Ca faisait longtemps que, comme à peu près tout le monde, j’avais entendu parler de cet hallucinant projet avorté de film Dune par Alejandro Jodorowsky, daté des années 70. Un truc qui s’annonçait complètement dingue et qui, s’il avait été au bout, aurait probablement modifié considérablement tout le déroulé du cinéma de SF par la suite. Mais ce film n’a jamais vu le jour. Par contre en 2013 est sorti un documentaire revenant sur ce projet et son histoire. J’ai enfin eu l’occasion de le voir, et je dois dire que c’est vraiment intéressant.
Bon, soyons clairs, quand on commence le documentaire, on comprend assez vite pourquoi ça n’a pas pu se faire. Jodo est trop barré, voit trop grand, est trop illuminé, pour avoir le soutien d’autant de millions des studios de l’époque. C’est assez clair. Et quand on voit au début les extraits de ses précédentes réalisations très expérimentales, on peut comprendre la frilosité des grands studios à suivre ce type.
Par contre l’aventure narrée ici est passionnante. Et on y croise un tel nombre de grands noms prêts à s’engager dans le projet que ça en devenait fou. Parce que oui Jodo avait réussi à embarquer sur son navire des personnalités comme H.R. Gyger (l’artiste suisse surtout connu pour avoir conçu le monstre et les décors d’Alien), Chris Foss (talentueux illustrateur SF qui a fait pas mal de couvertures de bouquins mais a aussi bossé sur Superman ou Alien par exemple), Dan O’Bannon (scénariste et travailleur d’effets spéciaux que l’on retrouve sur Alien ou Total Recall), Salvador Dali, les groupes Pink Floyd et Magma, Moebius, Orson Wells, Mick Jagger, David Caradine, le tout sous la houlette d’un producteur français convaincu qui va soutenir le projet jusqu’au bout.
Travaillant avec ses collègues illustrateurs et graphistes, Jodo avait même créé l’un des storyboards les plus détaillés qui soit, réalisé essentiellement par Moebius, avec des pages s’étalant sur les décors et costumes. On y trouve tous les mouvements de cameras, les angles, les mouvements, la manière de mettre en image cette folie. Parce que oui c’est une folie. Effectivement le bouquin de base est dense et contient pas mal d’éléments mystiques complexes. Mais Jodo, dans son délire, a poussé le côté mystico-philosophico-fumette encore pus loin, en interprétant certains éléments (entre autres cette fin vraiment barrée).
Alors oui on en saura jamais à quoi aurait finalement ressemblé le vrai film de Jodo, même si celui invite les gens à s’emparer de sons storyboard et à le traduire en images, fut-ce même en film d’animation. Car on n’aura jamais l’occasion d’avoir les créatifs et le casting qu’il avait voulu. Mais on peut imaginer l’impact qu’un film pareil, avant Star Wars, aurait eu sur la SF au cinéma. Et les choses auraient été bien différentes effectivement.
Mais bon voilà, on a hérité du bizarre et franchement pas terrible Dune de David Lynch pour finir. Ce qui est dommage pour tenter de faire connaître l’œuvre d’Herbert à un large public. On peut espérer que le film à venir de Denis VIlleneuve sera vraiment bien. Mais au final, à la fin de ce documentaire, on reste quand même sur le cul de cette accumulation de rencontres, de personnalités, de hasards de la vie, qui ont presque permis au Dune de Jodo de voir le jour. On ne peut aussi qu’être fasciné par la personnalité de Jodo, les délires de cet être à part qui vit clairement dans une autre dimension que nous. En tout cas, j’ai beaucoup apprécié ce documentaire…
Une réflexion sur « Jodorowsky Dune »