Aujourd’hui je vous propose une traversée de l’Amérique le long de la fameuse route 66(6) pour tenter de survivre à l’apocalypse zombie, mais aussi la possibilité de devenir roi de l’île de Skye en Ecosse en vous rendant plus populaire que les autres chefs de clans. Deux jeux vraiment biens, chacun ayant fait le buzz à leur manière, et qui méritent leur succès.
Hit Z Road
Quand les Space Cowboys, cet éditeur formé par de grands noms du jeu en France, sort un nouveau produit, ça déclenche en général les passions ; fans inconditionnels, haters de première, déçus et enthousiastes, chacun y va de son petit commentaire qui fait monter le buzzomètre. Quand en plus c’est un jeu d’un auteur aussi connu que Martin Wallace dont chaque production est attendue, on comprend mieux la pression qu’il y avait sur ce jeu initialement prévu pour s’appeler « Route 666 ». Dans Hit Z Road donc, chaque joueur prend en main la destinée d’un groupe de survivants qui tente de fuir l’apocalypse zombie en traversant les Etats-Unis, espérant trouver paix et repos sur la côte ouest. Le but du jeu est d’arriver au bout des diverses étapes du voyage en ayant glané un maximum de points en cours de route ; si à un moment tous les joueurs sont éliminés sauf un, celui-ci est déclaré vainqueur même s’il n’est pas arrivé au bout. Le jeu peut se jouer de 1 à 4, la version standard se jouant à 4, les versions 3 et 2 joueurs demandant quelques légers ajustements de mise en place, et la version solo nous poussant à tout simplement arriver au bout avec le meilleur score possible. Au passage, le jeu est indiqué dès 12 ans, et c’est plutôt le thème qui le veut ; au niveau de la mécanique, on peut s’y mettre dès plus jeune si l’on est un peu joueur.
Au début de chaque tour, on va disposer sur la table 4 séries de 2 cartes piochées dans un paquet (il y aura là des changements selon le nombre de joueurs). Chaque série de 2 cartes indique un itinéraire à suivre, deux lieux à visiter l’un après l’autre. Les joueurs disposent d’un stock de ressources (munitions, essence et adrénaline). Ils vont les utiliser pour miser pour l’ordre du tour. Après cette phase d’enchères, les joueurs vont donc jouer dans l’ordre déterminé et le premier pourra choisir l’itinéraire qu’il souhaite. Une fois qu’il lk’aura effectué, le joueur suivant pourra faire son choix lui aussi, etc. Etre le dernier ne permet donc pas de choisir son itinéraire et on se fait ainsi imposer les événements qui vont nous tomber sur le coin de la gueule.
Emprunter un itinéraire veut dire résoudre l’une après l’autre les deux cartes qui le composent. Pour résoudre une carte, on va commencer par récolter les ressources indiquées sur celle-ci (s’il y en a, ce qui n’est pas toujours le cas). On va ensuite se pencher sur l’événement spécifique de la carte ; il peut s’agir d’un événement ponctuel, de récupérer un jeton qui influencera la suite du jeu, voir d’un point spécial affectant le combat à venir, ou parfois rien du tout. Parce que oui sur pas mal de cartes il y a ensuite des zombies à massacrer pour pouvoir avancer. On peut en premier piocher dans notre stock de munitions pour tenter d’en avoir à distance puis il faudra se fritter le reste au contact avec le risque de perdre des gens de son groupe de survivants ; le tout est géré avec des lancers de dés. Une fois la carte passée, le joueur la prend, et pourra donc comptabiliser les points de victoire inscrits dessus 8quand il y en a) en fin de partie.
Une fois que chacun a emprunté et résolu un chemin de deux cartes, on remet une série de chemins et on enchérit de nouveau. Les cartes seront de plus en plus difficiles à passer, avec trois niveaux de difficulté allant croissant. Et on va continuer ainsi jusqu’à épuisement du tas de cartes ou jusqu’à ce qu’il n’y ait plus qu’un joueur avec au moins un personnage devant lui.
Le jeu est très sympa. pas un très gros jeu, mais demandant quand même un peu de réflexion quant à la gestion des ressources et aux enchères. Le hasard a une place non négligeable (tirage des cartes et lancers de dés), mais cela rend bien l’ambiance chaotique et pleine de suspens de cette invasion zombie. On cherchera à optimiser son trajet en fonction des points de victoire mais aussi des menaces, poussant parfois les autres sur des lieux particulièrement vicieux. Hit Z Road dispose aussi d’un matos de très belle facture ; tout est fait pour ressembler à de la récup’. Les cartes lieux sont sur de vieux jeux de cartes, les ressources sont sur des capsules de bière, etc. Ca donne un petit plus au niveau de l’ambiance. Le tout très bien illustré et mis en images par une petite brochette d’artistes. Et les meeples zombies avec leurs bras en avant sont bien funs. On aurait pu faire tenir cela dans une boîte plus petite assez aisément par contre.
Isle of Skye
Le hasard a voulu que je trouve dans ma boîte aux lettres mon titre de Lord le jour même où je rentrais à la maison avec ma boîte de Isle of Skye. Voilà pour l’anecdote amusante. Parce que dans Isle of Skye on prend le rôle de lairds écossais sur l’île de Skye et le but sera de devenir le plus reconnu des chefs de clan pour être nommé roi de l’île.Il s’agit d’un jeu de Andreas Pelikan et Alexander Pfister, illustré par Klemens Frank. Son matériel est très sympathique et fonctionne bien, même si les paravents se démontent un peu trop facilement pour des éléments destinés à être manipulés en cours de partie.
Chaque joueur va avoir devant lui une tuile carrée représentant son château autour de laquelle il va petit-à-petit assembler d’autres tuiles formant un paysage un peu à la Carcassonne ou à la Guerre des Moutons, tuiles sur lesquelles se trouvent divers symboles servant à marquer des points. Après 5 ou 6 tours (selon le nombre de joueurs), on a droit à un décompte final et on peut déterminer le vainqueur. En début de partie, on va placer sur le plateau de décompte des points 4 tuiles indiquant la manière dont on pourra scorer en cours de partie ; à la fin de chaque tour, le plateau indique quelles tuiles sont à prendre en compte ; il y a là suffisamment de tuiles pour donner une bonne rejouabilité avec la variation des moyens de marquer des points, que ce soit selon le nombre de têtes de bétail, selon le nombre de bateaux, selon la disposition des tuiles, selon le nombre de zones fermées que l’on possède, etc.
Au début d’un tour de jeu, chaque joueur reçoit de la thune, pour son château mais aussi pour chaque tonneau de whisky sur son territoire relié par une route au château (on est en Ecosse quoi, on va pas marquer des points avec des palmiers ou du rhum). Puis chacun va piocher 3 tuiles au hasard qu’il va disposer devant son paravent. Derrière son paravent, chaque joueur attribue à une tuile un pion de défausse et aux deux autres une certaine valeur avec les sous qu’il possède. Une fois que tout le monde a fait cela, on enlève les paravents et on défausse la tuile que chaque joueur a indiqué à défausser. En partant du premier joueur, chacun a la possibilité d’acheter une tuile d’un autre joueur au prix que ce dernier a fixé. Ensuite, chaque joueur va payer (à la banque) les montants assignés aux tuiles qu’il a encore devant lui. Puis chacun va prendre toutes les tuiles dont il a fait l’acquisition à ce tour et les placer autour de son château pour construire un territoire. Il faut faire coller les montagnes aux montagnes, les lacs aux lacs, etc. Seules les routes peuvent n’aboutir à rien. On décompte les points en onction des tuiles de score à utiliser à ce tour et on recommence un nouveau tour (en changeant de premier joueur). En fin de partie, l’argent restant ainsi que des parchemins disséminés sur les tuiles rapportent encore des points. Et on peut là déterminer le vainqueur.
Souvent comparé à Carcassonne, Isle of Skye n’en a que l’apparence. Déjà chacun construit son terrain devant lui sans toucher aux autres. Ensuite on peut choisir ses tuiles, en acheter, s’arranger pour ne pas en laisser aux autres joueurs, etc. Il y a une grosse gestion des sous à faire car ceux-ci peuvent fondre comme neige au soleil si on met des tuiles très chères. On retrouve quand même le plaisir qu’il y a à construire son petit royaume devant soi, mais du coup avec moins d’interactions avec les autres joueurs. Accessible, destiné à un assez large public, Isle of Skye est un bon jeu. Ses différentes tuiles de score et la répartition des parchemins lui donnent pas mal de rejouabilité. Et il faudra savoir faire preuve d’adaptabilité en fonction justement de ces deux éléments et des tuiles présentes sur la table.
A noter que Isle of Skye a remporté le Kennerspiel des Jahres, la version pour joueurs exigeants du plus fameux prix ludique, le Spiel des Jahres (remporté lui par l’excellent Codenames). Je dois avouer que je me joins un peu au concert de voies surprises par ce prix. Isle of Skye n’a rien d’un gros jeu touffu pour joueurs expérimentés et aguerris ; au contraire, je me vois assez le proposer à des joueurs peu réguliers, voire débutants. Il reste très accessible, et est même indiqué dès 8 ans. Je pense qu’il y aurait là à disserter sur l’évolution de la complexité des jeux et le marché qui se développe, mais ce n’est pas trop le but de ce billet, et je vais donc m’arrêter là.