Salem est une petite ville américaine comme tant d’autres avec ses familles tranquilles et ses ados turbulents. Des bandes d’ados très modernes, obnubilés par les réseaux sociaux, les rumeurs, l’apparence, et le « qu’en dira-t-on ». Des ados assez trash et vulgaires aussi. Au milieu de tout cela, une bande de filles (dont une transgenre) passe son temps entre fêtes, cours et séances de ragots. La ville dispose de son lot non négligeable de LGBT-phobes, misogynes, sexistes et autres. Lorsqu’un hacker anonyme joue le corbeau en révélant sur le web les travers des habitants, on va se rendre compte que personne n’est complètement innocent et que chacun a des cadavres dans son placard. Les choses vont rapidement partir en sucette dans une ville qui va se transformer en champ de bataille.
Le film s’avère complexe, très particulier. Il aborde des thématiques très contemporaines de la vie des ados, des réseaux sociaux, de la vie privée, sur un fond très sociologique incluant les questions de différence, d’identité de genre/sexe, de féminisme, de culture du viol, de société patriarcale, etc. Le parti pris et la position défendue par le réalisateur est très claire. Scénarisé et réalisé par le jeune inconnu Sam Levinson (fils de Barry Levinson), le film s’inscrit dans une mouvance de films radicaux et revendicateurs, ancrés dans un esprit plutôt indépendant. Techniquement aussi, il brise pas mal de codes et donne une lecture là aussi très contemporaine. A commencer par ces plans séparant l’écran en 3 zones verticales, symptomatique de notre société où on veut tout de suite en même temps. L’affichage des messageries sur l’écran aussi, s’il n’est pas neuf, représente parfaitement leur importance dans l’esprit de ces jeunes. On ajoute à cela une esthétique très colorée, flashy, où tout claque ; alternant parfois avec des zones de glauque sombre par contraste. On ne s’interdit pas grand chose, le film comptant son lot de nudité et de violence. Un réalisateur qui fait ses armes mais marque déjà les esprits, par un film certes provocateur mais pas que ; il est techniquement bien réussi avec des plans bien chois et un très bon jeu de lumières/couleurs. En particulier, on notera un impressionnant plan-séquence lors de l’attaque d’une maison (qui s’avère en être un vrai et pas un monté).
On retrouve au casting surtout toute une bande de jeunes aux physiques avantageux qui manque quand même de diversité (oui, y’a une black mais ça fait peu au final). Odessa Young, Suki Waterhouse, Hari Nef (actrice trans pour personnage trans, pas courant), Abra, Bella Thorne, Bill Skarsgard (Ça, Atomic Blonde,…), Maud Apatow, Joel McHale, Colman Domingo, J.D. Evermore ou encore Jeff Pope. Dans une première partie du film, je n’étais pas très convaincu par les acteurs, en particulier les ados qui ont tendance à se ressembler et se mêler ; ils sont à la fois complètement exubérants et vont parfois assez loin, mais en même temps fades car personne ne sort vraiment de la masse. C’est au fur et à mesure que le film avance, avec sa deuxième partie qui part en sucette, que les acteurs vont pouvoir s’affirmer et camper des personnages plus marqués.
Assassination Nation… Un film qui ne laisse pas indifférent. je pense qu’il aura ses adorateurs comme ses haters absolus. Si j’ai eu de la peine à me plonger dedans au démarrage (je suis sans doute trop décalé par rapport à ce monde d’ados), j’ai beaucoup apprécié le dérapage complet et la manière dont le tout part en vrille pour un final épique et d’une violence brute et très graphique. Ce n’est pas un monument, mais je pense qu’on a là quelque chose de très contemporain, dans tout ce que le contemporaine a de bien ou moins bien. En tout cas, le film vaut au moins pour sa défense des minorités, son féminisme (dans le bon sens du terme bien entendu), sa modernité sexuelle et de genre, et la claque mise aux préjugés et aux visions archaïques du monde.