Un soir, après sa journée de travail sur un chantier, Ivan Locke prend la route et décide de ne pas rentrer. Il en informe sa femme et ses enfants. Il informe aussi ses collègues qu’il ne sera pas là le lendemain pour superviser une part du chantier extrêmement importante. Se mettant tout le monde à dos, Locke prend une décision et s’y tient fermement, même quand toute sa vie est contre lui. Quelqu’un, quelque part, a besoin de lui…
Locke est un film bluffant, un huis-clos ultra-resserré se déroulant exclusivement dans la voiture durant le trajet, avec comme seule personne apparaissant à l’écran le héros Ivan Locke. Tous les autres personnages n’interviennent qu’au-travers de leurs voix par des appels téléphoniques. Et je dois dire que c’est bluffant. Les films en lieux ultra-confinés sont difficiles à rendre prenants, solides, ils nécessitent une tension constante, à la croissance maîtrisée, et une interprétation hors pair de l’acteur. Il y avait déjà Buried qui m’avait épaté dans ce genre. Locke s’avère très puissant lui aussi. Sa réalisation de qualité donne une réelle force au film. On a par définition ces plans serrés sur Locke derrière son volant, mais qui alternent avec le défilement de la route, ce long trajet où la nuit contraste avec les éclairages extérieurs et où les autres véhicules offrent du mouvement. Ce rendu d’une route de nuit est superbe. L’esthétique générale et la photographie sont vraiment réussies. Le réalisateur Steven Knight a fait fort pour son premier film ; il est surtout connu comme scénariste
Ce film vaut pour les différents thèmes qu’il porte, en particulier celui de l’engagement, de la volonté, de rester sur sa ligne que l’on estime juste. Quand on pense être droit dans ses bottes sans trembler et que l’on laisse le reste sur le côté. La volonté de Locke est inébranlable et il ne déviera pas de sa trajectoire. Ne serait-ce que pour prouver qu’il peut être quelqu’un de bien, contrairement à son père. Et on a là un deuxième thème fort, celui des rapports filiaux, géré au-travers de dialogues imaginaires entre Locke et son père assis à l’arrière. On sent encore poindre là-derrière ce côté de notre société ultra-connectée et permettant toutes les communications, tout en nous rendant parfois bien plus seuls. Le personnage est seul dans sa voiture, le monde se limite à lui-même, à ce tout petit cadre, et il n’a connaissance du reste qu’au travers d’une série d’appels téléphoniques.
Un seul personnage à l’écran, sur quasiment tous les plans. Il fallait un acteur de qualité pour rendre le tout solide et nous permettre de rentrer dedans, de nous y attacher. C’est là que Tom Hardy (Inception, The Dark Knight Rises, Peaky Blinders, The Revenant, Mad Max Fury Road, Taboo, Dunkerque, Venom,…) prouve encore une fois son talent. Il a une force, une prestance, un charisme absolument dingues. Il occupe l’écran et est vraiment habité par son rôle à qui il donne toute la profondeur de sentiments très forts. On en peut que s’attacher à ce personnage, et se laisser emporter pour le suivre. La manière dont il passe du calme pour ses explications techniques à la quasi-folie lors des dialogues imaginaires avec son père démontrent un personnage complexe et solide, crédible. Le film tient évidemment à cette prestation, soutenue par les seules voix des autres acteurs, ponctuellement, au téléphone.
Il est toujours difficile de se dire qu’un film d’une heure et demie en huis-clos avec un seul personnage à l’écran sera prenant. C’est le cas, grâce à une mise en scène de qualité et une prestation puissante de l’acteur. Difficile de lâcher le film avant la fin. Oui, j’ai aimé…