Et hop, encore une grosse journée de votations en Suisse ce dimanche, avec des résultats assez intéressants à la clé (et surtout très nets et tranchés). Faisons donc un petit tour d’horizon de ce que l’on a vu sortir des urnes avec dans l’ordre l’initiative «En faveur du service public». L’idée est de dire que les grandes entreprises et régies publiques ou presque (ou du moins grandement en mains des pouvoirs publics) telles que la Poste, les CFF ou Swisscom, devraient un peu raboter leur train de vie. L’initiative voulait contrôler de manière très stricte les bénéfices et salaires des dirigeants de ces entreprises afin de remettre au centre le bien public. Parce que oui les offices postaux ferment, le facteur ne monte plus dans les étages amener colis et recommandés, les trains sont bondés et davantage en retard, etc., tandis que les grands dirigeants se pavanent avec des salaires astronomiques. Le problème est réel. Oui, certains services publics fonctionnent moins bien (je suis assez furax contre la Poste ces temps), mais si on regarde à large échelle les CFF par exemple ont développé un réseau et des horaires de plus en plus chargés, tandis que Swisscom n’arrête pas de se remettre techniquement à niveau pour tenir face à la concurrence. les investissements sont essentiels et nombreux. Quant à la question des salaires pas décents, il faut s’y attaquer de manière plus large, le public et le privé devant faire un effort d’humanisme et de réalisme certain (limiter les salaires pour ces entreprises uniquement serait faire davantage fuir les patrons vers le privé). Bref, malgré un but tout-à-fait honorable et un intitulé plus que séduisant, l’initiative «En faveur du service public» a lourdement chuté avec 67,6% de non. Aïeuh. Il n’y a plus qu’à espérer que le message de fond de l’initiative est quand même passé et que les décideurs se rendront compte que la question est posée ; les problèmes existent et si les solutions prônées par l’initiative n’ont pas été jugées bonnes, espérons que l’on va en voir arriver d’autres.
Sujet bien plus intéressant car révélateur d’une vraie réflexion de fond sur la société et la place de l’Homme, nous avons voté sur l’initiative «Pour un revenu de base inconditionnel». Je ne vais pas re-rentrer dans le détail de la présentation du truc, je l’ai déjà fait dans un billet datant de la récolte de signatures pour ce texte (il y a 4 ans déjà). Je pense que ce petit texte est toujours d’actualité. Et comme on pouvait le pressentir, l’initiative a été balayée ; 76,9% de non, un résultat très net. Mais au moins l’initiative aura eu le mérite d’amener le sujet sur la table de l’agenda politique. La discussion est lancée, d’autres pays en parlent aussi, on est dans un trend de discussion. Un tel sujet n’allait pas passer en un coup bien sûr, des révolutions sociales moins fortes ont nécessité de nombreuses votations et des décennies pour être enfin appliquées, et personne ne remettrait aujourd’hui en question le congé maternité, le droit de vote des femmes ou les congés payés. Le RBI me semble une excellente solution à de nombreux problèmes de notre société. Rappelons que pas mal de chercheurs attestent d’une augmentation du chômage que l’on ne pourra pas arrêter avec la numérisation et la robotisation ; même si d’autres chercheurs annoncent le contraire, on ne peut que douter de la capacité de survivre d’une société basée sur le travail avec des taux de chômage comme on en connaît. Sans travail pour tous, avec des working poor en quantité, avec des milliers d’heures de travail utiles à la communauté mais non rémunérées (parents aux foyers, proches aidants, bénévolat, associatif, artistes,…), comment ne peut-on pas remettre en question notre mode de fonctionnement? Doit-on vraiment ne vivre que par et pour le travail? Que le débat ne s’arrête donc pas et que l’on continue à penser qu’une autre société est possible, où chacun pourra vivre dignement.
Il y avait ensuite l’initiative «Pour un financement équitable des transports» demandant que l’entier de la taxe sur les huiles minérales soit utilisé pour la route ; rappelons qu’à l’heure actuelle c’est la moitié qui est attribuée à la route, le reste part dans les caisses de la Confédération. Sujet lui aussi (et heureusement) refusé, et à 70,8%. Encore un score sans appel. Bon, commençons par dire que si le texte était passé, cela aurait fait un énorme trou dans les caisses de la Confédération, trou qu’il aurait bien fallu combler par des économies dans divers domaines (au hasard comme d’hab formation, culture, recherche, aide au développement, social,…) ; et ça c’est mal. De plus, nos besoins en entretien/développement du réseau autoroutier ne sont pas si énormes que cela. Nous avons d’ores et déjà de quoi bien le financer, le Parlement débat d’un fonds spécifique. Et il faut éviter de donner le signal que la voiture doit être priorisée par toutes et tous. Si l’on fait une politique du tout-voiture, les conséquences seront réellement graves, d’autant que l’on vient de plus ou moins s’engager lors de la conférence COP21. Les PME qui se sont engagées dans ce combat pour cette initiative devraient au contraire réclamer des limites d’utilisation des routes, les priorisant pour les besoins professionnels justement afin d’éviter une surcharge inutile de nos axes routiers.
Le sujet suivant était la modification de la loi fédérale sur la procréation médicalement assistée (LPMA). Mise en œuvre de l’article constitutionnel voté il y a une année, le texte a passé facilement (62,4% de oui). Suite au vote de 2015, la modification de la loi aurait dû aller toute seule, mais un groupe d’opposants a malgré tout déposé un referendum, forçant le peuple à revoter sur le même sujet (plus ou moins). Les craintes face au diagnostic préimplantatoire sont légitimes ; crainte d’eugénisme, d’aller trop loin, d’obtenir des situations éthiquement inacceptables. Pour ma part, il me semble que suffisamment de garde-fous sont donnés et que ce diagnostic préimplantatoire ne pourra pas être utilisé à mauvais escient. C’est donc la suite logique du vote de 2015 que de voir ce texte passer la rampe.
Enfin, last but not least, nous avions la modification de la loi sur l’asile (LAsi). L’asile est un sujet épineux, difficile, et ce de plus en plus. On sait à quel point notre premier parti national en a fait son cheval de bataille, avec des réponses souvent inhumaines et irréalistes, voire inapplicables. Cette loi déçoit à l’extrême-droite (qui a d’ailleurs lancé le referendum) mais aussi évidemment à l’extrême-gauche où on la juge de toute manière pas suffisamment humaine. Le résultat a été sans appel, avec 66,8% de oui, et l’UDC a encore une fois été battu sur son terrain de prédilection. En proposant d’accélérer les procédures, la loi tente de mettre fin à des situations intenables avec des gens installés pendant des années en Suisse avant de se voir finalement refoulés. On ne peut laisser s’installer ces zones grises transitoires, ces situations instables qui ne satisfont personne. Il faut clarifier au plus vite la situation des demandeurs d’asile pour ne pas les laisser trainer dans l’incertitude, avec tous les coûts humains, sociaux et financiers que cela peut avoir. De plus, l’assurance d’avocats gratuits pour les demandeurs d’asile permet un respect de l’égalité de traitement et de l’application juste du droit, afin que chacun soit au courant de ses droits et devoirs selon les termes de nos lois. Certes cette loi n’est pas parfaite, certes elle ne règle pas le problème de l’asile, qui se posera tant que des guerres ravageront les populations civiles (guerres menées avec des armes vendues par les pays riches et en paix aussi). Mais au moins cette loi a le mérite de tenter d’améliorer la situation humaine et administrative. Par contre, oui cela va nécessiter des mises en conformité de nombreuses situations floues. Cette loi me paraît une évolution, certes pas suffisante, mais au moins meilleure que la situation actuelle.
Notons finalement la participation, qui s’élève à 45,6%. Pas mal du tout. On voit que les sujets étaient porteurs et intéressaient la population, du moins pour certains d’entre eux (je pense que s’il n’y avait eu que le DPI, la participation aurait été bien plus basse). Reste que l’avis exprimé est celui de moins de la moitié des citoyens, donc une proportion assez faible de la population au final. La légitimité du résultat reste donc toujours bancale, même si les chiffres obtenus sont sans appel.