La soirée jeux du 13 février chez moi a été l’occasion de rencontrer de nouveaux venus (amenés par l’un des participants), pour un total de 11 personnes. Pas mal pour un petit truc à la maison. Avec les premiers arrivés, histoire d’attendre les suivants, on est partis sur Mascarade, le jeu de bluff-déduction-chance-mémoire de Bruno Faidutti qui marche toujours assez bien ; bonne ambiance, gros coups de bluff, et rires au menu.
Une fois tout le monde arrivé, on a fait deux groupes. A côté, ils ont fait des parties de Colt Express et diverses versions de Jungle Speed à 6. Cela avait l’air très sympa et animé, mais moi j’étais très concentré sur le jeu qui nous occupait : Dead of Winter. Et je dois dire que c’est assez une tuerie. Avec sa récente traduction, ce semi-coopératif à thème zombiesque se révèle super efficace et il permet de poser une ambiance très forte. Il est indiqué de 2 à 5 joueurs, mais au vu de l’interaction il est probablement nettement moins intéressant à peu de monde. Indiqué dès 13 ans, le jeu a effectivement une thématique et des choix très adultes, pas toujours évidents pour des jeunes, mais on peut imaginer le jouer avec quand même des plus petits mais pas trop non plus (pour peu qu’ils soient joueurs et que l’on retire du jeu certaines cartes indiquées pour un public averti). Les 100 minutes indiquées sur la boîte ne mentent pas, en particulier pour une première partie où vous compterez plus ; à noter qu’il existe différents types d’objectifs pour des parties plus ou moins longues, mais là on a joué un court et ça nous a pris un bon moment. La très belle boîte est remplie de matos jusqu’au bord avec de petits plateaux, pas mal de cartes, une tripotée de jetons divers, des dés, et des silhouettes de personnages et de zombies en quantité.
Le jeu se situe donc pendant l’hiver, alors que l’invasion zombie a gagné pas mal de terrain. On se trouve sur le site d’une colonie qui a jusque là réussi à survivre tant bien que mal au sein de la ville. Chaque joueur va prendre en main le destin d’un groupe de survivants membres de la colonie. On va prendre dans le tas une carte d’objectif pour la colonie, il s’agira du but commun à atteindre. Chaque joueur va aussi recevoir secrètement un objectif personnel, parfois pas évident à gérer par rapport à l’objectif de la colonie ; et potentiellement il peut y avoir parmi ces objectifs secrets un objectif de traître qui aura alors pour but de saboter le travail en commun des autres. En gros, le but des joueurs (sauf traître) va être de réussir l’objectif de la colonie ET leur objectif personnel, le tout avant la fin du nombre de tours prévus, et sans que la colonie ne perde tout son moral ; s’il y a un traître, ce dernier devra empêcher de résoudre l’objectif de la colonie ET réussir le sien propre. Quand on sait que au milieu de tout cela, il faudra gérer les déchets amoncelés dans la colonie, les stocks de nourriture (aussi pour nourrir les survivants inutiles qui ne font rien mais qui bouffent), les objets nécessaires, les déplacements entre les différents lieux avec les potentielles attaques, les zombies qui se font de plus en plus pressants aux différentes entrées, vous aurez compris que la partie ne va pas être de tout repos. Le jeu ne semble en tout cas pas facile (pas spécialement complexe au niveau règles, je parle bien de la facilité à l’emporter), comme pas mal de jeux coopératifs ; certes je n’ai fait qu’une partie, mais on sent que tout est fait pour emmerder les joueurs et leur compliquer la tâche. A noter aussi que l’ambiance tendue est rendue en permanence, jusque dans les très belles illustrations, le tout faisant de Dead of Winter un jeu super immersif où on est régulièrement à la limite du jeu de rôles comme par exemple dans le très bon Robinson Crusoé où on a aussi l’impression de vraiment vivre une aventure.
Une fois la mise en place effectuée (ça prend un petit moment vu la quantité de matos), chaque joueur choisit 2 survivants pour son groupe parmi 4 reçus au hasard (chacun avec ses avantages et inconvénients, ses points forts et faibles, sa capacité spéciale, on trouve même le chien Sparky dans le tas). On tire les cartes d’objectifs et on peut se mettre en route. Chaque tour se déroule de la manière suivante, avec cette classique alternance « actions positives des joueurs puis actions du jeu » propres à beaucoup de jeux coopératifs :
On va commencer par tirer une carte crise (les aficionados du très bon Battlestar Galactica s’y retrouveront) qu’il faudra résoudre pendant le tour faute d’un effet particulièrement pas cool ; si elle est résolue avec panache, on pourra obtenir un bonus. Ensuite tous les joueurs vont lancer leurs dés d’action pour se constituer une réserve ; le nombre de dés dépend du nombre de survivants dans le groupe. Puis, à commencer par le 1er joueur, chacun va effectuer une série d’actions. Les actions possibles peuvent nécessiter l’utilisation d’un dé ayant une certaine valeur au moins (selon les capacités de combat ou de fouille du personnage), d’un dé au résultat quelconque, ou ne pas nécessiter de dé mais ayant un effet potentiellement négatif. Mais avant de le laisser agir, le joueur à sa droite va tirer une carte du paquet Crossroads ; je vous parlais avant de l’ambiance du jeu, et bien elle prend encore une autre dimension avec ces cartes. Au sommet se trouve une condition que le joueur lisant la carte va garder secrète ; si la condition est remplie à tout moment du tour du joueur actif, on va arrêter l’action et lire la carte qui va en général proposer un choix tendu du slip au joueur actif, avec des conséquences allant du bonheur absolu à l’horreur intégrale. En ne lisant pas tous les détails de la carte, en mettant le joueur face à un vrai dilemme, on pose réellement un côté storytelling, et le joueur est réellement pris dans l’action ; à fond. Bien sûr, il se peut que beaucoup de conditions ne se réalisent pas, mais quel bonheur de voir ces événements se développer, le joueur réfléchir aux conséquences possibles de ses actes, les autres joueurs tenter de l’influencer, etc. Je repense avec délectation à ce camion de carburant abandonné ramené au campement avec un bruit attirant des hordes de morts-vivants juste pour se rendre compte à l’arrivée que la citerne était vide ; que du bonheur!
Parmi les actions possibles, on peut se déplacer d’un lieu à l’autre, mais au risque de se blesser, voire de se faire mordre par un zombie, pendant le trajet. On peut attaquer un zombie (au risque de se faire mordre ou blesser) ou un autre survivant. On peut fouiller un lieu pour y choper un objet ou y trouver des survivants qui viendront grossir les rangs de la colonie. On peut utiliser des objets pour rajouter de la nourriture à la colonie, se soigner ou autres (mais cela fait des déchets dans la colonie et c’est pas bon pour le moral). On peut poser des cartes face cachée pour participer à la résolution de la crise, demander ou donner des objets, demander un vote pour exiler un groupe de survivants, diminuer la pile de déchets, barricader les lieux pour retarder les zombies, etc. Tout cela va s’effectuer dans une ambiance tendue, chacun observant le joueur actif pour déceler des signes de traîtrise ou une attitude égoïste qui ne participerait pas au bon déroulement des opérations. On se prendra très vite à redouter le fameux dé rouge à 12 faces qui peut vous indiquer que votre survivant a été mordu, donc qu’il va mourir, mais avec la probabilité qu’il puisse faire circuler l’infection aux autres survivants du lieu où il se trouve ; et un personnage ciblé à ce moment devra soit se suicider soit voir s’il devient un zombie (mordant au passage un autre personnage). Ah oui, je vous ai dit que le moral baissait à chaque mort d’un survivant?
Puis vient la phase dite « de la colonie » où l’on va régler différentes choses. Si la crise est résolue tant mieux, sinon on applique son effet douloureux ; pour le savoir, on mélange les cartes jouées pour la résolution pendant le tour (elles sont face cachée) et on les révèle pour voir si on obtient suffisamment de symboles adaptés, en sachant que chaque symbole autre comptera comme « -1 ». On va ensuite vérifier combien de cartes comprend la pile de déchets ; trop et c’est le moral qui diminue (à 0 on a perdu). Des zombies vont faire leur apparition en fonction du nombre de survivants dans chaque lieu ; et s’ils débordent les portes du lieu, ils vont bouffer la personne avec le moins d’influence à l’intérieur. On va aussi vérifier si l’objectif a été atteint (si oui, youpie, liesse et tout ça) ; si ce n’est pas le cas, on avance le compteur de tours, on passe le jeton premier joueur au suivant et c’est reparti pour un tour. Dans la joie et l’allégresse svp ; ou pas, c’est selon.
Dead of Winter est une tuerie à mes yeux (avec une seule partie, OK). Prenant, tendu, très beau. Il replace l’ambiance du film de zombie dans ce côté survival, cette lutte entre les hommes (et femmes), plutôt que de l’affrontement bête et méchant comme on le trouve dans le très bon Zombicide. Les zombies sont là, une menace toujours présente, mais ils ne sont pas le cœur du jeu. Ici tout repose sur l’ambiance et les relations entre joueurs. Il y a une très forte interaction. La suspicion est de mise. J’adore. Et je me réjouis d’y retourner. Avec ses nombreuses cartes, ses objectifs divers et variés, il semble disposer d’une bonne jouabilité. Bien sûr, avec sa durée, il ne s’adresse pas à tout le monde ; mais le temps passe plutôt vite car on a l’impression de vraiment vivre une aventure, de créer une histoire.