Que l’on ait aimé ou pas, il est indéniable que Matrix a marqué l’histoire du cinéma (surtout le 1er film). Et par la même, ses réalisateurs, les Wachowskis (à l’époque les frères Wachowski, maintenant les Wachowski tout court suite à un changement de sexe), ont atteint un statut particulier. Ils ont à leur actif du bon et du moins bon. Mais il faut leur reconnaître une volonté de toujours marquer fortement le coup. Pour leur première incursion dans les séries télévisées, ils ont encore une fois créé une œuvre qui sort du lot. Sense8 est une série difficile à classer. Il s’agit certes clairement de fiction, de fantastique, voire de science-fiction, naviguant entre plusieurs thèmes, styles et proposant une histoire à la fois simple et tordue.
Tout commence par le suicide d’une femme dans une église. Suite à cela, 8 personnes réparties à travers le monde commencent à ressentir des choses bizarres et se découvrent unies, aussi bien émotionnellement qu’intellectuellement ou au niveau des sens et de la perception. Ils peuvent se voir, se parler, visiter les lieux où se trouvent les autres, ou encore se partager des compétences de théâtre, arts martiaux, conduite ou chimie par exemple. Ce cluster qui s’est créé se retrouve au sein d’une lutte avec des grands méchants mystérieux qui veulent s’en emparer et/ou le détruire, tout n’est pas clair. Cette trame relativement simple pourrait largement tenir dans un bon gros film de SF blockbuster avec action, mystère, suspens et complotage à tous les niveaux. Oui mais voilà on a une série dont la première saison fait 12 épisodes. Et du coup c’est bien plus long. C’est là que la différence apparaît, que Sense8 dépasse ce statut de « petite série de SF au scénario intéressant mais sans plus ». La série va s’accrocher aux personnages, les détailler, les approfondir. On va pouvoir entrer en lien avec chacun comme les personnages entrent en lien entre eux. Par des flashbacks mais aussi au travers d’expériences et de moments marquants qui vont affecter fortement leurs vies. En parallèle, l’intrigue de base évolue du coup relativement lentement. Mais par contre on se prend à apprécier les intrigues personnelles de chacun des 8 héros. Et aussi on se rapproche d’eux, on ne peut que s’y attacher du coup. Et c’est là le tour de force, de nous rendre proche de ces 8 personnages si différents.
La série est une superbe fresque visuelle. Il faut dire que la production a fait très fort en allant réellement tourner sur place. Chicago, San Francisco, Londres, Berlin, Séoul, Mexico, Nairobi, Bombay et Reykjavík (y compris l’avion pour rejoindre cette dernière) sont les lieux réels de tournage. Et cela donne une sensation de réalisme incroyable. On remarque vite que l’on n’est pas dans des décors de carton-pâte mais bien sur les lieux. Et comme on a des scènes qui se passent à 2 endroits en même temps avec les mêmes personnages, le tournage se révèle une véritable prouesse technique ; on trouvera bien quelques faux raccords mais par rapport à l’ampleur de la tâche c’est finalement bien peu de choses. L’immersion est totale, d’autant que les réalisateurs ont su tirer parti des plus belles vues qu’offrent ces différents lieux (mention spéciale à l’Islande quand même). Si l’on ajoute à cela des acteurs peu connus (sauf certains rôles secondaires) qui sont très convaincants, une bande originale réussie et qui colle très bien, on obtient une série vraiment agréable à regarder.
En abordant aussi profondément ses personnages, Sense8 touche à de nombreuses thématiques, et pas toujours faciles. Il y a la crise d’identité ; tous ces personnages ont un passé difficile, une vie qui les place dans une situation pas évidente où ils doivent faire des choix, et ce n’est jamais évident. Et les puissances extérieures poussant aux choix sont multiples, qu’il s’agisse de la religion et de son carcan (aussi bien en Inde que la famille de Nomi), l’identité sexuelle (grosse référence autobiographique à l’un des Wachowskis), la famille, ou autres. Une série qui va donc bien au-delà de l’histoire racontée mais qui apporte aussi des regards sur des sujets d’actualité.
Cette première saison est une excellente mise en bouche permettant de s’approprier les personnages et de les connaître. Elle se termine sur une accélération très forte quand tout se met en branle autour d’eux et que le danger se retrouve sur le pas de la porte. A la fin de ces 12 épisodes, on en redemande et on exige une suite qui fera cette fois la part belle au complot et à la résolution du gros arc scénaristique. J’attends cette suite avec impatience, en espérant que ça ne partira pas en sucette…
Une réflexion sur « Sense8 – Saison 01 »