Yop la boum, les résultats sont tombés et nous savons maintenant à quoi nous en tenir quand aux cinq objets à l’ordre des votations fédérales. J’annonçais mes intentions de vote dans un billet précédent, et je ne suis donc que partiellement satisfait. On notera que la participation de 45% (à une vache près) reste faible ; après tout, cela signifie que moins de la moitié des citoyens se sont sentis motivés par ces objets, même si on est dans la moyenne supérieure des votations. Surprenant quand même d’arriver à ce chiffre seulement au vu de l’ampleur des enjeux, je ne comprends toujours pas un tel abstentionnisme…
Arrêté fédéral concernant la réglementation des jeux d’argent en faveur de l’utilité publique
Rapidement, parce que pas de problème là-dessus, un consensus général ayant été posé. Une très large majorité a approuvé ce texte qui ancre solidement le fait que les bénéfices des jeux d’argent vont servir au bien commun, comme ce que fait la Loterie Romande en particulier. Victoire facile, rien de spectaculaire.
Initiative populaire «Pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires»
Franchement je n’y croyais pas. Et pourtant le texte est passé. Quel soulagement! La protection de notre territoire et la responsabilité a pris le pas sur des arguments spéculatifs. Ça fait vraiment plaisir à voir. Certes, ce n’était pas facile, la campagne a été très dure dans certaines régions, et la mise en application ne sera pas aisée. Mais au moins on dispose maintenant d’un outil nous permettant de réfléchir à plus long terme et de prendre un peu nos responsabilités.
Évidemment, dans les zones les plus touchées, le NON l’a emporté. Les campagnes menaçant de chômage comme des plaies d’Egypte ont porté leurs fruits. Hallucinant! La peur du chômage est un leitmotiv à reprendre (j’ai reviendrai plus loin). Personne ne demande d’arrêter les constructions. Les touristes viennent quand même beaucoup pour nos montagnes et notre paysage ; sans ce dernier, où irait-on? Et puis mieux vaut des résidences rentabilisées, à savoir réellement utilisées, que des lits froids prenant de la place et ne servant à pas grand chose. Pourquoi ne pas axer sur l’hôtellerie et/ou des résidences partagées, s’assurant ainsi de l’utilisation optimale du bâti? A nouveau, la droite qui demande sans cesse de réfléchir à la responsabilité et à l’efficience allait à l’encontre d’une initiative qui parle en ces termes. La responsabilité face à cette terre qui nous héberge, face aux générations futures ; et l’efficience de ne pas construire des choses sous-utilisées. Une belle victoire dont je suis tout particulièrement content.
Initiative populaire «Initiative sur l’épargne logement»
Je suis satisfait du refus de cette initiative. Pourquoi? je ne suis pas contre l’accès à la propriété, qu’on soit bien d’accord (encore que, les frais engendrés par le statut de propriétaire, entre autres, me font dire que ce n’est pas toujours la panacée). Mais par contre, je ne pense que cela doive se faire de cette manière. Si l’on doit encourager l’accession à la propriété, il faut en premier lieu arrêter de laisser le prix du terrain (et donc des constructions s’y greffant) prendre l’ascenseur. Halte donc à une spéculation scandaleuse rejetant le bien commun aux oubliettes.
Et puis le système proposé aurait quand même privé les caisses publiques de rentrées bienvenues en ces périodes où de nombreux citoyens ont besoins de services et d’infrastructures qu’il va bien falloir financer. Sans compter que cette épargne-logement aurait en fait essentiellement profité aux personnes ayant déjà les moyens d’acheter un bien ; il n’y aurait pas eu de promotion envers les personnes qui en auraient le plus besoin. Je suis satisfait de ce refus d’un cadeau aux classes aisées au détriment de l’Etat.
Loi fédérale sur la réglementation du prix du livre
Une déception, le prix unique n’a pas passé. Le livre restera donc un bien de consommation courante standard aux yeux de la loi. Et les petites librairies auront toujours moins d’armes pour se battre et faire leur place au soleil. La concurrence continuant à se faire sur le prix, les grandes surfaces auront toujours la main mise et dicteront leur loi, alors que la compétence et les spécialités liées aux petites librairies risquent de continuer à péricliter.
Bien sûr, le sujet n’était pas évident. La peur d’un prix unique élevé a pris le pas sur d’autres arguments. Et pourtant, il n’y avait pas de raison qu’il soit particulièrement élevé. tandis que la situation actuelle de prix bien plus élevés en Suisse qu’en France (par exemple) ne va pas faciliter la vie des librairies. Les achats en ligne à des prix défiant toute concurrence vont continuer à augmenter. Et je peux le comprendre. Après tout, pourquoi payer deux fois plus cher pour un même article? Mais quid dès lors du conseil et de la valeur ajoutée fournie par les libraires?
Espérons maintenant que l’enquête de la COMCO sur la situation du marché du livre permettra de débloquer les choses et freinera les appétits des distributeurs qui profitent à mon avis beaucoup de la situation.
Initiative populaire «6 semaines de vacances pour tous»
Très grosse déception. On notera donc que le Suisse n’est pas un homo sapiens mais bien un homo travaillus pour qui la vie rangée aux horaires de boulot les plus intenses possibles est supérieure aux autres valeurs. La qualité de vie et le temps pour des activité non-professionnelles (vie familiale, associative, engagement bénévole, loisirs, etc.) ne sont pas prépondérantes pour nos concitoyens. Comment imaginer prendre du temps pour autre chose? Continuons à entretenir notre réputation (fondée) de purs travailleurs attentifs, de fourmis au dur labeur.
J’en parlais plus haut, mais c’est encore plus visible ici. Le spectre du chômage est une arme des plus puissantes. Je pense qu’il faudrait l’utiliser lors de prochaines votations. Lorsque l’initiative pour sortir du nucléaire passera en votations, on pourra dire que continuer avec le nucléaire provoquera du chômage ; on pourra même imaginer dire que l’initiative pour des transports publics abordables à Ecublens évitera une hausse de chômage. Visiblement, cet argument sert à tout, surtout quand il ne me semble pas fondé. Au contraire, dans le cas présent, les heures de travail libérées par ces semaines de vacances n’auraient-elles pas pu permettre d’engager du personnel afin de les combler? La droite et les milieux patronaux y sont allés à coups de massue (du genre massue massive comme dans Nicky Larson) lors de cette campagne.
On peut donc confirmer que les Suisse placent le travail avant la qualité de vie. Avant leur vie d’êtres humains, leur vie privée. Dommage, presque désolant. Incompréhensible en tout cas.
Et à Genève…
Je reviens juste rapidement sur cette votation genevoise concernant le durcissement de la loi encadrant les manifestations. Victoire d’une droite sécuritaire qui rêve de tout contrôler. Du coup, les organisateurs seront tenus pour responsables du moindre débordement qui aurait lieu durant les manifestations, avec toutes les poursuites à leur encontre que cela peut engendrer. De là à imaginer que l’on noyaute une manifestation à laquelle on est opposé juste pour la saloper et interdire à son organisateur d’en refaire dans les 5 ans, il n’y a qu’un pas. Une belle loi liberticide qui va bien entendu restreindre les manifestations, tout simplement par la peur qu’elle fait planer sur les organisateurs.
La loi sur les manifestations, je ne lui donne pas deux ans avant de se faire retoquer au TF ou à la CEDH.
Dans l’intervalle, je prédis une recrudescence de flashmobs genevoises organisées sur des sites anonymisés.