Les adaptations ciné d’œuvre à diverses ont une tendance à clairement séparer le public en deux. D’une part on a le cris outrés de ceux hurlant au scandale et à la trahison de l’Oeuvre, avec parfois des dérives dignes des ayatollahs les plus extrêmes (je pense par exemple au fameux djihad rouge tolkiéniste et sa position par rapport aux films de Peter Jackson). D’autre part on trouve des naïfs bienheureux ravis appréciant la transposition et la regardant béatement. En général le débat entre les deux groupes est sans fin et peut se terminer en guerre des tranchées meurtrière. Ce Tintin ne fera pas exception à la règle. Et moi je l’aime franchement bien, ce film.
Ben oui, malgré ses défauts, Le Secret de la licorne est un très bon film, divertissant à souhait, avec ce qu’il faut pour passer un bon moment. Il reprend de base les événements de la BD du même nom, en y ajoutant des éléments du Trésor de Rackham le Rouge et aussi une bonne part du Crabe aux pinces d’or pour la rencontre entre Tintin et Haddock. Le tout saupoudré d’éléments nouveaux, histoire de surprendre les blasés connaissant l’histoire par cœur ; ou pour ne pas spoiler la lecture des livres pour ceux qui ne les connaîtraient pas encore. Et là déjà ça crie au scandale chez les plus fiers défenseurs de la tintinologie alors que justement ce mix est dynamique et créé une nouvelle histoire tout en gardant l’essentiel des bouquins cités. On navigue donc entre une enquête avec une ambiance de polar (tout le début) avant de passer à l’aventure plus pulp et à des scènes d’action assez énormes (la séquence de la poursuite dans Bagghar ou le combat de grues sont de très grands moments). Ou encore l’histoire de la Licorne mêlée aux événements actuels, avec des transitions magnifiques. Au final, un résultat très convaincant donc.
L’aspect déroutant du film est son parti pris visuel. On a ici de la performance capture, un procédé allant au-delà de la simple motion capture qui colle des mouvements d’acteurs sur des personnages en 3D. Ici on plaque sur des acteurs, avec tout leur jeu et leurs émotions, des personnages informatiques qui ne leur ressemblent pas. Cette technique donne au final un rendu certes complètement virtuel mais très réaliste et extrêmement détaillé. Bien que tous les personnages soient reconnaissables, le film se trouve très éloigné de la ligne claire d’Hergé à laquelle seuls le générique et la première scène rendent hommage (très bel hommage d’ailleurs que cette première scène). Ce choix surprend mais plonge le spectateur bien plus au cœur de l’action. Et avec une technologie de performance capture qui s’améliore à chaque production (Seigneur des Anneaux, King Kong, Avatar, la Planète des Singes, par exemple), on se retrouve maintenant avec des personnages aux émotions finement restituées et fort bien rendues. On notera la présence de Andy Serkis, l’acteur qui n’est jamais aussi reconnu que lorsqu’on ne le reconnaît pas ; il a été (et sera à nouveau) Gollum, un singe de la Planète des Singes, ou King Kong. On le retrouve en formidable capitaine Haddock qui doit vaincre ses démons intérieurs afin de résoudre le mystère. Jamie Bell campe un très sympathique Tintin. A noter les deux compères de Shaun of the Dead et Hot Fuzz, Nick Frost et Simon Pegg, en Dupond et Dupont, toujours aussi cocasses. Daniel Craig sort de son rôle d’agent secret pour nous faire un bon méchant bien méchant. Une galerie de personnage fort bien posés et bien interprétés. Allan est superbe aussi, un dur à cuire toujours aussi pas cool. Bref, une réussite de ce côté-là.
Les producteurs ont mis les moyens sur ce film, il faut dire. Bon, OK, Spielberg et Jackson ne sont pas les derniers venus. Ajoutons la présence de Steven Moffat parmi les scénaristes, et on obtient une belle brochette de personnages qui font souvent les choses bien. On ajoute une musique bien pensée. Et on obtient un très bon divertissement. Familial et bien foutu.
Ma séance était en 3D… et bien ça n’apporte pas grand chose je dois dire. Franchement ça ne vaut pas le supplément de prix, donc voilà. Le film est bon en lui-même et cet ajout n’est là que parce que c’est à la mode de le faire. Les séances en 2D devraient donc très bien aller.
Pas mieux.