Il m’aura fallu un petit moment pour trouver comment aborder ce nouveau Radiohead. Il faut dire qu’il ne s’apprivoise pas facilement le bestiau. Ce King of Limbs est plus accessible qu’un In Rainbows, mais reste un album déroutant. Court (8 titres pour 37 minutes), mêlant de belles mélodies et des déstructurations aux rythmes décalés, l’album surprend. Mais bon, ça reste Radiohead. Et Radiohead, c’est un des groupes les plus mythiques au monde. Dès 1993, Pablo Honey est une véritable tuerie avec déjà le tubesque Creep entre autres titres. La bande à Thom Yorke s’impose comme un groupe de rock aux compositions superbes, soutenant la vois reconnaissable entre mille de leur chanteur. Avec The Bends, c’est encore plus rock’n’roll. Mais dès OK Computer en 1997, on sent que le groupe veut se diriger vers autre chose. Plus complexe, plus surprenant, l’album comprend entre autres le magnifique Paranoid Android, longue pièce décalée montrant bien les propensions du groupe à chercher plus loin. Au fur et à mesure des albums suivants, leur musique se complexifie, s’électronise, touche à de nombreux râteliers comme le free jazz. Il y a eu le superbe Kid A, puis Amnesiac, Hail to the Thief, de plus en plus ardus, de moins en moins accessibles, les disques de Radiohead deviennent complexes. Montrant d’autres facettes que son rock brut et mélodique des débuts, le groupe s’avance sur de nouvelle s terres en prouvant par là une capacité d’évolution rare dans le monde musical contemporain. Au lieu de sombrer dans la facilité de refaire la même chose sur chaque galette pour assurer leurs ventes et leurs revenus, les petits gars prennent régulièrement leur public à revers. Pas toujours efficace à mon goût car trop complexe. Avec In Rainbows en 2007, Radiohead lance un nouveau pavé dans la mare en proposant l’album en « pay what you want », le disque étant intégralement téléchargeable pour la somme que l’internaute voulait, y compris rien ; le buzz autour de ce phénomène a marqué plus que le disque lui-même. Gros succès cependant. Quatre ans plus tard, voici venir le nouveau bébé : The King of Limbs.
Accompagnée par le clip allumé de Lotus Flower où Thom Yorke se lâche en prouvant que chapeau melon et tektonik ne sont pas incompatibles (voir ci-dessous), la sortie de cet album a vu son flot de critiques pas toujours très positives. Il fut un temps où Radiohead faisait la quai unanimité (cette grande époque du magistral OK Computer) ; mais ce temps est révolu. Les expérimentations electro-jazzesques-bruitisques ne font plus hurler au génie. Et effectivement, là où Radiohead a su se réinventer et évoluer au cours du temps, on n’a plus cette impression maintenant. Leurs derniers albums se ressemblent beaucoup plus. Ce King of Limbs n’est pas l’une de ces tueries auxquelles le groupe nous avait habitués. Peut-être parce que justement difficile d’accès. Je serai moins agressif que d’autres critiques, l’album n’est pas mauvais, il comporte même de très bons titres. Dès l’intro, Bloom pose une ambiance singulière et prenante, un trip à la rythmique entêtante et aux harmonies envoûtantes, sur lesquelles se pose très vite la voie reconnaissable entre mille de Thom Yorke qui fera figure de fil rouge au long de l’album. Sur LittleByLittle, on a droit à un son plus organique, retour à des instruments plus bruts, et un retour à un style plus humain, moins expérimental. Le single Lotus Flower est lui aussi d’une écoute fort agréable, nous emportant dans le même univers que le titre d’ouverture. Sur Codex, Thom Yorke yous invite sur une émouvante et très simple ballade au piano. GiveUpTheGhost est une belle ballade aussi, à la guitare acoustique cette fois, soutenue de chœurs se posant comme des nappes de cordes dans le fond pour nous entraîner dans un univers onirique.
Court et bref, ce King of Limbs propose certes quelques beaux morceaux mais pas de pièce d’anthologie comme Radiohead a si bien su en produire. Le groupe est-il en perte de vitesse? Est-ce que l’on en attend trop maintenant? Sans doute. Comme je l’ai dit, l’album n’est pas mauvais, loin de là, il ne va juste pas assez loin pour ce que l’on est en droit d’attendre de ce groupe. Pas de révolution, pas d’évolution réelle, ils restent dans ce qu’ils faisaient avant. Certes, la plupart des groupes se répètent d’album en album sans qu’on les descende en flèche, et je ne me permettrai donc pas de couler abruptement ce disque. Radiohead a eu le mérite de ne pas se laisser aller à la facilité de la répétition pendant longtemps, et du coup le public cherche toujours autre chose chez eux. Difficile cette fois de trouver la nouveauté. On a un album sympathique, agréable, plus facile d’accès que certains de ses prédécesseurs sans être trop grand public non plus, une sorte de demi-teinte où le groupe n’avance plus mais stagne dans ses récentes habitudes.