C’est sans aucune superstition que j’ai réuni des gens le vendredi 13 pour une soirée jeux à la maison. Et tout s’est bien passé. Avec les trois premiers arrivés, on a fait un rapide petit Welcome to the Dungeon (la VF du japonais Dungeon of Mandom au titre si évocateur de l’ambiance des parties du genre « t’oseras, t’oseras pas? ») qui devient chez moi un classique des parties courtes (ces petits jeux pas longs et sympas que l’on peut facilement sortir pour meubler entre deux autres trucs plus gros pour se changer les idées), un format parfait à 2, 3 ou 4 joueurs, vite expliqué et pas trop long à jouer. Ce jeu de bluff et de stop ou encore est joliment tendu. Seul un des joueurs entrera dans le donjon qui se remplit de monstres au fur et à mesure de la manche, alors que pendant ce temps l’équipement à disposition diminue ; il faudra savoir choisir le bon moment pour se coucher. J’aime. (Fiche Tric Trac)
Samurai Spirit
Puis, comme on était sept, on est partis dans les nouveautés de Cannes, avec le très bon Samurai Spirit du prolifique auteur à succès bientôt en partance pour les îles Caïman, môssieur Antoine Bauza. A vue de nez, le jeu reprend un peu certains aspects de Ghost Stories (du même auteur), mais en fait finalement non pas trop, les deux jeux se révélant très différents dans leur mécanique ; ça reste du coopératif japonisant où on défend un village contre des vagues d’adversaires méchants. Librement inspiré des Sept Samurais de Kurosawa, ce jeu nous fait jouer un groupe de guerriers japonais protégeant vaillamment un village contre des brigands ; ces derniers débarquent en trois vagues (qui seront autant de manches), une normale, la deuxième se voyant épaulée par de solides lieutenants et la troisième par des big boss. Chaque joueur se voit donc confié un samurai, avec sa capacité spéciale, on place dans le village fermes, familles et barricades, on prépare les cartes « brigands » selon le nombre de joueurs et c’est parti.
A son tour, un joueur a trois actions possibles, il en effectuera une. Soit il se couche (en général s’il est trop blessé et ne veut pas prendre de risques), et il ne jouera plus pendant cette manche. Soit il soutient un pote en lui prêtant sa capacité spéciale ; mais pendant qu’il perd ainsi du temps, un vilain brigand va s’infiltrer discrètement dans le village. Soit il va combattre les brigands en piochant une carte (action la plus courante d’ailleurs). Et là deux options : il peut la placer à gauche de son plateau personnel pour indiquer qu’il a protégé une ferme, une famille ou un paysan (mais c’est un nombre limité), ou bien à droite de son plateau pour indiquer qu’il a directement affronté le brigand ; dans ce dernier cas, le joueur va faire monter un score qui doit atteindre une valeur précise (dépendant du samurai) afin de déclencher son chi, soit sa super attaque qui déchire ; en cas de dépassement de cette valeur, le samurai est débordé par les brigands et se couchera pour la manche. Oui mais voilà, la plupart des brigands ont un effet secondaire pas cool, et on appliquera au début du prochain tour du joueur l’effet négatif du brigand posé en dernier.
Un samurai peut être blessé dans la baston. A deux blessures, il meurt, mais seulement pour renaître sous la forme plus puissante de son animal tutélaire, avec de meilleures capacités ; sauf que si là il re-meurt avec deux nouvelles blessures, ben c’est la fin pour lui et donc game over pour tout le monde. Donc est-ce qu’on prend le risque d’être blessé pour devenir animal et ainsi plus puissant? Oui mais du coup on se rapproche de la défaite aussi.
Le jeu est difficile, même au niveau de difficulté normal. Il semble vraiment ardu de le vaincre. Même si le début peut sembler assez relax et on s’en sort bien, le tout va très vite devenir super tendu et nerveux, avec des choix très difficiles à faire. La combinaison des bonnes capacités au bon moment sera la clé de la victoire. Le jeu pose une super ambiance, en plus il est magnifiquement illustré par Victor Perez Corbella (vraiment ça claque grave sa race de la mémé en short, surtout les plateaux individuels). Et puis félicitons FunForge l’éditeur pour avoir fait le choix de la petite boîte super remplie plutôt qu’un gros carton plein de vide trop encombrant.
Alchimistes
A ce moment de la soirée, on était 9… Et plusieurs à vouloir tester la grosse boîte des nouveautés de Cannes, à savoir Alchimistes. Alors certains se sont mis sur du Colt Express (une valeur sûre) et du Abyss à côté tandis que nous entrions dans le monde redouté des créateurs de potions. Ce jeu de Matus Kotry, très bien illustré par David Cochard, est sorti chez CGE avant de se voir traduit par Iello. Et on retrouve divers éléments de chez CGE : un background fort et bien présent dans tous les points du jeu, un humour omniprésent, y compris dans la rédaction des règles, un jeu intense demandant pas mal de temps et d’engagement de la part des joueurs, un défi pour les neurones. Mais Alchimistes apport aussi une grosse nouveauté, un truc encore assez rare dans le jeu de société, à savoir l’usage du smartphone (bon y’a une règle spéciale pour jouer sans mais là honnêtement un des joueurs se fait royalement chier et le jeu n’est pas prévu pour être fait de cette manière). C’est pour 2 à 4 joueurs, dès 13 ans et des parties indiquées 2h sur la boîte ; si vous devez expliquer les règles et que c’est votre première partie, vous pouvez rajouter une heure.
Sans rentrer dans les détails, Alchimistes est partiellement un jeu de pose d’ouvriers. On va tout d’abord se placer (dans l’ordre du tour de table) sur une échelle d’ordre du tour de jeu ; plus on est bas, plus on jouera en dernier, mais plus on aura de petits bonus ; seulement jouer en premier est un net avantage. Ensuite, les joueurs vont placer leurs cubes sur les différentes actions à choix, en commençant par le dernier joueur de l’ordre du tour. En fait, contrairement aux jeux de pose d’ouvriers classiques, on ne va pas se bouffer les emplacements en jouant en premier, il y a de la place pour tout le monde. Par contre, le premier joueur posera ses cubes en tout connaissance de cause des actions de ses petits camarades, et ça c’est puissant. Ensuite on va résoudre chaque action l’une après l’autre, mais en commençant par le premier joueur cette fois , et si on est partis récolter des ingrédients où il y a 5 cartes face visibles et le reste en pioche face cachée, le premier joueur pourra se servir au détriment du dernier qui avait placé son cube là en espérant prendre ce qui lui fallait. Rien que ce mécanisme est déjà bien vicieux en soit puisqu’il faudra juger ce que l’on est prêt à sacrifier comme petits bonus pour agir plus tôt dans le tour.
Les actions possibles permettent de récolter des ingrédients, d’en transmuter pour avoir de l’or, d’acheter des artefacts magiques, pour les trucs simples. On peut aussi créer une option, soit en la faisant goûter à un étudiant (et on observera son effet sur lui, mais si il goûte une potion à effet négatif, tous les testeurs suivants du tour devront payer ce cher étudiant qui sert la science et c’est sa joie), soit en la buvant nous-même (avec des malus en vue si son effet est négatif). Et c’est là que le smartphone entre en jeu. On pose derrirèe son petit paravent personnel les deux cartes des ingrédients à mélanger et on les scanne. L’application nous donnera alors le résultat de la potion selon quelle molécule on retrouve dans les ingrédients en question. Parce que oui, chaque ingrédient a une molécule, composée de bleu, de rouge et de vert (chaque couleur peut être petite ou grande et positive ou négative). Et l’attribution d’une molécule à tel ingrédient est déterminé aléatoirement par l’application à chaque nouvelle partie, avec un nombre de possibilités assez effrayant. En fonction du résultat, le joueur pourra donc faire des déductions sur quelle molécule est dans quel ingrédient et ainsi progresser sur le chemin de la sapience pour être sûr de composer les bonnes potions. Parce que dès le deuxième tour des aventueirs vont débarquer, prêts à acheter certaines potions ; et si vous pouvez leur vendre la bonne, ça fait des sous.
Et puis on peut ensuite publier des théories en prétendant que tel ingrédient est constitué de telle molécule, obtenant ainsi la fameuse réputation que cherche à se faire tout alchimiste digne de ce nom. Oui mais les autres joueurs peuvent contester vos théories s’ils pensent avoir trouvé autre chose. Et puis il y a de temps en temps les conférences d’alchimie qui rendent hommage aux plus valeureux créateurs de potions. Et puis il y a des faveurs à gagner auprès de la population.
Beaucoup d’éléments donc dans ce jeu très riche. Mais surtout c’est une affaire de logique du genre à faire fumer les neurones. Faire les bonnes déductions à partir des potions créées est un véritable exercice cérébral. C’est un très bon jeu, dans lequel je me réjouis de replonger.