Je m’étais dit que je voulais plus trop faire de billets d’humeur tant que j’aurais pas de job, histoire qu’un employeur ne rajoute pas l’argument du « pas d’accord avec moi » pour pas m’engager. Mais là je peux pas rester sans rien dire…
Hier, en Suisse, c’était jour de votations… Et ce matin c’est une putain de gueule de bois suite aux résultats terrifiants…
On commence avec le plus lourd, le plus terrible, le plus hallucinant : le peuple se prononçait hier sur une initiative demandant l’interdiction de la construction de nouveaux minarets en Suisse (on en a 4 pour le moment sur tout le territoire, rien de très envahissant). La campagne a été dure, très dure, avec de grandes envolées allant bien au-delà du sujet du vote. En effet, tout a tournée autour du symbole, comme quoi le minaret constituerait l’avant-poste bien visibles d’une islamisation galopante, et que si on laisse aller on se retrouverait avec la charia à la place de notre Constitution, et que laisser aller sur les minarets c’est laisser aller sur la place de la femme comme inférieure, sur la lapidation, sur tout plein de choses, certes intolérables mais absolument pas concernées par le texte de l’initiative (et que notre loi traite déjà bien entendu). Bref, un énorme et gros délire orchestré de main de maître par des partis populistes qui savent jouer sur les peurs sans fondements et qui savent faire monter une mayonnaise créée de toutes pièces. A noter que tous les sondages donnaient l’initiative perdante. Mais tout comme en France personne n’ose admettre voter pour Le Pen, et bien ici ça a passé ; et pas à un poil de cul de chameau. 57,5% de oui!!! Et en plus avec un taux de participation à 53,4%, ce qui est plutôt dans les bons scores. Waow, quelle belle gifle pour tous les partis (exceptés nos extrémistes de droites de l’UDC et les tout petits de l’UDF) qui demandaient à voter non, pour le Parlement, le Gouvernement, les organisations, tout ce beau monde encourageant le non. Et pourtant c’est pas faute d’avoir essayé. Certes, au vu des sondages, certains défenseurs du non se sont peut-être endormis sur leurs lauriers. Mais le résultat est là… La Suisse montre un bien mauvais exemple en intégrant dans sa Constitution, juste à côté de l’endroit où on parle de liberté de religion et de culte, qu’une religion bien spécifique n’a pas le droit, elle de construire un certain type d’édifice. Et dire que l’un des plus ardents défenseurs du oui (l’exécrable Oskar Freysinger pour ne pas le nommer) se réjouissait du résultat en disant que « dorénavant aucun dogme n’a une loi d’exception » ; ne vient-on justement pas de leur garantir une loi d’exception en les coupant de leur liberté? Et en plus il a eu l’immense et provocateur culot de se rendre dans une mosquée pour l’annonce des résultats… Mais bon, passons sur ces agissements d’une personne. Que retenir de cette votation? Que les manipulations de l’opinion n’ont pas besoin de finesse et de subtilité, que finalement plus c’est gros plus ça passe, et que l’on a un peuple qui ne regarde souvent pas plus loin que le bout de son nez. C’est triste à dire. Enfin, quand je parle de ce peuple, je ne sais pas de qui il s’agit. Parce que finalement je ne rencontre que des personnes dégoûtées, énervées, scandalisées, qui en ont marre de cette « dictature » d’idéaux inhumains et choquants, menés par des gens et des lobbys qui ont l’argent pour faire campagne, alors que souvent les défenseurs de causes justes et humaines ne disposent évidemment pas des mêmes fonds. Alors oui, le peuple s’est prononcé, la modification de Constitution va entrer en vigueur. Mais je ne suis pas à hurler comme d’autre ma honte d’être suisse. Non, car toute la Suisse n’a pas voté cet état de fait abject. Après tout, calcul à l’appui, ça ne fait qu’une trentaine de % des électeurs qui ont exprimé cette opinion. « Que »… oui, enfin ça fait déjà beaucoup. Mais pas une majorité. Où étaient les autres? Sur quel front? Et les scandalisés? Ont-ils tous voté? Pour ma part, pas de honte non, plutôt une fierté pour mon vote et mes tentatives pour faire voter dans le sens du non à l’initiative. Fier de mon combat comme de la plupart de mes prises de position politiques. Et puis c’est la preuve qu’il faut continuer. Travailler et lutter pour avancer dans un sens plus humain. Notre Suisse ne doit pas devenir le refuge intolérant que cette votation semble indiquer. C’est révoltant certes, mais notre respect de la démocratie doit nous contraindre à l’accepter… Quoique? Certes, la Suisse n’a pas de Cour constitutionnelle ; cet organe aurait probablement refusé une telle initiative car contraire à la Constitution ; mais la Cour constitutionnelle européenne est au-dessus et peut être appelée pour un recours. J’y crois, je veux y croire, ce serait une délivrance. Et puis l’autre souci vis-à-vis de l’avenir… Comment vivre avec nos musulmans, des amis, des collègues, des connaissances, des visages croisées chaque jour, sans honte de ce qui s’est passé? Comment vivre face à toute la population musulmane dans le monde sans honte? L’avenir est sombre, mais la lumière s’y trouve…
Pour changer de sujet, nous votions aussi sur une initiative demandant l’interdiction de l’exportation d’armes de guerre. Joli thème, belle et grande idée. Ici encore l’hypocrisie a gagné et l’initiative a été refusée. A 68,2%. Résultat sans appel après une campagne là aussi basée sur la peur. Pas de l’autre, mais la peur économique. Le seul argument contre l’initiative (et qui est à lui seul nettement plus valable que tous ceux avancés contre la construction de minarets) était l’argument économique, avec la perte d’emplois résultante. Alors que ces entreprise innovantes et à la pointe pouvaient sans doute se recycler vers des domaines d’avenir dans le privé ; d’autant que le texte de l’initiative prévoyait des investissements pour aider les industries touchées. Mais bon, l’hypocrisie a gagné. On préfère continuer à vendre la mort au but du monde, surtout qu’on ne la voit pas (pas en direct en tout cas, la télévision restant une lucarne bien petite). Tout ça sous le prétexte que, de toute manière, les guerres continueront et d’autres vendront les armes. Et alors… Doit-on pour autant participer à ce commerce de la mort? Doit-on soutenir ces événements? Ou montrer une nouvelle voie qui pourrait servir d’exemple? pour la patrie de la Croix Rouge, c’est une bien triste journée que celle de hier.
Petite pointe de bonheur finalement, le refus par le peuple vaudois d’accorder une prolongation illimitée d’exploitation à la centrale atomique de Muhleberg. En effet, cette centrale qui date arrive au moment où le Gouvernement doit décider de lui accorder ou non cette prolongation. Et le Gouvernement national a eu la bonne idée de consulter les cantons les plus proches de ce lieu, donc les plus touchés en cas de problème. Et là Vaud a voté non. Bien sûr ce n’est que consultatif et le Gouvernement peut en faire ce qu’il veut. Mais à travers ce vote c’est toute une vision de l’énergie, en particulier atomique, qui perce. Le symbole d’un changement d’époque où l’on ne veut plus de cette industrie vieillissante et désastreuse sur le point écologique… Une bonne nouvelle donc et un peu de lueur dans cette bien sombre journée…