Si je précise « 1997 » dans le titre du billet, c’est pour dire que j’ai bien vu le 1er Funny Games, l’autrichien, et non pas le remake (plan pour plan) par le même réalisateur, Funny Games US de 2007.
Funny Games est l’un de ces films qui a marqué l’histoire du cinéma et restera longtemps une référence en tant que truc bien particulier. S’il a des atours de home invasion mâtiné de slasher, s’il a ses moments sanglants, son ambiance poisseuse et glauque, Funny Games n’est pas un simple film de genre. Il se veut malsain au point de nous remettre en question, il pousse le spectateur dans ses retranchements, lui collant volontairement un malaise profond. Violent, crû, dur, froid, Funny Games n’est pas un film comme les autres, et les réactions particulièrement virulentes à son égard en sont la preuve ; la preuve aussi que le réalisateur, Michael Haneke, a atteint son objectif.
On suit une petite famille tranquille, Anna et Georg, avec leur fils, qui vont passer quelques temps dans leur maison de vacances au bord d’un lac loin de tout, avec juste quelques autres riches familles qui ont des maisons par là autour. Débarquent deux jeunes gens à l’air fort aimable, polis à l’extrême, obséquieux, dont l’attitude va vite se révéler insupportable. Et là les choses vont basculer, ces deux hommes se révélant être de dangereux sociopathes qui vont prendre le contrôle de la maison et de ses occupants, se livrant avec eux à des jeux cruels, faisant le pari avec les membres de la famille de savoir si ces derniers seront encore en vie le lendemain.
On a droit à un déroulement de violence froide et brute. Bien loin des jump scares dont les films d’horreurs fourmillent, on a plutôt de longs plans lents, beaucoup de plans-séquences qui durent une éternité pour nous confronter aux images à l’écran. Mais le propos du film n’est pas d’exhiber cette violence ; il veut tester notre capacité à dire « non », à refuser de regarder/cautionner cette violence, à couper le film, à sortir de la salle. Et pour faire cela, il casse le quatrième mur en permettant à l’un des protagonistes de communiquer directement avec le spectateur. Le moment qui m’a le plus angoissé dans ce film, c’est ce premier regard de Paul vers la caméra avec son sourire terrifiant. Mais tout va plus loin, avec cette inclusion du spectateur dans le pari : bien sûr que tout le monde voudra parier que la famille survivra (au moins un de ses membres), d’ailleurs tout est fait pour, avec ce gros plan sur le couteau caché dans le bateau par exemple, même si on sent au fond de nous que ce ne sera pas le cas. Le spectateur est invité dans le film, à être plus que simple spectateur, à prendre parti, et à regarder cette violence terrible. Jusqu’à cette explosion du quatrième mur dans la scène complètement dingue de la télécommande. Jusqu’à cette discussion entre les deux tueurs des limites entre la réalité et la fiction. Jusqu’à cette absence complète d’explication psycho-socio-quelque-chose que l’on a habituellement pour justifier l’attitude du boogeyman dans les slashers ; ici, rien, on a juste ce déchaînement de brutalité, parce que.
Funny Games n’est pas un film facile. Même pour des gens habitués. Il ne se regarde pas comme un énième slasher, home invasion, ou autre torture porn bien gore qui déchaîne. Il questionne le rapport des gens et de la société à la violence, en interdisant au spectateur d’être hors du truc. Le film prend le spectateur, le pose au milieu de l’histoire, le force avec ses longs plans-séquences à tout bien voir et à se laisser submerger par le tout. Ce qui rend ce film bien plus violent que la plupart des films des genre cités plus haut.
Emmené par un quatuor d’acteurs au taquet, en particulier les deux gentils garçons finalement effrayants, Funny Games fait franchement bien flipper. Moins par ses images que par ce qu’il véhicule sur l’Homme et la violence, sur la Société et la violence, sur ce que l’on accepte ou pas. Une expérience très particulière donc, déconseillée aux âmes sensibles.