Attention, les prochaines votations du 24 novembre ont leur lot de sujets bien chauds et bien tendus. Comme d’habitude, au moment où les bulletins de vote arrivent dans vos boîtes aux lettres, je vais ici vous expliquer ce que je vais voter et pourquoi. Bien sûr dans l’espoir de convaincre de potentiels réfractaires. J’espère qu’avec des objets pareils, on aura un taux de participation assez élevé.
Initiative populaire « 1:12 pour des salaires équitables »
Cette initiative des Jeunes Socialiste soutenue par pas mal d’autres organisations vise à une plus juste répartition des revenus des entreprises, à améliorer la situation des salariés tout en donnant une reconnaissance à leur travail et à leur participation aux bénéfices de l’entreprise. L’initiative veut limiter les plus hauts salaires d’une entreprise à 12 fois le montant du plus bas. On voit depuis des années une explosion indécente des salaires les plus élevés qui progressent à une vitesse folle alors que les bas revenus stagnent plus ou moins (progressant moins vite que l’augmentation des loyers ou des primes d’assurance par exemple). On atteint ainsi des sommes proprement scandaleuses qui n’ont plus rien de normal, parfaitement injustifiables, y compris chez des top managers dont la gestion n’est pas à la hauteur. Tous les salariés participent à la création des revenus d’une entreprise, et tous devraient être reconnus comme tels. Comment admettre qu’une même entreprise puisse donner des sommes indécentes à un salarié et en même temps en avoir d’autres qui ne peuvent même pas vivre correctement de leur travail? C’est juste scandaleux. Les salaires trop élevés atteignent de tels sommets que ce sont des sommes juste inimaginables pour le commun des mortels, des montants inconcevables ; quel est l’intérêt de sommes que l’on ne pourra de toute manière jamais dépenser? Quel train de vie peut justifier cela? C’est proprement hallucinant.
Alors on me dira pourquoi ce rapport de 1 à 12? Pourquoi pas 1 à 8, 10, 14 ou 20. Le montant choisi par l’initiative est celui d’une année. Le plus haut salaire serait en un mois celui du plus bas en une année, on a ainsi un sens, on peut mettre quelque chose derrière.
Bien entendu les tenants du libéralisme s’insurgent contre cette manière de s’immiscer pour l’Etat dans les affaires du privé. Oui mais voilà, le rôle de l’Etat n’est-il pas justement de garantir une vie correcte pour ses citoyens et d’agir là où le secteur privé montre ses faiblesses et ses limites. Quand on voit la situation des working poor, quand on voit des salaires aussi indécents jetés à la face du monde, quand on voit le nombre de personnes qui ne peuvent vivre correctement de leur travail, oui il y a un problème clair du domaine purement privé qui ne sait pas se réguler. Et cela nécessite une intervention.
On nous prédit la mort de notre économie, la désertion complète par les grandes entreprises. je n’y crois pas. Les conditions salariales et fiscales ne sont pas la seule chose que des entreprises cherchent en s’installant en Suisse ; il y a d’autres éléments plus fins, plus subtils. Sans doute que certaines, sans humanité, partiront. Mais n’oublions pas que l’essentiel de notre économie, là où l’on trouve le plus grand nombre d’employés, c’est un vivier foisonnant de PME dont aucune n’aurait à changer son fonctionnement pour se confirmer au texte proposé. L’immense majorité des entreprises du pays ne serait pas touché. Et dire que l’USAM réussit le tour de force, armée d’une solide mauvaise foi, de convaincre nombre de ces patrons de promouvoir le non ; allant jusqu’à endoctriner leurs employés le matin en arrivant sur les places de travail sans même proposer au moins un débat ou une réflexion critique. Méthodes scandaleuses et malhonnêtes.
Je vais donc voter oui à cette initiative, et je vous encourage à faire de même, à montrer un peu d’humanité et de sens de l’égalité.
« Initiative pour les familles: déductions fiscales aussi pour les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants »
Sous ce titre trompeur et aguicheur, l’UDC cache une initiative qui, comme souvent, ne vise pas du tout le peuple dans son ensemble qu’il prétend représenter, mais bien les riches ménages bourgeois traditionaliste qu’il représente vraiment. je crois que personne ne s’oppose à un soutien aux familles, clairement. je suis le premier à demander un soutien plus conséquent aux familles qui ne sont vraiment pas toujours aidées dans notre pays. mais là, c’est du grand n’importe quoi. Le but est donc de permettre des déductions fiscales pour les familles qui gardent leurs enfants à la maison au même taux que celles les faisant garder à l’extérieur. Bien entendu, afin de limiter les pertes fiscales ainsi engendrées, les cantons n’auraient comme solution que de diminuer le plafond de ces déductions pour frais de garde, plafond qui chez nous sur Vaud est déjà très bas et ne couvre pas les frais chez pas mal de monde.
Qu’est-ce qui se cache derrière cette initiative? Tout d’abord c’est une déduction fiscale. Il ne s’agit pas d’une prime/subvention/autre offerte aux familles gardant leurs enfants à la maison. cela veut dire que pour tous les ménages à faible revenus ne payant pas d’impôts, l’initiative n’aurait aucun avantage, aucun effet. Et chez tous les ménages payant peu d’impôts, la différence serait extrêmement minime. En fait elle n’avantage que les hauts salaires qui payent beaucoup d’impôts et pourraient donc y voir une diminution substantielle de ceux-ci. Et pourtant, c’est dans les bas revenus que l’on trouve les ménages où les deux parents doivent travailler pour pouvoir finir leurs mois correctement, et donc faire garder leurs enfants. Car oui, contrairement à ce que l’on peut entendre parfois, ce n’est pas par petit confort personnel que les gens font généralement garder leurs enfants, c’est parce qu’ils doivent aller travailler (d’ailleurs vu les listes d’attente pour les garderies, la priorité va bien entendu aux familles où les deux parents ont une activité). Bien sûr, les ménages qui vivent très bien avec tout le confort sur un seul revenu peuvent sans autre garder leurs enfants à la maison (et même payer une nounou à domicile).
Rappelons encore que les déductions aux impôts concernent les frais liés au travail. Transport pour se rendre au travail, repas en dehors du domicile, vêtements ou équipements particuliers, etc. Du coup, l’initiative viserait à déduire fiscalement des frais qui n’existent pas et sans justifier de quoi que ce soit. Un peu comme si je demandait une baisse d’impôts en allant à pied au boulot et donc n’utilisant pas de voiture. on croit rêver. Il n’y a aucun sens à cette diminution fiscale.
Et puis rappelons qui est derrière cette initiative . L’UDC. Ses ténors l’ont déjà dit, ils défendent une famille traditionnelle. La version historique et dépassée. Même s’ils essayent désespérément de rattraper le coup en se défendant, leur message est passé : pap travaille et maman reste à la maison garder les enfants. On en connaît suffisamment qui disent qu’une femme doit choisir entre travailler et avoir des enfants. Il y a comme un décalage là, un petit problème. N’est-on pas à l’époque de l’égalité, des droits égaux pour tous, de l’accès à la formation etc?
Si avec tout ça vous trouvez encore des raisons de voter oui à l’initiative, j’aimerais bien savoir quelles elles sont. Ce texte trompeur ne va pas dans le sens d’un meilleur bien commun, il propose d’augmenter le revenu disponible de certains ménages déjà très riches. Je vous invite donc chaudement à voter non.
Modification de la loi sur la vignette routière
Bon ben voilà un troisième sujet qui me dérange parce que je en sais pas quoi voter en fait. Je vais donc vous lister un peu les arguments et si vous avez de quoi m’aider dans les commentaires de l’article, ne vous gênez pas.
Notre vignette autoroutière est donc obligatoire pour rouler sur les autoroutes suisses. Tout comme les péages de nos voisins, ce montant sert au financement de l’entretien des routes. Depuis 1985, son tarif n’a pas bougé d’un iota. Alors que le réseau s’agrandit, que les autoroutes vieillissent et doivent être davantage entretenues. Comment dès lors expliquer que le montant n’ait pas changé? Du coup, on nous propose un passage un peu abrupt de 40 à 100.- Effectivement, une augmentation plus légère mais régulière aurait plus facile à digérer, mais là les automobilistes peuvent s’étrangler… un peu. Parce que cela reviendrait toujours moins cher de circuler chez nous qu’en France où les tarifs de péages sont juste terrifiants. Cela permettrait de faire participer ceux qui roulent sur les autoroutes au financement de leur entretien, logique. Oui mais…
Avec une telle augmentation, ce n’est pas juste de l’entretien qui est prévu, c’est un développement intensif, dont un deuxième tunnel au Gotthard, et ce au mépris de considérations sur des modes de transports alternatifs (le rail a fait ses preuves depuis le temps) et d’engagement comme l’initiative des Alpes. Il s’agirait là d’une porte ouverte à la construction de nouveaux axes autoroutiers au détriment du développement de transports moins nuisibles. Notre réseau de transport routier/autoroutier est surchargé en partie à cause d’une utilisation abusive du transport individuel motorisé dans un cadre inutile (j’avais déjà abordé ce sujet). Du coup il n’y a pas de réelle raison de le sur-développer sans avoir d’abord résolu ce problème. On verra ensuite le besoin réel. C’est cette raison qui pousse les Verts Suisses a rejeter le texte proposé ; ils préféreraient une augmentation plus limitée, permettant le financement de l’entretien mais pas un développement trop important du réseau autoroutier. En même temps, j’ai peur qu’on « non » cette fois ne porte le message d’un « non » général et durable à toute augmentation. Il serait très dur de revenir derrière avec une autre proposition d’augmentation. Je suis donc très partagé.
En fait je pense que le mieux serait un autre système que celui de la vignette tel qu’on le connaît. Les péages français sont chers, oui. ils sont aussi peu pratiques ; les ralentissements provoqués, la dangerosité de l’effet entonnoir à leur sortie, le fait de devoir ainsi fouiller pour chercher de la monnaie, etc. Nombreux désavantages certes mais un gros avantages : on paye en fonction de ce que l’on consomme. Le polluer-payeur appliqué à l’entretien des autoroutes. Un conducteur utilisant beaucoup ces tracés payera beaucoup, et inversement. Notre système de tarif forfaitaire de vignette est lui peu défendable de ce point de vue puisque celui qui va quelques fois par année faire un bout d’autoroute paye autant que celui qui traverse presque tous les jours tout le pays. Je lisais dans le journal l’autre jour que d’ici quelques années, la vignette serait électronique. Dès lors y appliquer un système de payement en fonction des kilomètres parcourus serait envisageable (mais avec des risques de fichage et d’utilisation de données relatives à la vie privée, c’est pas gagné). De toute manière, ce n’est pas le sujet à l’ordre du jour…
Donc si vous avez des arguments à me donner pour aiguiller mon vote sur le sujet, vous êtes les bienvenus (il y a une case « commentaires » juste ici en dessous). Ne venez cependant pas juste me dire qu’il ne faut pas augmenter du tout la vignette parce que ça c’est injustifiable.
Je voterai pour l’initiative 1:12 pour des raisons plus idéologiques que pragmatiques, mais je ne peux m’empêcher de penser que la vraie bonne méthode de ce faire serait de taxer massivement les revenus à partir d’un certain niveau.