Après le fort sympathique Blue Ruin est venu le temps de passer au film suivant de Jeremy Saulnier, à savoir Green Room. Et c’était bon. On suit ici un groupe de punks arnachico-gauchisto-révolutionnaires dont les courtes chansons énervées basées sur trois accords et demi hurlent un mal de vivre et célèbrent le no future. Des vrais de vrais quoi, qui tentent de gagner leur croûte en égrainant les concerts dans des salles miteuses le long de la route, hébergés à l’arrache chez des gens du crû et siphonnant des réservoirs d’essence quand le cachet précédent n’était pas au niveau. Acculés financièrement, ils se voient contraints de jouer dans une salle remplie de skins fachos néo-nazis en goguette. Après leur show, nos punks de service tombent sur un cadavre en coulisses et deviennent des témoins gênants qui ne doivent pas sortir de là. Une bande de crânes rasés menés par un leader charismatique et machiavélique va tout mettre en œuvre pour sortir les punks de la salle où ils se sont enfermés. La course à la survie peut commencer. Et elle va se faire dans la douleur, le sang, les larmes et les hurlements. Ca va être tendu du slip jusqu’au bout.
Comme pour son précédent film, le réalisateur va à l’essentiel. Il ne perd pas de temps en trucs inutiles et torche son truc en 1h30 de tension et de violence. La courte introduction permet de planter les personnages et de cerner leur attitude, de s’y attacher aussi, de les rendre proches. J’aime beaucoup cette intro avec de vrais punks, avec des toutes petites salles de concert pourraves, avec un soundcheck de quelques minutes, une vraie ambiance qui me parle. Et très vite le truc part en couille avec la découverte du cadavre et le huis-clos qui se referme d’un coup sur les héros comme la gueule du crocodile. Ici les dents du crocodile seront les nombreuses lames dont les skins vont faire usage pour s’en prendre aux témoins à éliminer. Et plutôt que de supporter le siège en sachant qu’il ne peut durer éternellement, les héros vont devoir tenter de sortir pour survivre. Plus nombreux, plus armés, les skins devront cependant faire face à l’inventivité et à la rage de vivre de nos punks (parce que faut pas déconner, no future certes mais on va pas se laisser buter sans réagir). Alors oui on va avoir du sang et du pas beau à voir. On n’est pas dans le film grand public. La violence est ultra-présente, graphique, et le spectateur ne sera pas épargné. Certaines scènes font vraiment mal (les agresseurs ont des chiens de combat qui ne rigolent pas, entre autres). Le tout est filmé de manière très rythmée, les nombreux moments de tension entrecoupés de quelques respirations bienvenues lorsque l’on retrouve le presque confort du backstage assiégé. Le huis-clos est filmé de manière serrée, accentuant encore la tension, et donnant envie d’élargir le champ de vision pour voir quels dangers se trouvent au-delà. Et puis il y a cette teinte verte que l’on retrouve partout ; à part dans la scène d’ouverture où elle montre la beauté d’une nature ouverte, large et insouciante, cette teinte est celle du vert maladif, malsain. Il donne une vraie couleur au film (comme le bleu de Blue Ruin), une ambiance qui lui est propre.
Le film est porté par des acteurs qui s’en sortent super bien. La star de service, c’est Patrick Steward, que je n’aurais jamais imaginé dans un tel rôle de psychopathe chef de bande néo-nazi, mais qui réussit là une très belle performance (bon, OK c’est un très bon acteur). A ses côtés, des gens plus ou moins connus, comme le récemment décédé Anton Yelchin (vu dans les nouveaux Star Trek, ce qui est amusant quand on connaît la carrière de Patrick Steward), Imogen Poots, Alia Shawkat, Callum Turner, Mark Webber, ou Eric Edelstein, mais aussi Macon Blair (celui de Blue Ruin). Ils sont tous très bons et composent des personnages poussés dans leurs derniers retranchements.
Un bon film donc, au suspens bien maîtrisé, et à l’ambiance très forte. Déconseillé aux âmes sensibles quand même…