Des ressources naturelles qui diminuent à vue d’œil. Une consommation qui ne cesse d’augmenter. Une vision à très court terme dans beaucoup d’entreprises. Une économie surproductrice de déchets. Une société livrée à un monde de la finance que trop peu de monde peut comprendre. Je ne sais pas pour vous, mais moi j’ai des fois l’impression que notre monde avance à l’aveugle sur une route cahoteuse aux dangers multiples sans jamais regarder sa carte ni se fixer réellement de destination. Difficile de faire changer de cap complètement. L’inertie du navire est trop importante. Mais peut-on envisager une autre manière de le diriger? Une autre consommation? Une autre économie? Je le crois, oui. Et d’ailleurs, certaines mentalités changent. Lentement, certes, et pas dans les cercles des décideurs des grandes industries. Mais le monde évolue. Et c’est pour accompagner et encadrer cette évolution que les Verts proposent l’initiative populaire pour une économie verte (que je vous invite bien entendu à signer et à faire signer). Nous demandons une transformation écologique de l’économie. Ou bien je pourrais reprendre le titre d’un article de OWNI : Pour une économie durable : la e-frugalité. Bien sûr, la portée de cet article va au-delà de la prétention de notre initiative qui ne porte qu’au niveau de la Suisse, mais on est dans le même ordre d’idée. A noter aussi que cette initiative se lie fortement avec celle pour sortir du nucléaire, puisque la modification de notre production énergétique influencera notre consommation à venir.
Mais que demande cette initiative? Elle a plusieurs axes qui, mis ensemble, permettent d’envisager une économie sur la durée, un long terme. Bien sûr, proposant un changement de la Constitution, elle reste relativement vague dans es applications concrètes (comme toute initiative), mais on peut en tirer quelques lignes directrices et imaginer ce qui en découlerait.
A commencer par une gestion efficace et réfléchie des ressources. Au rythme actuel en effet, il nous faudrait plusieurs Terres (3 si tout le monde vivait comme le Suisse moyen) pour vivre avec notre consommation de ressources naturelles ; mais nous n’en avons qu’une. Il s’agit donc ici de limiter notre empreinte écologique, de réduire notre emprise sur notre planète. En faisant attention à ne pas prélever de ressources non renouvelables, en ne prélevant les renouvelables qu’au rythme de leur renouvellement, nous pouvons assurer aux générations futures un monde viable. Comment peut-on décemment penser au court terme uniquement et ne pas s’inquiéter de ce que nous laisserons de disponible pour nos enfants et leurs descendants? C’est là faire preuve d’un égoïsme insoutenable. Nous vivons au dépends des générations futures ; mais aussi aux dépends d’autres régions du globe qui ne peuvent dès lors profiter de ressources que nous utilisons.
Il s’agit également de passer à une économie circulaire. A l’heure actuelle, on nous parle de « cycles de produits », ce qui est un grand foutage de gueule. La vie d’un produit commercial n’est pas un cycle, mais une ligne qui amène à la pure et simple production de déchets. Il faut repenser les modes de production et d’industrialisation afin d’envisager la mise en place d’une écologie industrielle ; les déchets des uns devenant les ressources des autres, nous pourrons alors réellement parler de cycle, où nous réutiliserons l’essentiel des ressources. Nous recyclons actuellement papier, compost, aluminium et d’autres. Il faut pousser cette logique plus loin. Concevoir des produits dont les composants peuvent ensuite être récupérés, réutilisés, réinjectés dans le circuit, sans aller obligatoirement pomper davantage de ressources naturelles. Il faut également éviter un suremballage fait de matières plastiques non-biodégradables, ne pas faire d’excès, et se concentrer sur l’utilisation de produits naturels. Rappelons aussi que de nombreuses techniques de production d’énergie fournissent aussi de la chaleur… que l’on laisse souvent aller sans la récupérer. Alors que l’on pourrait utiliser ce couple chaleur-force afin de produire plus avec la même quantité de ressources. Je vous invite à lire cet article qui présente fort bien la chose avec des schémas très clairs.
Pour ce faire, il faut réfléchir et innover. Ça tombe bien! Recherche et innovation sont les principales matières premières de la Suisse. Nos hautes écoles se classent plutôt bien dans les classements mondiaux et sont renommées. Faisons fonctionner correctement cet aspect et permettons le développement de modes de production différents, d’énergies nouvelles et renouvelables. Avec la volonté de sortir du nucléaire, il est essentiel de pousser la recherche et le développement de solutions nouvelles. Cet aspect est très important d’un point de vue économique aussi. L’industrie et la recherche peuvent employer des gens, pousser à la création de nouveaux emplois, dynamiser un monde professionnel qui stagne.
Et puis il faut inciter les gens à changer leur manière de faire. Inciter aux économies d’énergie en particulier. Cela passe par exemple par une aide aux propriétaires qui souhaiteraient assainir leurs biens immobiliers, les isoler, y mettre des panneaux solaires ou autres ; opérations coûteuses qu’il serait de bon ton de soutenir afin de leur donner une réelle chance de se concrétiser. Ici encore, le développement de ce genre de projet serait un bien pour notre économie. Les technologies propres ont devant elles un bel avenir si on leur laisse la place de se développer. Il y a là un potentiel énorme de postes de travail.
Pensons encore aux nouveaux modes de consommation qui apparaissent petit-à-petit, et qui entrent parfaitement dans ce cadre. Par exemple la consommation collaborative, qui fait passer l’utilisation avant la possession. Pourquoi posséder une voiture que l’on ne va utiliser que une heure par jour, par exemple? Les systèmes de car-sharing, de location de véhicules entre particulier, etc, tout cela permet de répondre à ces interrogations. Moins de véhicules pour une meilleure utilisation. Face au libéralisme criant à al production de masse et réclamant une efficience du système économique, montrons l’efficience de ces modes de consommation. Je vous invite à lire entre autres l’article de Largeur.com à ce sujet. Pensons aussi à l’émergence exponentielle des fab labs et de l’impression 3D. Des lieux et des technologies qui permettent à tout un chacun, pourvu des conseils adaptés, de créer ses propres objets. On a vu des gens créer des pièces de rechange pour réparer un appareil et remettre ce dernier en état de marche pour 10% du montant demandé par la marque pour réparation sous garantie. On peut y concevoir ses propres meubles, ses propres créations, sous l’œil avisé d’experts, pour un coût réduit. Les technologies actuelles permettent de s’y jeter sans être particulièrement manuel ou bricoleur. Il faut juste avoir cet esprit du « hacker », pas dans le sens purement informatique, mais au sens large de la personne qui veut modifier son monde et adapter son environnement pour y mieux vivre. Hacker son meuble Ikea par exemple, pour le transformer et l’adapter à son utilisation.
Les modes de consommation changent, les mentalités évoluent. Encadrons ce phénomène et donnons-lui un cadre légal qui lui permette de s’exprimer. Soyons à l’écoute de l’avenir plutôt que du passé. Et respectons les générations futures. L’initiative pour une économie verte n’est qu’un pas dans ce sens, mais un pas extrêmement important.