Et voilà, le verdict est tombé ; et il n’est que partiellement réjouissant. Si vous aviez lu mon billet concernant mes intentions de vote, vous devez vous en douter. Commençons par un point positif, à savoir la participation : 53,6%! cela faisait bien longtemps que nous n’avions pas rencontré un tel pourcentage. Avec bien entendu un gros score dans le Jura qui avait un scrutin très important.
Initiative 1:12
Il fallait s’en douter, cette initiative avait peu de chances de passer. Le poids de la peur, du patronat, l’influence des hauts dirigeants, le matraquage en règle, tout cela a bien pesé pour un résultat particulièrement net et dur : 65% de refus. Mais au moins elle aura eu le mérite d’ouvrir le débat. Je trouve cependant dommage que ça n’ait pas passé, et je ne comprends pas ce qui a pu motiver autant de personnes à voter « non ». Franchement quels arguments ont payé? Financement des assurances sociales? Départ d’entreprises? Il y a aussi eu des démonstrations sur le faible impact que la votation aurait. En effet, personne ne pouvait prédire effectivement l’impact, et chacun y est allé de ses petits calculs. Et la peur a gagné. La peur du mammouth de l’économie, du roi finance dominant toute notre société et assujettissant tous les Etats, au mépris des (trop) nombreuses situations de précarité que rencontrent les travailleurs. Une distribution plus juste et équitable des ressource aurait sans doute pour conséquence une société de meilleure qualité, un lien social plus fort, avec moins de tensions. Une meilleure reconnaissance de la juste participation de chacun au succès de l’entreprise aurait probablement fait croitre la motivation, la participation et la productivité. Mais bon, visiblement ces arguments ne font pas mouche. On laissera donc les grands dirigeants aux revenus inhumains mépriser allègrement les employés de leurs sociétés. Mépris aussi envers les patrons de PME qui suent sang et eau pour faire tourner l’essentiel de notre économie pour des salaires bien plus raisonnables. Dans ce contexte, on peut douter encore davantage du succès de l’initiative sur le salaire minimum qui permettrait de mettre un peu d’humanité là-dedans et à tout travailleur de gagner sa vie avec son travail. A voir…
Initiative pour réduction d’impôts sur de l’argent pas gagné
L’initiative UDC permettant des déductions d’impôts pour les familles gardant leurs enfants à la maison était bien partie dans les premiers sondages. Mais une bonne campagne d’information de la part des opposants aura eut le mérite de faire comprendre l’erreur qu’elle représentait, et le refus s’est installé à près de 59%. Le système de la déduction d’impôt est en lui-même faux sur de nombreux sujets. On assujettit à l’impôt le revenu d’un travail salarié ; dès lors on peut faire des déductions sur la base des frais liés à ce travail, dont les repas hors domicile, les transports ou la garde d’enfants. Comment justifier de déduire des frais inexistants liés à une absence de travail? cette logique a fait moucher. Tout comme les pertes pour les cantons et la Confédération qui auraient du aller chercher de l’argent autrement auprès du contribuable. Un soutien aux familles peut très bien se faire par des allocations familiales plus élevées. Ou par un système déjà évoqué de « bons aux familles », qui aurait le mérite de toucher tout le monde, et en particulier les familles qui en ont besoin ; l’inverse donc des déductions fiscales qui ne touchent que les hauts revenus. On se sera aussi pas mal écharpé sur la vision de la société, de la famille, et sur la place de la femme, reprochant à l’UDC cette volonté de renvoyer la femme aux fourneaux. Bien qu’ils aient tenté de s’en défendre en expliquant que n’importe lequel des parents pouvait arrêter de travailler, les tenants de l’initiative n’ont jamais réussi à convaincre non plus sur ce point. Une bonne victoire donc.
Prix de la vignette autoroutière
Sur ce sujet j’étais très partagé, et je le suis toujours. J’ai voté blanc au final. Augmenter oui, la mobilité coûte et si les utilisateurs de la route veulent des investissements routiers, ils doivent aider à les financer. Mais une telle augmentation permettait d’envisager des investissements routiers trop importants (tel le deuxième tube du Gothard) qui ne soutiendraient pas le développement des transports en commun. J’ai malheureusement peur qu’avec le résultat de ce week-end il soit très dur de revenir à la charge avec une autre augmentation (plus réduite) du prix de la vignette. Par contre, si le financement du réseau routier doit passer par une augmentation des taxes sur l’essence, et bien OK. En fait cela fait participer davantage les gros utilisateurs de la route ; les gens qui roulent peu seront mis à contribution dans une moindre mesure. Un système finalement plus juste tout en nous évitant des lourdeurs comme les payages à la française. Un problème loin d’être résolu. Financer l’entretien des routes existantes et le développement des projets nécessaires sans pour autant soutenir le tout-voitures. L’argument de l’attaque directe au porte-monnaie des conducteurs a sans doute été très fort, y compris dans les cantons qui ont de réels besoins en termes de réseau. Plus de 60% de non, et aucun canton n’acceptant le texte, c’est un signal très fort.
Et le canton du Jura?
Je n’avais pas à voter sur le sujet et j’en suis assez éloigné, mais je suis quand même un peu déçu par le refus du peuple d’entrer en matière sur les possibilités de penser un nouveau canton qui aurait une certaine logique culturelle et linguistique. Le scrutin ne demandait pas aux gens de se prononcer pour ou contre ce nouveau canton ni pour ou contre une potentielle annexion du Jura bernois au canton du Jura. Mais uniquement de permettre d’ouvrir les réflexions sur la création d’une nouvelle entité. Je trouve dommage de tuer ainsi dans l’œuf une occasion de penser autrement et de revoir les choses un peu en profondeur. Et c’est aux électeurs du Jura bernois que l’on doit ce refus, très clair. Le canton du Jura, lui, a clairement accepté, mais cela ne suffit pas.