Je me tâtais depuis quelques temps pour faire ou pas sur ce billet. Non pas sur le fond du mariage pour tous directement, mais plutôt sur tout ce qui l’entoure, et en particulier sur ces gens qui font la difficile expérience de se retrouver dans une minorité. Ces défenseurs des traditions longtemps gardiens de la République et de ses lois, et qui se découvrent soudainement une âme de rebelle et de pourfendeurs de lois, qui se refusent à voir appliquer une décision démocratique, et qui visiblement ont pas mal de peine à comprendre le concept des manifestations et de l’opposition. Parce que franchement ils me fascinent.
Comme eux je vis en démocratie, et comme eux je ne suis pas toujours content par les décisions prises par les décideurs politiques. Mais la loi c’est la loi. Et si elle a suivi tout le cheminement prévu par la Constitution et le fonctionnement du pays avant sa promulgation, et bien il s’agit d’une décision démocratique qui doit donc être appliquée comme les autres. Que l’on soit d’accord ou pas. Si l’on cherche à la contrer, on a à disposition un arsenal de voies légales pour le faire.
Ce qui me fait rire quand même, c’est que tous ces gens soi-disant bien pensants, défenseurs de la République et de ses lois, ne peuvent accepter cette défaite. De plus, non contents de ne pas l’accepter, ils tentent de s’y attaquer par les mêmes voies qu’ils ont toujours voulu dénigrer. Manifestations, violences, casseurs, menaces, etc. Et là il y a la découverte de se trouver de l’autre côté du rideau. Combien de fois a-t-on entendu ces mêmes personnes demander fermement de mettre au pas des manifestants, de sprayer les casseurs, d’arrêter les violences par la force et d’enfermer les sales gauchistes révoltés? Un discours si souvent répété que du coup ils sont très surpris de se le reprendre dans les dents. Quand on demande pendant des années fermeté et dureté aux forces de l’ordre, comment peut-on s’attendre à manifester dans le calme? Quand on a toujours réclamé les interventions policières, comment peut-on emmener aux premiers rangs des manifestations des enfants en bas âge? En fait rien de surprenant pour des gens qui découvrent un peu le fonctionnement des manifestations et des cordons de sécurité. Mais c’est amusant de les voir ensuite se plaindre d’avoir reçu sur le coin de la tronche ce qu’ils ont toujours demandé pour les autres. Après tout, les élites de la droite au pouvoir n’ont-ils pas toujours dit que ce n’est pas la rue qui gouverne?
Et puis ces défenseurs des libertés et des débats publics sont assez intéressants quand ils commencent à s’en prendre physiquement aux tenants du camp d’en face. Qu’il est joli le débat! Menaces, pressions, bousculades, violences, insultes, on en a vu de belles pendant ces longs mois.
On voit maintenant les maires, des élus assermentés garants du respect de l’Etat et de la sacro-sainte devise « liberté, égalité, fraternité », refuser d’appliquer la loi. Ils refusent à la population ce fameux « égalité » emblématique gravé au frontispice de leur République. Quelle belle ironie!
Au-delà donc du fond, de la question du mariage pour tous, reste donc cette question amusante du déplacement dans la minorité révoltée d’une ancienne majorité conservatrice qui lutte donc maintenant avec les armes qu’elle a toujours fustigé. Franchement il y a de quoi s’en amuser. Cela devient moins amusant quand on voit la montée de l’extrême-droite et la radicalisation de la droite traditionnelle, des mouvements inquiétants certes symptomatiques de ce qui se passe aussi dans d’autres pays (le nôtre en premier lieu avec le poids de l’UDC). Le mouvement de base uniquement basé sur l’aspect « vieillot et ancien monde » a été dépassé et instrumentalisé par des groupes qui cherchent à l’utiliser dans un cadre plus large. Refrain habituel d’extrémistes qui font leurs choux gras du respect des traditions pour mieux abattre certains fondements de société.
Crédit photo : Manifestation contre le mariage pour tous, 13 janvier 2013, par Ericwaltr, wikimedia commons
Je ne suis pas sûr que les anti-Mariage pour Tous soient aussi démocrates que tu ne le penses – et qu’eux-mêmes ne le disent. Je suis peut-être un peu trop sur le truc, mais j’ai quand même tendance à entendre dans certains de leurs discours les mêmes inflexions que ceux qui, dans les années trente, dénonçaient « La Gueuse », la république et la démocratie.
Quand une Christine Boutin affirme sans ciller qu’il y a des lois supérieures à celles de la nation, ce n’est pas un hasard (et je suis à peu près certain qu’elle ne parle pas des règlements internationaux, comme la Déclaration universelle des Droits de l’homme).