Encore une fois, on laisse l’extrême-droite prendre les devants.
Ca fait mal quand même. D’un autre côté, l’extrême-gauche est privée de manif officielle. Aucun extrême n’est bon à prendre, mais on est en démocratie non? Théoriquement, tout le monde a le droit de s’exprimer. On constate l’application de cette liberté encre une fois… Assez ironique que les habituels défenseurs de thèses révisionnistes et donc passibles d’attaques en justice soient tolérés alors que ceux qui veulent la liberté sont honnis. Encore une fois, on constate l’orientation que prend notre société de manière assez brutale…
Ainsi donc, la mythique prairie du Grütli a été souillée lundi par des centaines de crânes rasés. Tous lampions éteints, la Suisse officielle et médiatique continuait hier à s’horrifier des insultes subies le 1er Août par le président de la Confédération, Samuel Schmid. Qui a su, vaillamment, aller jusqu’au bout de son discours malgré le chahut et les quolibets. Ces cris d’orfraie pourraient prêter à sourire si le sujet n’était aussi grave. Car ces poussées de peste brune et leur vigueur ne sont pas un phénomène nouveau. Les tentatives de réappropriation du Grütli par les «identitaires» de l’extrême droite tiennent même du rituel depuis plusieurs années. En 2004 aussi, le traditionnel rassemblement d’extrémistes de droite au bord du lac des Quatre-Cantons avait fait quelques remous. La police n’y avait pourtant rien trouvé à redire, la manifestation n’ayant pas dégénéré… Et, quelques semaines plus tard, un rapport des services de renseignement helvétiques montrait du doigt la cible de toutes les inquiétudes: les activistes d’extrême gauche. Ceux d’extrême droite étant dépeints comme moins nombreux et moins organisés. Ces conclusions vont dans le droit fil de la criminalisation croissante de la mouvance dite altermondialiste. L’interdiction qui lui a été faite d’organiser lundi une contre-manifestation dans la ville schwytzoise de Brunnen en est une nouvelle illustration scandaleuse. Les néonazis, eux, ne se sont pas gênés de braver les interdits, défilant dans les rues et s’attaquant à des photographes devant une police impassible. Face à une telle situation, il ne faut pas s’étonner si l’extrême droite prospère en Suisse. Ses militants peuvent paraître jeunes et dotés de moyens intellectuels à la hauteur de leurs cheveux. On aurait tort pourtant de sous-estimer le degré d’organisation de ces mouvements, et surtout de ceux qui se cachent derrière, tirant les ficelles. La floraison de sites Internet ou de tracts haineux propageant en Suisse des thèses racistes et négationnistes en sont un signe inquiétant. Puissent donc les insultes faites à Samuel Schmid réveiller les consciences et la vigilance face à ces nazillons qu’on feint de découvrir. Mais il y a dans leur prestation de lundi un phénomène plus inquiétant que leur capacité à gâcher une fête: le tour de force consistant à faire apparaître le président de la Confédération comme l’incarnation de cette Suisse ouverte et moderne qui nourrit leur haine. Samuel Schmid provient, faut-il le rappeler, de l’UDC, avec laquelle on ne l’a jamais entendu prendre ses distances. Un parti dont le président, Ueli Maurer, a profité lui aussi de la tribune offerte par les célébrations du 1er Août. Pour lancer un nouvel appel à l’abolition de la norme pénale antiraciste. Celle-là même que violent constamment, impunément ou presque, les extrémistes dont on prétend soudainement s’inquiéter… Sous les coups de boutoir de l’UDC et avec la complicité active du centre droite, la Suisse s’apprête à se doter d’une loi sur les étrangers raciste et d’une nouvelle loi sur l’asile méprisant les normes humaines les plus élémentaires. Faire apparaître comme les chantres de l’intégration des étrangers ceux qui vouent toute leur énergie à la désintégration, là est l’insulte suprême commise au Grütli.