peuple des hausses d’impôts. Ce rebondissement montre, si besoin était, que les manoeuvres parlementaires ne font pas une politique. En s’abstenant de faire front jusqu’au bout, la gauche a peut-être sauvegardé le consensus institutionnel, mais elle a surtout renoncé à combattre ouvertement la logique qui a mené à la défaite de ce week-end. Le rejet de la loi sur les EMS, qui mettait à charge des résidents le coût des investissements immobiliers, n’est dans ce contexte qu’une bien maigre consolation.