Dans la série des auteurs de SF bien geeks, j’ai pas mal entendu parler de Charles Stross sans jamais m’y plonger, jusqu’à récemment. J’ai pris un de ses bouquins qui avait l’air pas mal du tout, Rule 34. Dans ce roman, on suit les aventures de divers personnages dans un futur pas très éloigné et assez crédible, plus proche de l’anticipation que de la SF complètement délirante, qui vont se retrouver mêlés à une affaire particulièrement tordue. On a une inspectrice d’Edinbourgh confinée à diriger la brigade s’occupant d’internet et de ses déviances (d’où le titre du roman) qui se retrouve avec un spammer mort dans des circonstances particulièrement dérangeantes. En parallèle on va suivre un petit criminel se retrouvant engagé à un poste de consulat, ainsi que l’un des employés d’une structure criminelle mondiale de haut calibre. Le tout dans un monde où les imprimantes 3D et la surveillance de masse par drones sont devenues des normes. La technologie est un peu plus avancée que la nôtre, mais compréhensible et crédible.
Ce que je dois dire en premier, c’est que le bouquin n’est pas facile d’accès. Commencer un roman écrit à la deuxième personne (oui, tout est en « you », comme si on était le personnage principal), c’est une expérience particulière. Certes, cela nous force à nous rapprocher du personnage et nous met bien dans sa peau, mais ce n’est pas une approche très simple ni évidente. Quand en plus il s’avère que c’est un roman à plusieurs protagonistes et que l’on est mis en « you » pour chacun d’entre eux, cela implique un certain déphasage pas simple à gérer. En plus l’auteur a tendance à reproduire dans la bouche de certains personnage l’accent écossais ; et si vous avez déjà entendu parler un écossais, vous comprendrez la difficulté qu’il peut y avoir à comprendre. Ajoutons à cela que l’on a droit à une quantité non négligeable d’éléments techniques et technologiques balancés parfois très rapidement ; je suis bien content d’être un chouilla versé dans ce domaine sinon j’aurais probablement été perdu. Et puis bon l’intrigue en elle-même n’est pas simple à saisir ; la mise en route est assez longue, avant que l’on ne commence à voir un peu ce qui se passe vraiment. On découvre les choses petit à petit au rythme des personnages, mais du coup les fils sont complexes à démêler.
Bon globalement on est face à un bon polar qui utilise la crise économique, les réseaux sociaux, les nouvelles technologies et un cadre super solide pour monter son intrigue. La recherche du coupable d’une série de crimes prend un tour très agréable, surtout dans la deuxième partie du roman quand les pièces s’assemblent et que l’on voit où l’auteur veut en venir et comment les différents personnages se retrouvent liés. Par contre, la machination qui se trouve derrière reste un peu tordue, complexe, capillotractée.
En fait, j’ai surtout aimé le monde décrit dans le bouquin, l’univers, sa technologie, l’impact social de cette dernière, toute cette partie « anticipation » vraiment bien pensée. L’intrigue en elle-même m’est un peu passée au-dessus. La plupart des personnages, à l’exception de la protagoniste principale, la flic, me sont restées assez distants, malgré l’usage du « you » censé me mettre dans leur peau (difficile quand même quand il s’agit d’un gros sociopathe paranoïaque bien barré). Je n’ai pas complètement croché à l’intrigue, peut-être parce que justement il faut s’accrocher rien que pour simplement « lire » le livre (voir ci-dessus), alors quand il s’agit de le « comprendre » vraiment, de se l’approprier, ce n’est pas évident. Mais j’ai aimé oui, je suis restés suspendu à ces utilisations barrées de la technologies, aux développements qu’il a anticipés et qui se produisent déjà dans notre société. J’ai plongé dans son monde. Pas dans l’intrigue.
Je comprends la place de Stross dans la bibliographie geekesque. Il touche sa bille dans le domaine et sait de quoi il parle, il rend ce monde crédible, il a des références solides. Mais je le trouve peu accessible. Peut-être certaines autres de ses créations sont plus simples à appréhender.
Bon, il fait savoir que Rule 34 fait suite, d’une certaine façon, à Halting State, ce qui n’aide peut-être pas à la compréhension, même si, dans mon souvenir, il restait quand même assez indépendant.
Après, il faut savoir que Stross est un geek de la vieille école, celle des lignes de commande sous Unix parce que les interfaces graphiques n’existaient tout simplement pas. Donc oui, ses références geekesques sont parfois très obscures.
Cela dit, je suis d’accord que la retranscription de l’accent écossais par là dessus, ça n’aide VRAIMENT pas.