Mais que voilà un réjouissant et prenant film de SF/anticipation. Eva est un film de 2011, franco-espagnol, et déjà là on sort des sentiers battus propres à la SF hollywoodienne à gros budget. Le film se déroule en 2041, dans un monde où la robotique est devenue extrêmement courante et codifiée. L’environnement est vraiment surprenant et très agréable. On a un côté très proche de notre époque avec tout plein de choses qui sont exactement ou sensiblement les mêmes. La voiture au look même un peu old-school a un affiche numérique sur le pare-brise, la maison super-traditionnelle a une serrure ultra-moderne, etc. Et partout des robots, qu’ils soient humanoïdes ou pas. Et un look de la technologie très rétrofuturiste avec des machines qui semblent dater d’il y a un moment capables de traiter des trucs super complexes. Le tout rend une ambiance assez géniale. La question du fond n’est même plus ici celle de l’intelligence artificielle mais celle de l’émotion artificielle avec toute la question de savoir quand est-ce que l’on passe de l’humain à la machine. Peut-on différencier l’un de l’autre (référence à un monument de la SF, le fameux Blade Runner)?
En 2041 donc, un grand développeur en robotique, Alex, revient dans sa ville natale à la demande de l’université pour y finaliser un projet de robot le plus humain possible, pour développer une réelle intelligence émotionnelle capable de reproduire des réactions humaines. Sur place, Alex retrouve son frère David et la femme de ce dernier Lana (avec qui Alex sortait il y a longtemps). Et il y a aussi la délicieuse Eva, fille de Lana et David, qui deviendra très vite le modèle de personnalité à partir duquel Alex travaillera. Bien sûr, tout cela se mêlera de manière très trouble. L’âge d’Eva, l’histoire de la relation de ce triangle amoureux, tout cela posera de nombreuses questions. Les doutes seront légion et le spectateur sera amené à suivre le cheminement de découvertes d’Alex. Mais le spectateur sera aussi amené à se poser de nombreuses questions sur la robotique et jusqu’où on peut aller.
Loin de l’esbroufe hollywoodienne, Eva aborde un profond sujet de société sous l’angle de la SF mais en le traitant vraiment. Sans moyens financiers délirants, il rend sobrement un univers crédible, plausible. Et du coup toute liberté est laissée au traitement de la grande question centrale, à ses conséquences potentielles. On n’est pas vraiment dans la grosse SF, on n’est pas vraiment dans le thriller, on n’est pas dans le film d’action, on n’est pas dans la romance, on n’est pas non plus complètement dans le drame. Eva se situe au croisement de tous ces genres dans un style bien particulier. Rafraîchissant car sortant des trucs devenus trop habituels. Prenant car bien amené et bien réalisé. Esthétique, porté par des acteurs de très grande qualité (Daniel Brühl en premier lieu mais aussi la fabuleuse petite Claudia Vega). Ce film est une véritable petite pépite… J’ai beaucoup aimé.