Vous devrez probablement l’avoir compris si vous suivez un peu mes prises de position, mes réactions suite aux votations vaudoises du 4 septembre sont assez contrastées. Il y a du bon, mais aussi et surtout du nettement moins bon. On notera que le peuple vaudois a suivi les recommandations de vote du Grand Conseil sur tous les objets, ceci prouvant la force de ces recommandations et leur effet d’entraînement.
Un petit mot tout d’abord sur la participation : 40%. Rien de bien folichon mais on reste dans la moyenne et surtout on est loin des annonces catastrophiques présentées par certains médias sur une participation très basse ; ces annonces se basaient sur les votes par correspondance en avance et il semblerait donc que nombre d’électeurs ne se soient décidés qu’au dernier moment : manque d’information, difficulté à se positionner, la faute à une campagne courte et tassée? Je cite en passant un pote qui a commenté mon statut Facebook : « Là, pour aucun des sujets je n’ai réussi à savoir ce qu’on me demandait exactement et quelles étaient les alternatives… C’est la première fois que ça m’arrive depuis que je suis dans ce canton. » A méditer… Mais revenons plutôt sur les résultats objet par objet.
L’initiative Vivre et voter ici a été largement balayée par 69% des votants. C’est une grosse déception. Pour rappel, elle visait à donner le droit de vote et d’éligibilité au niveau cantonal aux étrangers, pour peu que ceux-ci résident depuis 10 ans en Suisse, dont 3 dans le canton. Qu’en penser? Sans doute que l’implication des gens dans la société est moins importante que leur passeport. Comme beaucoup d’autres sujets, celui-ci est sans doute un peu trop en avance. Et il faudra revenir à la charge d’ici quelques années afin de faire passer cette proposition. Après tout, des idées folles comme le vote des femmes ou l’assurance maternité ont nécessité de nombreuses années et plusieurs tentatives avant de s’imposer ; et bien peu de monde songerait actuellement à les remettre en question. Au moins cela aura été l’occasion de mettre le sujet sur la table et d’en débattre, de constater le travail qu’il reste à faire pour convaincre et pour changer des mentalités ancrées sur des fondements que nous ne pensions pas si solides ni si largement répandus. Bien qu’engagé pour le OUI et ayant participé à la campagne, ainsi que précédemment à la récolte de signatures, je restais peu optimiste sur le résultat, je l’avoue. La campagne du NON a été agressive (voir l’affiche de l’UDC en illustration de ce billet, scandaleuse comme bien souvent) et les courriers des lecteurs donnant le pouls n’étaient pas pour rassurer. Mais je ne pensais pas voir un résultat si net, si énorme. Plus de deux tiers de voies contre, cela fait quand même beaucoup.
L’initiative parlementaire sur le vote à la proportionnelle dans les communes de plus de 3’000 habitants est passée. Un résultat très net avec 61% de OUI. Cette initiative ne touche directement qu’un nombre restreint de communes et je pense que pas mal d’électeurs n’ont pas été informés correctement pour en saisir les enjeux ; de fait nombre d’entre eux se sont probablement prononcés en suivant les recommandations du Grand Conseil. Dorénavant les communes devront revenir à l’esprit de la Constitution et on évitera de faire de l’exception une règle. Les communes concernées ne pourront plus élire leurs parlements au système majoritaire mais à la proportionnelle. En poussant ainsi le scrutin de liste, on permet à tout groupe politique de se faire entendre. En lieu et place d’une liste unique souvent trustée par les notables locaux bien connus et établis (et donc souvent issus du sérail traditionnel), chaque liste obtenant au moins 5% des voies sera représentée. Qu’il s’agisse de listes de partis ou de listes d’entente. Mais au moins on pourra politiser le débat et différencier les candidats selon leurs idées et leurs opinions générales. Parce qu’avec la liste unique, le seul moyen de différencier les gens c’est de les connaître personnellement ; et ça ce n’est de loin pas toujours le cas. Dorénavant on pourra donc voter en ayant au moins une idée générale des opinions politiques des candidats sans obligatoirement les connaître directement. Un gros plus, et à de plus petites formations souvent moins bien implantées de pousser leurs positions et de se faire voir de la population. Je suis donc très satisfait de ce résultat.
L’initiative Ecole 2010 a été refusée avec 55% de NON ; et on notera les presque 3% de « sans réponses », chiffre assez important par rapport aux habitudes. Ouf. Cette initiative proposait un retour à une école à l’ancienne, à la dure, avec pour seuls apprentissages les fondamentaux de math et de français et une déconnexion d’avec notre monde moderne. Sans compter une ségrégation intense et une stigmatisation des élèves en difficulté qui auraient été parqués loin des autres afin de ne pas perturber ces derniers. Je me réjouis donc de ce refus. Mais on notera quand même, et il faudra le retenir, les arguments dans cette campagne parlant de manque de discipline ou de mauvais niveau scolaire. Arguments répétés par les adultes depuis des générations et même des millénaires, par rapport aux enfants et à l’école qui était mieux avant.
Par contre, là où je suis déçu, c’est sur le OUI au contre-projet à cette initiative, la fameuse LEO (Loi sur l’Enseignement Obligatoire). Un petit 52% de OUI et 3,3% de « sans réponses ». Ces chiffres prouvent bien que le consensus politique autour du contre-projet ne satisfait que partiellement. Je me suis déjà exprimé ici ou là par exemple sur quelques uns de ses gros défauts ; et je profite de ce billet pour envoyer un message à tous nos élus qui vont se prononcer sur le règlement d’application de cette loi et sur sa mise en œuvre. Je vous en prie, Mesdames et Messieurs, ne laissez pas aller cette réforme trop loin dans le mauvais sens, ayez au moins la sagesse nécessaire pour y allouer les (importants) fonds nécessaires à la mise en œuvre des quelques bonnes idées que l’on retrouve au milieu d’autres catastrophiques. On a appris il y a peu que, suite à des erreurs de calcul, le canton de Vaud devait finalement nettement moins d’argent à dans le cadre de la péréquation et se retrouvait avec une coquette somme ; qu’on en mette une partie à disposition de cette LEO; mais là où il faut. Deux voies au lieu de trois, cela veut dire un plus gros mélange d’élèves dans les classes, divers types d’enseignement se révélant dès lors nécessaires afin de tous les toucher. Cela est déjà impossible avec les actuels effectifs de 25, 28 voir 29 élèves. Mais si on a une plus grande hétérogénéité, et que l’on veut que chaque élève ait ses chances, il faut diminuer drastiquement les effectifs. La différenciation de l’enseignement ne pourra s’effectuer convenablement qu’avec des effectifs à, disons en gros 15-16 élèves par classe. Dès lors, pour que la LEO ne soit pas une catastrophe au niveau de la qualité d’encadrement des élèves, il va falloir voter des budgets d’engagement de personnel enseignant ; à noter également les investissements des communes qui auront à construire davantage de salles de classe. Je prie aussi nos élus de bien prendre garde à la formation des enseignants. En voulant mettre un maximum d’enseignants généralistes au secondaire, vous péjorez la qualité de l’enseignement. Avec la LEO, si l’on veut enseigner une langue au secondaire, il suffirait d’avoir fait son gymnase et suivi une formation pédagogique (qui vous enseigne essentiellement à tenir des classes de petits). Mais où est donc la maîtrise de la pratique de la langue? Idem pour d’autres branches (et je pourrais reprendre cet exemple du prof de physique incapable d’expliquer un exercice car ne disposant pas du corrigé). On ne peut enseigner correctement que ce que l’on maîtrise. Enseignant au primaire est un métier difficile et complexe, loin d’être évident. Mais ce n’est pas le même métier que l’enseignement au secondaire et les mêmes personnes ne sont pas obligatoirement compétentes pour les deux. Le système prévu par la LEO de cours à niveau fait également peser une menace sur la qualité de vie aussi bien des élèves que des enseignants avec le risque d’horaires particulièrement découpés, avec de nombreuses plages horaires blanches entre deux cours ; alors que l’on prône de plus en plus la journée continue qui permettrait de mieux concilier vie scolaire et vie professionnelle des parents, on risque ici de s’en éloigner fortement. Sans oublier que, déjà maintenant, il y a des directeurs d’établissements qui font pression sur les élèves motivés par certaines options au secondaire afin de les dissuader, leur évitant ainsi d’ouvrir des classes supplémentaires pour de petits nombres de personnes ; va-t-on voir un développement de ce phénomène avec les fameux cours à niveau? J’en ai peur. Bref, il y a de nombreux points qu’il ne faut pas oublier et qui m’ont fait soutenir le NON à la LEO. Maintenant elle est passée. Et bien qu’on l’applique au mieux en évitant les écueils. Nombre d’entre eux ont été mis en évidence par la Société Vaudoise des Maître-sse-s Secondaires qui appelait (quasiment) seule au double NON. Il serait bon que les élus entendent ces propos avant de publier le règlement d’application de la LEO. N’oublions pas que de nombreux enseignants s’y opposaient, contrairement à ce que la propagande du Conseil d’Etat a laissé croire ; on leur a juste expressément demandé de ne pas prendre publiquement position contre la LEO, tout comme on leur a interdit d’en débattre sur leur lieu de travail. Espérons donc que les fonds seront bien investis cette fois, pas comme sur la fameuse grille salariale de l’Etat de Vaud où des gens ont largement perdu sur leur salaire car tout simplement l’Etat ne voulait pas mettre les sommes nécessaires à une bascule convenable entre l’ancien et le nouveau système.
Tiens je découvre ce matin que se prépare des discussions sur la future loi sur le personnel enseignant… Ouch. Le Conseil d’Etat va-t-il encore une fois (après DECFO et la LEO) réussir à diviser pour mieux régner en mettant dos à dos enseignants primaires et secondaires? Espérons que cette fois l’union fasse la force…