Aujourd’hui je vais vous présenter deux jeux très sympathiques à la production très léchée. Deux très jolies boîtes au matériel de qualité. D’un côté, on se retrouve plongé dans un monde post-apo où l’exploration de nouvelles terres se fait avec du kérosène âprement gagné. D’autre part on va tenter de reproduire l’exploit de Phileas Fogg avant les autres concurrents.
Kero
Tout nouvelle production du très sympathique éditeur suisse Hurrican, il s’agit d’un jeu de Prospero Hall magnifiquement illustré par le très talentueux Pierô. Un jeu pour 2 joueurs uniquement, dès 8-9 ans, pour des parties d’environ 30 minutes.
Juin 2417, pénurie de kérosène qui est pourtant la principale ressource que les gens recherchent. Deux clans vont s’affronter en récupérant des ressources et en explorant des nouvelles terres, engrangeant ainsi des points de victoire.
On va placer au centre de la table le plateau (très bien fait, très lisible, et très pratique). Dessus et autour, on trouvera les pions des explorateurs des joueurs, une réserve de touareks (peuplade neutre qui aidera chaque joueur), la pile des tuiles des nouvelles terres à explorer, la pioche des cartes que l’on pourra acheter en cours de jeu (dont on révèle les 6 premières), des pouvoirs à obtenir, et une réserve de jerricans. On ajoute encore un set de dés et des camions-sabliers, et voilà. Oui, des camions-sabliers, qui seront au cœur de la mécanique de jeu, et donc des éléments centraux d’une partie, très bien réalisés et qui plongent dans le thème. La pile de cartes à acheter contient à intervalles plus ou moins réguliers (mais avec du hasard quand même) 3 cartes « conquête » qui serviront à marquer la fin de chacune des 3 manches. La révélation de la 3eme carte conquête déclenche la fin de partie avant le décompte des points.
A son tour de jeu, un joueur peut commencer par faire le plein en dépensant un jeton jerrican. Pour ce faire, il va tenir son camion debout, tête en bas, pendant que l’adversaire lance frénétiquement les 8 dés ; ceux-ci ont une face « feu », et lorsque le joueur obtient 8 faces « feu », le plein s’arrête.
Ensuite, le joueur dont c’est le tour va retourner son camion debout sur ses fesses et laisser le sable s’écouler. Il va lancer les dés en cherchant à obtenir des combinaisons intéressantes ; chaque face feu obtenue bloque le dé en question. Dès que c’est bon, il remet on camion à plat en arrêtant ainsi l’écoulement du sable. Il pourra alors utiliser ses combinaisons pour acheter des cartes et/ou envoyer des explorateurs sur des nouvelles terres disponibles. S’il y a trop de faces feu, on vire aussi une carte de la ligne de cartes visibles. Les cartes achetées peuvent permettre d’obtenir des petits éléments sympas, des pouvoirs permanents, des ressources, des effets positifs, etc.et aussi des points de victoire.
On alterne ainsi les tours entre chaque joueurs, jusqu’à révélation d’une carte « conquête » qui attribue les 4 nouvelles terres révélées ; pour chacune, le joueur majoritaire dessus l’emporte. Ces tuiles peuvent donner des bonus sur le moment en plus des points de victoire offerts.
Après la troisième manche, on décompte les points des tuiles et carets obtenues par chaque joueur pour déterminer le vainqueur.
Le jeu repose sur une part non négligeable de hasard, avec ses multiples lancers de dés. Mais un hasard contrebalancé par les cartes et tuiles exposées, qui font que l’on peut presque toujours obtenir quelque chose, et donc faire un truc utile. Il faut savoir s’adapter à ce qui est sur la table et au résultat des dés. Le jeu est tendu, avec ce choix de faire ou pas le plein, puis ce système de stop ou encore avec l’écoulement du sable pendant les lancers de dés. Garder les bonnes combinaisons nécessite d’avoir bien observé les cartes auparavant. On peut construire des stratégies en faisant des combos de cartes et tuiles.
Avec son ambiance très bien posée, jusque dans le superbe matos (les camions évidemment, mais le plateau, les cartes, les tuiles, même les jetons qui ont droit à leurs petits autocollants pour représenter vraiment des personnages), Kero est un jeu très sympathique. Assez accessible, avec une dose de hasard qui fera fuir les adeptes du contrôle absolu certes. Franchement j’aime beaucoup.
Le Tour du monde en 80 jours
Petit tour d’horizon historique… On parle ici de la version 2016 du Tour du Monde en 80 jours, éditée chez Purple Brain, et non pas de la version Ravensburger de 86. Qui plus est, ce jeu est une reprise mise à jour et modernisée et rethématisée du Le Lièvre et la Tortue de Ravensburger de 1979 (rien à voir avec le jeu du même nom sorti chez le même Purple Brain en 2014). Pfiouh.
Bref, ce jeu est toujours de David Parlett (créateur du jeu d’origine de 1979), très joliment illustré cette fois par Thomas Vuarchex et Thibault Prugne. Un jeu familial pour 2 à 6 joueurs, dès 10 ans (voire un peu moins) pour des parties d’une petite heure. Pour ma part, je l’ai découvert à Cannes en 2017.
Les 80 cases du parcours sur le plateau correspondent au trajet à effectuer. En début de partie, chaque joueur reçoit un pécule en livres sterling. Le but du jeu est d’être le premier à effectuer le tour du plateau pour revenir à Londres avec moins de 10£ en poche (rappelons que Fogg est soupçonné d’avoir braqué une banque, et du coup il ne peut pas revenir avec trop de sous s’il veut se disculper) et en s’étant débarrassé des 3 cartes « rumeur » reçues en début de partie qui font qu’on vous suspecte.
A son tour, pour avancer d’un certain nombre de cases, il faut payer des livres sterling ; et le coût est exponentiel par rapport au nombre de cases. Donc on paye, on avance, en comptant qu’on ne peut pas être plusieurs sur la même case. Si on ne peut pas payer, on recule jusqu’à la prochaine case rouge et on reçoit des sous en échange. Les différentes cases ont des effets, comme récupérer des cartes d’événements, parier sur la position que l’on aura au prochain tour, se débarrasser de cartes rumeur, gagner ou dépenser des sous, etc. Le but va être de viser juste et conserver le montant strictement nécessaire au trajet puisque l’on ne doit pas en avoir trop en arrivant au bout.
C’est un jeu de parcours, assez traditionnel en soi, mais le principal truc à noter c’est qu’on ne lance pas de dés pour avancer. Il faut savoir dépenser son pécule judicieusement. Le hasard provient essentiellement des cartes événements que l’on va tirer. Pour le reste, il va falloir calculer, estimer, et s’adapter quand les autres joueurs viennent nous bloquer (donc une interaction beaucoup plus forte à beaucoup de joueurs). Il a un côté assez simpliste qui pourrait faire fuir les joueurs les plus exigeants, mais il se révèle au final plus fin qu’il n’en a l’air au premier abord. C’est du familial, mais pas tout léger non plus.
Et puis bon il y a ce matériel splendide. La boîte qui coulisse, le plateau magnifique, les cartes, les pions en hauts-de-formes, tout est là pour nous mettre dans l’ambiance. Une magnifique réussite éditoriale pour un jeu très sympathique.