Tiens, aussi surprenant que ce soit, je suis tombé l’autre soir sur un très bon film à la télé (oui, je parle de la télé en direct, pas d’un DVD ou d’un download ou autre). C’est rare, mais ça fait du bien. Un film dont j’avais beaucoup entendu parler mais jamais vu, et je me suis dit qu’il était temps de remplir ce vide dans ma culture. J’ai donc regardé Lord of War, un film de 2005 de Andrew Nicol (celui du très bon Gattaca et du sympathique In Time). Le réalisateur s’est ici inspiré de faits réels, en combinant divers trafiquants d’armes dans le monde, pour créer le personnage de Yuri Orlov, ukrainien arrivé enfant aux USA avec une famille se faisant passer pour des Juifs persécutés. Yuri ne se contentera pas de petits boulots et il saisira une première opportunité de vente d’armes pour rentrer dans le business, y entraînant son jeune frère Vitali. La fortune va venir assez rapidement. La gloire et la renommée aussi, faisant de Yuri le plus grand trafiquant d’armes, au bénéfice d’un véritable empire planétaire. Traqué par les hommes d’Interpol, il se jouera des lois en les contournant avec une facilité déconcertante. Sa tchatche et son talent pour les relations humaines feront de lui un milliardaire. Le film va donc suivre Yuri, ses bonnes affaires, ses soucis, ses amours, sa famille, et ce jusqu’à sa perte. Le tout est raconté en voix off par Yuri qui nous explique toutes ses prises de position.
J’ai beaucoup apprécié ce film atrocement cynique et débordant d’un humour noir, complètement amoral. La voix off de Yuri nous explique ses raisons, ce qui le pousse à agir, ses états d’âme, elle nous fait découvrir un homme sans aucun remords, sans morale, pour qui la recherche du succès et de la fortune est la route à suivre, quitte à se débarrasser de tout obstacle. Dès le début, une petite tirade nous met directement dans le bain : « On estime à environ 550 millions le nombre d’armes à feu actuellement en circulation. Autrement dit il y a un homme sur douze qui est armé sur cette planète. La seule question c’est… comment armer les onze autres? » le style est posé, le cadre est là. On sait où on va, on sait qui est notre protagoniste, et on se prépare donc à suivre ce pourri tout au long de sa carrière. C’est terrible, mais on se laisse facilement prendre au jeu. Finalement, Yuri accède ainsi à ce fameux rêve américain qui veut que tout le monde peut réussir s’il s’en donne la peine et les moyens. Quelques autres citations pour vous placer le truc : « Je n’ai jamais fait d’affaires avec Ben Laden. Pas pour des raisons morales, mais parce qu’à l’époque il faisait des chèques en bois. » « J’ai autant de clients de gauche que de droite, je travaillerais même avec des pacifistes mais ce ne sont pas d’assez gros consommateurs. » N’est-ce pas délicieux? Bien sur, il faut aimer ce ton cynique. Et quand on sait que les événements du film sont tirés d’événements réels, on se dit que notre monde est quand même salement pourri…
La réalisation réussit à garder un rythme prenant, alternant des scènes de négociations, la vie dans le beau monde, avec des scènes plus enlevées avec de l’action. On a une très bonne progression des personnages, de la situation, on sent monter la tension avec ce fameux « il va bien finir par se faire avoir » qui revient constamment en tête, un peu comme dans Catch Me if You Can. Cette attente du quand et comment Yuri tombera est le fil rouge du film. Et il va bine finir par tomber, même si la fin reste aussi amorale que le reste du film ; cette fin qui le rend du coup encore plus crédible.
Niveau acteurs, je ne suis pas très fan de Nicolas Cage. Je ne sais pas, il a un petit quelque chose qui ne me convainc pas. Et pourtant ici il s’en sort bien dans son rôle de cynique absolu. A ses côtés, Jared Leto et Bridget Moynahan sont très bons. J’ai aussi beaucoup apprécié les prestations de Eammon Walker et Sammi Rotibi en dictateurs africains fous furieux.
Un très bon film, très agréable, qui permet de poser un regard froid sur ce monde du trafic d’armes, un univers de fou brassant des milliards, un empire couvrant le monde entier et jouant complètement sur la misère humaine et la mort.