Cette semaine est riche en débats sur le statut du travailleur. Pure ressource de l’entreprise corvéable à merci ou être humain méritant la reconnaissance? Avec tout le champ des possibilités entre deux. Deux sujets en tout cas font le devant de l’actu en Suisse avec cette problématique.
En mars nous voterons sur six semaines de vacances pour tous. Et hier l’initiative pour un salaire minimum a été déposée. Faisant hurler la droite et les milieux économiques, ces deux initiatives sont soutenues par des gens plus intéressés à l’Humain qu’à l’argent et à la réussite. Les deux textes vont finalement dans le même sens. Il s’agit de reconnaître le travail des employés, de leur permettre d’avoir une vraie vie, de gagner un salaire correct, de pouvoir exister socialement en dehors du travail. Nous ne sommes pas que des travailleurs, nous aussi des gens avec une famille, des passions, des loisirs, ou tout au moins des gens qui aimeraient avoir la possibilité d’accéder à tout cela.
Les milieux économiques estiment que ces textes vont ruiner notre économie, faire perdre sa compétitivité à la Suisse, ou encore nous rendre trop faibles. Ces arguments me semblent exagérés ; largement. La Suisse ne doit-elle son attractivité qu’à son côté « bourreaux de travail »? N’avons-nous pas d’autres ressources, d’autres éléments à mettre en avant? On nous dit que ce n’est pas le bon moment en temps de crise… Et si on présentait cela en période faste, ne nous rétorquerait-on pas qu’il y a trop de travail et que ce n’est pas le bon moment?
Six semaines de vacances
La loi donne 4 semaines de vacances minimum. Il y a des employeurs qui en proposent 5. Certes. Et pourquoi pas 6? Pourquoi ne pas monter à 6? C’est un choix de société. Ne vivons-nous que pour notre travail? Ne peut-on imaginer accorder plus de temps à nos familles, à nos autres activités? Nous avons le droit de faire autre chose de nos vies. Ne peut-on imaginer une meilleure qualité de vie avec davantage de temps libre? La question est celle de la prédominance du marché ; ce dernier doit-il dicter toutes nos décision?
Comme souvent, on s’entend dire que la Suisse va bien, que les travailleurs sont protégés par leurs conventions collectives (CCT). Mais toutes les branches (et de loin) ne sont pas soutenues par des CCT, nombre d’employeurs ne veulent pas en entendre parler. La CCT dépend du bon vouloir de l’employeur. Si ce dernier n’en veut pas, l’employé n’a plus que ses yeux pour pleurer s’il veut obtenir une reconnaissance allant au-delà du simple minimum légal. A force de laisser le maximum de liberté aux entreprises dans un joyeux libéralisme, on a donné tout le pouvoir aux patrons sans se soucier plus qu’il ne faut du bien-être des employés. Tentons de renverser un peu la vapeur.
Et puis rajoutons un argument économique… Plus de vacances, c’est aussi plus de temps libre pour aller dépenser son argent et faire tourner l’économie. Comment faire sinon quand on est coincés au travail sans pouvoir prendre le temps de dépenser pour ses loisirs (et ce pour peu que l’on ait de l’argent à dépenser pour des loisirs, voir plus bas au sujet du salaire minimal)?
Petite remarque : j’ai eu l’occasion de passer chez des employeurs bien peu soucieux de l’aspect humain et social des collaborateurs, sans aucune CCT, et d’autres à l’écoute de leurs employés et prodiguant justement entre autres plus de vacances. Je peux vous assurer qu’au niveau motivation et productivité, ces derniers ont bien plus pu compter sur moi.
Salaire minimum
L’initiative déposée comporte deux phases. La première pousse à travailler davantage sur les CCT, à les forcer un peu plus, afin de permettre à tout un chacun de recevoir un salaire convenable pour son travail, un salaire lui permettant de vivre dignement. Pensons aux 400’000 personnes qui gagnent moins que les 4’000.- par mois dont parle l’initiative. Et même avec 4’000.- Déduisez le loyer, les assurances et les frais de base, et regardez ce qui reste. On ne peut pas faire vivre sa famille correctement. J’ai déjà eu de nombreuses discussions là autour, parfois avec des personnes pour qui ces problèmes étaient tout simplement incompréhensibles ; évidemment, quand on n’a jamais eu à se soucier de comment boucler sa fin de mois (celle-ci débutant parfois le 10), il y a des choses qui peuvent vous paraître déconcertantes. Et pourtant c’est un fait, notre société compte nombre de working poor.Voilà pourquoi l’initiative demande en sus un salaire minimum de 4’000.- par mois (pour un 100% bien entendu), afin de prévenir des CCT inefficaces ou inexistantes ; si ce système fonctionnait réellement, il n’y aurait pas besoin de cette initiative.
S’assurer que chacun reçoit un salaire au moins décent, c’est déjà une marque de respect pour tous ces travailleurs (qui sont d’ailleurs essentiellement des travailleuses). Reconnaissance du travail effectué, des efforts fournis.
Et puis on va sortir des arguments aidant à convaincre la droite, si possible. Plus d’argent, cela veut dire moins de recours aux aides sociales. Donc un Etat plus léger, moins de dépenses. Puisque la mode est aux coupes dans ces domaines où les besoins sont de plus en plus importants, il pourrait être intéressant d’envisager cette idée. Sans compter que plus d’argent pourrait permettre plus de dépenses dans des loisirs et des activités, faisant ainsi tourner l’économie.