Les vacances de fin d’année sont souvent l’occasion de passer du temps autour d’une table de jeu. Et même si j’ai fait plusieurs parties de jeux déjà connus, j’ai aussi fait quelques jolies découvertes ludiques ces dernières semaines, alors je vous en fais part…
Le Lièvre et la tortue
Ce troisième opus de la collection des jeux tirés de contes de chez Purple Brain s’avère fort sympathique. C’est un jeu du coréen Gary Kim (le gars de Koryo) superbement illustré par Mathieu Leyssenne. Il s’agit d’un de ces jeux de parcours où chaque joueur peut faire avancer chaque participant à la course, ce qui est souvent bien plus sympathique et dynamique et interactif que lorsque chacun a son propre coureur. Ici on a une série de 5 animaux sur la ligne de départ. Chaque joueurn reçoit une carte avec un de ces animaux dessus ; il faudra tenter de le faire arriver le mieux classé possible pour marquer des points. Chacun reçoit également 7 cartes, et en choisit une qu’il met aussi de côté (sur toutes les cartes on retrouve nos amis les 5 animaux), ce qui lui fait deux animaux à faire arriver en premier (ou deux fois le même s’il le désire, avec prise de risque plus grosse). Ensuite, chacun son tour, les joueurs vont jouer entre 1 et 4 cartes de leur main, représentant toutes le même animal (et on repioche pour compléter sa main). On va continuer ainsi, chacun jouant une ou plusieurs cartes jusqu’à ce que il y a ait 8 cartes sur la table ou 4 cartes du même animal. Là on fait avancer les animaux, et on passe le premier joueur au suivant, et on reprend pour une nouvelle manche. jusqu’à ce que les animaux aient passé la ligne d’arrivée. On les place sur le podium dans l’ordre et chaque joueur marque des points s’il a réussi à faire arriver sur le podium l’un ou les deux de ses animaux secrets du début de partie.
Toute la finesse du jeu vient de la manière dont chaque animal avance, chacun son truc. Entre le lièvre qui fonce mais risque de se retrouver arrêté s’il est 1er et va trop vite, la tortue qui avance toujours, mais lentement, le mouton qui s’arrête pour boire au point d’eau, le loup qui peut hurler et donc immobiliser les autres de frayeur, et le renard qui sprint pas mal, on a un joli panache qu’il va falloir utiliser à bon escient à chaque tour. La gestion de la main est essentielle, et il faudra savoir se débarrasser de cartes inutiles au bon moment (virer toutes ces cartes d’un animal que je veux voir perdre quand le loup hurle par exemple), tout en s’adaptant au tirage (eh oui on est obligé de jouer, même si on a que des cartes qui ne nous conviennent pas). Le jeu est très sympa, dans un style plutôt simple, court et accessible, très familial, avec un thème agréable porté par une réalisation toujours aussi bonne (par exemple les cartes assez épaisses).
Camel Up
Spiel des Jahres 2014, Camel Up est donc un jeu qui fait un joli buzz dans le milieu. Et que vous risquez de voir sur les étals y compris de la grande distribution après ce prix. Comme ci-dessus, on est à nouveau dans un format très familial et accessible, et de nouveau aussi sur un jeu de courses. L’objectif ici va être de prendre des risques pour parier sur le chameau qui va remporter la course mais aussi chacune des manches formant la course l’une après l’autre. Le plateau et le matériel sont superbes, de qualité, et on notera en particulier la fameuse pyramide à dés qui a son utilité ludique en plus de rendre le tout super fun à regarder et à manipuler. En début de partie, les chameaux sont placés aléatoirement sur les premières cases de la course, empilés s’ils sont plusieurs sur la même case. Chaque joueur dispose d’un jeu de cartes de pari et d’une tuile de désert. A son tour, chaque joueur va effectuer une action parmi 4 disponibles :
- Parier sur le chameau qui va remporter cette manche en prenant l’une des tuiles chameau du plateau. Plus on la prend vite, plus on marquera de points si ce chameau gagne, mais s’il arrive troisième ou pire on perdra des points. A noter que l’on peut avoir plusieurs tuiles devant soi, du même chameau ou de chameaux différents.
- Parier sur le vainqueur général de la course ou sur le chameau arrivant dernier. Là aussi, plus on parie tôt, plus on marquera de points. Mais toute erreur coûtera des points.
- Placer sa tuile sur une case vide du plateau. Suivant le côté sur lequel elle est placée, elle fera avancer ou reculer d’une case tout chameau s’arrêtant dessus. Cela permet de pimenter un peu l’action.
- Faire avancer un chameau. Pour cela on secoue la pyramide puis en la posant à l’envers on révèle un dé marqué de 1 à 3. On avance de ce nombre de cases le chameau dont la couleur correspond au dé. S’il a des chameaux empilés sur lui, ceux-ci se déplacent avec, le chameau portant toujours le groupe qui se trouve au-dessus de lui. On notera que, dans un groupe, le chameau le plus en tête est celui qui se trouve le plus haut.
Une fois que tous les chameaux ont avancé (que tous les dés ont été joués donc), la manche s’arrête. On calcule les points selon les paris sur cette manche, on passe le pion premier joueur au suivant, et une nouvelle manche reprend. Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’un chameau passe la ligne d’arrivée, ce qui met fin au jeu. On décompte cette dernière manche, puis on passe au décompte du premier et dernier chameau de la course. Le joueur avec le plus de points (le plus riche) l’emporte.
Le jeu s’avère fun et accessible. Prenant et tendu, il a une mécanique sympathique, bien que ne réinventant pas la roue. Avec son matériel chatoyant et attirant l’œil, il donne une furieuse envie de jouer. De plus, il s’avère bien plus retors et subtil qu’il ne semble être au premier abord. Avec des joueurs un peu aguerris, il se révèle même très fin et nécessitera d’avoir du nez et de savoir effectuer la bonne prise de risque au bon moment dans les paris.
Escape – Zombie City
Il y avait Escape – La Malédiction du temple, le jeu coopératif en temps réel avec un CD der bande-son stressante où on devait quitter le temple avec un max d’émeraudes avant qu’il s’écroule sur le coin de votre gueule, le tout rythmé par de frénétiques et chaotiques lancés de dés dans tous les sens. ici c’est exactement le même concept, du même auteur, rethématisé à la mode zombie, avec juste un ou deux ajouts pour te faire croire que tu achètes un nouveau jeu mais que non en fait. On retrouve donc la bande-son angoissante avec cette fois des zombies et des sons lugubres et les lancés de dés frénétiques et chaotiques où tout le monde finit par tricher un peu et ne plus savoir trop où il en est. Maintenant on ne ramasse plus des émeraudes mais on fouille des lieux spéciaux pour trouver des objets plus ou moins utiles à notre survie dans cette fuite perdue. On ne va plus explorer de nouvelles salles du temple mais de nouvelles tuiles représentant la ville. Une fois les objets récupérés et la tuile de sortie placée, retour à l’église pour prendre le van et la fuite du coup, toujours en nettoyant son chemin au milieu des zombies.
Bon ben c’est comme le Escape de base. Le jeu est fun et sympa, très stressant, prenant. Avec les mêmes défauts de chaos et de bordel ambiant. Du coup on en fait volontiers une partie pour le plaisir, mais on ne les enchaîne pas non plus (du moins pour moi). On pourra aussi se poser la question de l’aspect mercantile de ressortir le même jeu thématisé zombies pour se mettre à la mode au risque de saturer encore le marché déjà bien encombré des morts-vivants ludiques. Parce que franchement si vous avez Escape (et même si vous êtes super fan), l’achat de cette version ne se justifie pas. Mais si vous aimez Escape sans l’avoir et que vous êtes fans de zombies, et bien prenez celui-ci plutôt que le jeu originel.
Black Fleet
Automatiquement, un jeu des Space Cowboys (l’éditeur composé des grands anciens du milieu) ça titille. Après le très familial et franchement sympathique Splendor, on passe ici à la vitesse supérieure pour un jeu qui se révèle carrément « familial + » (genre famille de joueurs un peu habitués quand même, mais les 14 ans que j’ai vus indiqués sur la boîte me semble un peu surfaits) ; on est quand même chez Sébastian Bleasdale, l’auteur du très bon mais assez exigeant Keyflower. Dans ce jeu, chaque joueur va tenter de se faire un maximum de sous sur les mers du Sud pour acheter des cartes développement et arriver à la victoire. En gros, chaque joueur a devant lui 4 cartes développement ayant un certain coût qu’il va devoir acheter dans l’ordre qu’il veut (plus la carte coûte cher, plus son pouvoir est puissant, et elles sont distribuées aléatoirement en début de partie, ce qui amène à des combos et des variations intéressantes) ; une fois les 4 cartes achetées, le joueur peut acheter la carte de victoire qui annonce que l’on finit le tour de jeu en cours (si un autre joueur achète sa carte victoire dans le même tour, le plus riche l’emporte).
Chaque joueur dispose de 2 bateaux, un pirate et un marchand, et il pourra aussi contrôler les frégates qui tentent de faire régner l’ordre sur ces eaux malfamées. A son tour, un joueur va jouer l’une de ses deux cartes de mouvement, et ainsi déterminer de combien de cases chacun de ses navires (et l’une des deux frégates) pourra se déplacer. Le marchand chargé de marchandises va vouloir se rendre dans un port où ces marchandises (petite kubenbois colorés) se vendront au meilleur prix, et se ravitailler ainsi dans une nouvelle marchandise ; chaque port ne peut pas acheter la marchandise qu’il produit bien entendu, et achète à différents prix les autres marchandises, ce qui permet d’optimiser ou pas les montants encaissés selon les risques pris pour un voyage plus ou moins long. Le pirate va s’attaquer aux marchands adverses, pour leur piquer leurs marchandises (et ainsi gagner des sous) ; il peut ensuite enterrer les marchandises dérobées pour gagner à nouveau des sous. Les frégates peuvent couler les pirates et ainsi faire gagner des sous. Ces mouvements peuvent être modifiés et boostés par des cartes « fortune de mer » qui influencent nettement le jeu. Entre celles-ci et les cartes développement que l’on achète petit à petit, le jeu se révèle extrêmement retors et tordu, offrant à chacun de nouvelles possibilités et options fort bienvenues et dont il faudra tenir compte.
Le jeu est superbe, avec un magnifique plateau coloré et des figurines de grande qualité. Les illustrations sont très belles et le tout donne une furieuse envie de jouer, ne serait-ce que pour manipuler les petits bateaux et y déposer des petits cubes colorés. Il y a beaucoup d’interactivité et on se marave vite la gueule joyeusement, les coups bas s’enchaînant à grande vitesse. On ne joue pas chacun dans son coin. Franchement j’aime beaucoup ce jeu et je me réjouis de le ressortir avec un plaisir non dissimulé. Mon préféré des quatre jeux chroniqués dans ce billet, et une de mes toutes belles découvertes de cette fin d’année avec Five Tribes.