Je me permets de vous reproduire ici un article du site Domaine Public, que vous trouverez sous le titre « La nouvelle précarité : ça nous regarde – Domaine Public« . Je n’ai rien à y ajouter (vu que j’ai déjà étalé mon opinion sur le sujet dans plusieurs billets), mais j’en appelle encore une fois à l’esprit de solidarité des Vaudois et à leur refus de l’égoïsme…
Les Vaudois vivent un débat boiteux, économique et politique. L’objet en est la LPCFam, Loi sur les prestations complémentaires cantonales pour familles. Son but : soustraire à l’aide sociale et plus largement à l’indigence des familles qui même en travaillant ne gagnent pas un revenu suffisant pour couvrir leurs besoins vitaux. Rien qui ne soit louable, le projet valorisant le travail plutôt que la dépendance.
Rien qui ne soit imposé par la gauche et l’influence personnelle du Conseiller d’Etat Maillard : l’objet figurait au programme de législature ; c’est un engagement politique tenu. Rien d’aventureux non plus : à la suite du Tessin, plusieurs cantons ont expérimenté une aide de cette nature. Et comment cette loi, si elle n’avait été inventée que par la gauche, aurait-elle pu être approuvée par le Grand Conseil et par le Conseil d’Etat à majorité de droite?
Un référendum lancé par les Groupements patronaux a porté le débat devant le peuple. L’intention était de poser une question de principe : pas de complément social payé par les entreprises et les salariés. Le veto a été formulé assez énergiquement pour que, en congrès, le Parti radical passe à l’opposition, dans une ambiance post-électorale (élections communales) et pré-électorale (élections nationales et cantonales). La LPCFam devenait alors un enjeu stratégique plus politique qu’économique. Mais il vaut la peine de reprendre idéologiquement le débat premier.
Monoparental
Une famille comprend de plus en plus souvent la mère et un ou deux enfants, de 0 à 6 ans, ou de 6 à 16 ans. Bien que salariée travaillant, la mère ne peut le faire à plein temps. Dès lors son salaire déjà modeste à 100% ne permet pas de satisfaire les besoins indispensables telles que définis par les experts. Ce qui signifie le recours à l’aide sociale et au revenu d’insertion. Ou doivent être subies les contraintes de l’indigence. Une prestation complémentaire, compte tenu des aides déjà acquises (assurance-maladie, frais de garderie), permettrait de valoriser le travail et, sans effet de seuil, de laisser à la mère plus de disponibilités. L’aide devrait être en moyenne de 700 fr mensuels. Elle pourrait concerner quelques milliers de ménages.
Les Groupements patronaux refusent un financement ad hoc. Un opposant a lapidairement justifié son non : « Les divorces, les enfants à charge, la vie privée, ça ne me regarde pas. Donc je ne paie pas« .
Précarité
L’économie, loin d’être indifférente à l’évolution des mœurs, a vite compris les avantages qu’elle pourrait en tirer. Les statistiques révèlent une croissance étonnamment rapide des contrats à durée déterminée, des emplois précaires ou sur appel. Les employeurs qui y recourent, là, ne sont pas trop “regardants”.
Toute économie baigne dans une société originale à la culture et aux mœurs particulières. Elle doit tenir compte de la qualité de la formation, de l’organisation de la solidarité, de la place faite aux inadaptés du travail productif. C’est cultiver une illusion que de croire, ou de faire croire, à une séparation absolue des tâches : les uns qui créent, gèrent, assurent les emplois, les autres qui s’occupent du filet social.
La LPCFam n’est pas un joujou social. Elle n’est pas une fantaisie, une bonne conscience qu’on se donne au prix d’un impôt nouveau de 0.06% payé par les salariés et les employeurs. Elle rappelle que l’économie ne peut faire bande à part. Ce que rappelle la LPCFam, qui valorise le travail et permet à qui l’exerce de jouir d’une plus grande disponibilité.
Externalité
Les référendaires, loin de combattre un nouveau “machin”, reprennent, dans une campagne publicitaire de très mauvaise qualité, les attaques contre les charges sociales, comme si elles étaient des fardeaux inutiles. Ils citent comme charge supplémentaire intolérable des mesures qu’ils ont pourtant approuvées, tel l’assainissement de l’assurance-invalidité. Ils s’opposent à ce que l’Etat et le fisc réduisent les disponibilités du contribuable, mais combattent la valorisation du travail pour les ménages au seuil de pauvreté.
L’évolution profonde de la société aurait été l’occasion de réexaminer dans une perspective sociologique et économique les nouvelles conditions du travail. En abaissant le débat à des slogans anti-fiscaux, dans le style de l’UDC ou de l’ancien “sou” du contribuable, on se limite à un anti-étatisme vulgaire.