Précédemment : le FIJ et son As d’Or, les jeux pas sortis, les jeux de déconne, les jeux plus velus, et les photos…
Suite et fin des festivités cannoises avec ce billet complétant le précédent sur les jeux plutôt grand public ou en tout cas destinés à un large public, découverts lors du FIJ 2017. Je vous invite donc à lire nos présentations de L’Empereur, Magic Maze, Meduris, Spywhere, Le Tour du Monde en 80 jours, Unlock, et Watson & Holmes. Et puis aussi une petite conclusion à cette virée…
L’Empereur
Encore une jolie réussite du copain Florent Toscano, auteur (avec Frédéric Vuagnat) et éditeur (par sa société Opla) de L’Empereur, tiré du film éponyme de Luc Jacquet. Encore une fois, le sujet tout comme la réalisation du jeu sont très écologiques (jeu fabriqué localement et tout et tout). Chacun des 2 à 4 joueurs (dès 8 ans) va prendre en main le destin d’un manchot qui va quitter sa colonie, traverser la banquise, et revenir repu à la colonie. Le premier de retour aura gagné.
La banquise est représentée par une série de tuiles. Chaque ligne est composée de 4 tuiles, et sur chaque ligne le verso de chaque tuile est d’une couleur différente.
A son tour, un joueur va déplacer son manchot d’une tuile, dans n’importe quel sens y compris en diagonale et révéler la tuile sur laquelle il arrive. Si la couleur est celle du manchot du joueur, il peut se déplacer à nouveau ; sinon il arrête là son déplacement, retourne à l’envers toutes les tuiles sur lesquelles il n’y a pas de manchot et c’est au joueur suivant de se lancer. Il y a sur certaines tuiles des jetons noirs et des blancs ; on ne retourne pas une tuile qui a un tel jeton. Les noirs représentent le mauvais temps et on ne peut pas continuer son déplacement si on arrive dessus. A l’inverse, les jetons blancs sont le beau temps qui permet de se déplacer à nouveau sans révéler la tuile. Après avoir effectué le déplacement de son manchot, le joueur va déplacer un jeton météo sur une case adjacente. A noter que quand je quitte une case de ma couleur ou de jeton beau temps, j’emporte avec moi tous les manchots qui s’y trouvent.
C’est un petit jeu tout simple, très accessible, très tout public, surtout avec sa jolie boîte avec un mignon manchot. Un système de memory qui fonctionne toujours, surtout avec les enfants, légèrement pimpé par les jetons météo. Ce sera une vraie course aller-retour qui va mettre la pression sur tout le monde. Alors oui comme dans tout jeu de ce type on peut avoir de la chance ou au contraire un manque de bol total en découvrant des tuiles (dans notre partie, le 1er joueur a tout de suite trouvé 3 tuiles de suite à sa couleur, prenant ainsi une avance considérable dès le premier tour), mais c’est le jeu hein…
Très sympa, joliment mis en images, j’aime.
Magic Maze
Alors là je me dis que je suis complètement passé à côté. Quand je lis tous les commentaires positifs de partout, c’est quand même étonnant que je l’aie trouvé aussi peu agréable. D’autant que sur le papier, avant de le tester, il m’avait l’air fort sympathique (je l’avais même mis dans ma wishlist BGG mais depuis je l’en ai sorti). Et pourtant c’est pas faute d’avoir essayé d’y crocher puisque l’on a enchaîné 3 parties quand même.
On y joue des aventuriers ayant merdé leur mission qui vont aller voler du matos dans un supermarché en un temps limité, le tout en mode coopératif, mais en silence. Chaque joueur reçoit une carte indiquant quelles actions il peut effectuer, à savoir déplacer un aventurier dans une seule direction, utiliser des escalators, téléporter un aventurier,… Par contre, chacun va pouvoir déplacer tous les aventuriers pour y arriver. Au début, nos 4 aventuriers sont sur une tuile centrale avec des sorties. Il va falloir explorer ces sorties, révéler de nouvelles tuiles du centre commercial, et ainsi déplacer chaque aventurier jusqu’à sa boutique de prédilection ; une fois chaque aventurier arrivé, il faudra faire quitter le centre commercial à tout ce beau monde. Ainsi chaque joueur devra avoir en permanence l’oeil sur chaque personnage pour voir s’il a besoin d’être déplacé dans la direction qu’il peut faire. Mais aussi l’oeil sur le sablier car si il arrive au bout, on a tous perdu (possibilité de le retourner en se rendant sur certaines cases). Le seul moyen de communication est un gros pion rouge que je peux prendre et poser de manière très insistante devant le joueur dont j’attends qu’il effectue un mouvement.
J’ai trouvé le jeu beaucoup trop bordélique. Sans pouvoir communiquer, difficile d’avancer. On passe son temps à s’imaginer sa stratégie de déplacement pour se la faire niquer par un autre joueur qui part dans l’autre sens avec autre chose en tête. Un gros chaos impossible à cadrer. Bref, je ne suis pas du tout convaincu. Alors bon, je vais mettre une partie de la faute sur le fait que l’animateur qui nous l’a expliqué avait l’air un peu complètement à la rue et je pense que je donnerai une nouvelle chance à ce jeu un de ces quatre, pour voir (parce qu’il y a vraiment beaucoup d’avis super-positifs sur le net).
L’avis d’Oliver : Bordélique, muet à frapper ses camarades de jeu manchots. Ce n’est clairement pas mon style de jeu. Stressant (fatiguant), sans pouvoir se faire comprendre, il est dur d’arriver ou l’on veut. De sa faute ou de celle des autres. Des parties de 3 minutes et… fin ? Bof, non..
A retester ? Non. Ou alors le Monsieur qui expliquait le jeu s’est trompé de notice, de jeu et de convention ?
Meduris
Ou quand Haba se met à faire des jeux de grands. Pour évoluer avec un public qui a grandi. Alors c’est pas du jeu super velu, et ce Meduris s’avère bien accessible et fait à mon avis une bonne introduction au jeu de gestion de ressources et de développement. On notera au passage que l’un des deux auteurs est celui de l’excellent Intrigue (découvert à Cannes l’année passée) et que l’on retrouve le très bon Miguel Coimbra aux pinceaux, même si le résultat n’est pas aussi réussi que ce à quoi il nous a habitués. Dans ce jeu, de 2 à 4 joueurs vont répondre à l’appel des dieux et aller peupler les abords du Mont Meduris en y construisant huttes et temples, en faisant des offrandes au druide et en collectant des pierres runiques.
En gros, à chaque tour on va lancer un dé pour tenter de récupérer des ressources. Puis on pourra faire différentes actions comme se placer sur les cases de production de ressources (avec une mécanique sympa d’empilement) ou construire. Une hutte permettra d’étendre des communautés et un temple leur donnera du poids. Quand on construit, le druide avance sur la piste circulaire, et là où il s’arrête le propriétaire doit payer une offrande en ressources, mais qui rapporte des points. Une fois qu’un joueur a construit tous ses bâtiments, la partie s’arrête et on peut compter les points qui proviennent des huttes contiguës aux temples et des pierres runiques récoltées lors des constructions.
Pour des gros joueurs, le jeu n’est pas fondamentalement folichon. Un peu trop répétitif, un peu lent à se mettre en route, un peu trop de “pas assez” finalement. Il conviendra à un public déjà un peu joueur qui veut se lancer dans ce type de jeux, mais à nouveau on passera facilement à autre chose d’un peu plus velu et solide si on commence à s’intéresser aux jeux de gestion. En bref, un jeu pas trop mal mais qui me laisse quand même sur ma faim.
L’avis de Jonathan : Pas convaincu non plus. Lancer un dé pour savoir quelle ressource va être récoltée ce tour ci, construire des bâtiment, optimiser le placement des constructions et la gestion des ressources, le tout me donne une impression de déjà-vu. Alors oui, le matériel est joli, oui les règles sont simples, oui le jeu reste suffisamment complexe pour intéresser des joueurs un peu plus confirmés mais pas de quoi ici renouveler le genre. Je passe mon tour.
Spywhere
Rapide petit jeu de cartes de bluff et de déduction, Spywhere nous met dans la peau d’espions, chacun provenant d’un pays, et devant récupérer des cartes de son propre pays tout en devinant les pays des autres.
En début de partie, on va donc recevoir au hasard une carte nationalité que nous garderons secrète bien entendu. Sur la table, une série de cartes représentant des plats (avec le drapeau du pays associé) et une pioche des mêmes cartes. A son tour, un joueur pioche une carte de la pioche et échange une carte de sa main avec celles qui sont exposées. Après avoir fait cela, il peut s’il le souhaite faire un pari sur un joueur adverse en estimant qu’il est de telle ou telle nationalité (en posant face cachée une carte “pari” devant lui). Lorsque toutes les cartes sont jouées, la partie s’arrête.
Chaque joueur va marquer des points en multipliant le nombre de cartes nourriture de son pays qu’il possède par le nombre de paris réussis qu’il a posés. Il est ainsi important de prendre un maximum de cartes de son pays sans non plus se faire remarquer pour brouiller les pistes ; et il faudra aussi savoir déduire les nationalités des autres en fonction des cartes qu’ils prennent en lisant à-travers leurs tentatives de bluff. Rien de transcendant là-dedans mais sympathique quand même.
Le Tour du monde en 80 jours
Modernisation d’un jeu de 1979, Le lièvre et la tortue, ce Tour du Monde profite d’un magnifique travail éditorial de chez Purple brain avec Thomas Vuarchex aux pinceaux. Ici chacun va se mettre dans la peau de Phileas Fogg qui va tenter son tour du monde. Il faudra donc être le premier à revenir à Londres, mais n’oublions pas que Fogg est accusé d’avoir braqué une banque, il faudra donc être de retour en s’étant défaussé des 3 cartes rumeurs que l’on reçoit au départ et en ayant pas trop de sous en poche.
A son tour, un joueur va avancer son pion en dépensant des sous ; c’est plus ou moins exponentiel, plus on veut aller loin plus ça va coûter. Et arrivé sur une case, on va jouer son effet, comme se défausser d’une rumeur, gagner des sous, faire un pari sur notre position au prochain tour, tirer des cartes d’événements aléatoires, etc. Il va falloir tout au long jongler entre l’argent nécessaire au voyage (on n’en a pas assez au début) et le fait d’en perdre assez avant la fin. Tout en visant les cases permettant de se défausser des cartes rumeur. Et puis ne pas toujours être premier parce que finalement le jeu a des effets différents selon notre positionnement dans la course.
Pas mal de petites choses donc qui en font plus qu’un simple jeu de parcours où il faut arriver le premier. Tout en restant super accessible, familial, et vraiment sympa. En plus d’être beau.
Le site du Tour du Monde en 80 Jours
Le Tour du Monde en 80 Jours sur tric Trac
Unlock
Unlock, As d’Or tout public de cette année… Un jeu fort sympathique déjà évoqué dans le billet d’ouverture sur le FIJ. Dans la boîte, trois decks de cartes, un par scénario. On y ajoute une application sur smartphone/tablette et c’est parti. Les joueurs vont avoir une heure pour venir à bout de la mission qui leur est proposée, à force d’énigmes. En faisant marcher les neurones, en associant correctement les cartes, en décryptant les dessins, en faisant fonctionner l’intelligence collective. Bon, certes je n’ai pas encore réussi à goupiller l’organisation d’une escape room en vrai (mais faut vraiment que j’y aille), donc comparaison difficile. Mais pour ce que j’en connais, ça semble pas mal reproduire le truc sur table (avec toutes les restrictions du cadre évidemment). Les trois scénarios de la boîte de base semblent vraiment avoir des ambiances très différentes et très marquées, ce qui est un plus.
Nous avons joué le scénario de démo fait pour les salons (ainsi on ne se spoile pas le contenu de la boîte) et c’était vraiment sympa, prenant, tendu, avec une super ambiance. Une belle réussite. Je me réjouis de jouer les autres scénarios mais je ne pense pas acheter le jeu, c’est typiquement pour moi un jeu de ludothèque, que je peux emprunter, jouer les scénarios, et le remettre à disposition pour d’autres ; parce que une fois les scénarios joués, on ne peut plus les refaire bien entendu. C’est un peu dommage. Alors certes Unlock offre trois heures de jeu qui seront probablement mémorables, on annonce d’ailleurs des Unlock 2, 3,… Mais il n’en reste pas moins que ce ne sont que 3 heures de jeu. Time Stories, très bon, avait déjà amené le truc. Si je regarde dans les jeux dits “jetables”, un Pandemic Legacy, c’est au moins 12 parties qui peuvent s’étirer pas mal au moins. Quant à Sherlock Holmes Détective Conseil (que j’adore), ce sont 10 enquêtes, chacune pouvant bien durer la soirée.
L’avis de Christophe : Je n’ai testé que le scénario d’intro mais je me réjouis de pousser plus à fond l’exploration des 3 gros decks de cartes que j’ai ramenés de Cannes. Bien que simple dans son principe, le jeu n’est cependant pas tellement “familial” à mon sens. Il demande un certain investissement que les moins habitués auront peut-être de la peine à concéder.
Watson & Holmes
Sherlock est à l’honneur avec de plus en plus de jeux à son nom ou presque. Parmi mes favoris, Sherlock Holmes Détective Conseil (mais mon dieu, je crois que je ne vous l’ai jamais chroniqué ici, il faudra un jour réparer ce gros manque).
Cette fois on est dans un jeu compétitif où chaque jouer va explorer des lieux pour récolter des indices et tenter de répondre en premier aux questions qui sont posées sur le crime qui a eut lieu. En début de partie, on lit un petit texte introductif qui décrit le crime, la situation. Sur la table, des cartes nommant les différents lieux que l’on peut visiter. A son tour, chaque joueur va placer son pion sur une carte. On peut y mettre des jetons “calèche” avec ; pour prendre la place de quelqu’un, je dois y aller avec plus de calèches que lui et à son tour il pourra se repositionner où il veut. Une fois tout le monde en place sur une carte, on défausse les calèches utilisées et chacun lit sa carte secrètement. Là il vaut mieux prendre des notes sur les indices que contient le texte. On a ensuite la possibilité de bloquer une carte pour que les autres soient emmerdés pour y aller. On peut aussi acheter Watson (avec des calèches) pour forcer un joueur à lire sa carte à haute voix et ainsi profiter des indices.
Une fois que l’on pense pouvoir répondre aux questions sur le crime (dans notre exemple, il y a avait eu un meurtre et on nous demandait le coupable, le mobile et la manière dont ça avait été commis), on se place sur la carte du 221b baker Street et on lit les réponses ; si on a tout juste, c’est gagné ; si il y a une erreur, on est éliminé et les autres continuent à jouer. Une fois éliminé, nos connaissances des réponses peuvent être utilisées par les autres (qui payeront des calèches) pour tenter le coup.
Nous avons joué un scénario de démonstration pour les salons, ce qui fait que l’on n’a pas spoilé l’un des scénarios de la boîte qui en compte 13 (non rejouables bien entendu). Et franchement ce n’était pas simple. il y a pas mal de fausses pistes et nous avons bien galéré. La course au bon indice est vraiment tendue et rend le jeu prenant. On est vite tenté d’aller à Baker Street pour prendre les autres de vitesse mais il faut pour cela avoir démêlé le vrai du faux. Je trouve que l’on a là un jeu qui s’approche beaucoup de Sherlock Holmes Détective Conseil avec ces visites de lieux pour y retrouver des indices et éviter les fausses pistes, avec des scénarios tordus ; mais ici on est en compétitif alors que l’autre est collaboratif. Du coup on a des techniques de blocage et un sentiment de course bien plus fort. J’ai bien aimé.
L’avis d’Oliver : Je n’ai jamais joué à ce genre de jeu, je suis mauvais détective et pourtant j’étais tout proche de la solution. La réflexion n’est pas pareille dans un gros jeu d’optimisation.
Ici, il faut aimer prendre des notes, cogiter, voir le vrai du faux-semblant, et parcourir la ville pour déduire mieux que les autres. Cogiter, avant de se faire griller ou pas ou presque !
Et même qu’à trop cogiter, je suis aller chercher une solution qui me paraissait totalement logique, plus compliquée et… non. Zut. Défaut de personnalité !
Du coup, accessible et chouette à jouer ou à faire jouer ! Il ne faut pas 234234 règles.
Un papier, un crayon, un scénario et c’est parti en regardant les autres se poser tout autant de questions que nous et prouver qu’on n’est pas si mauvais en fait. Agréablement surpris pour un jeu de réflexion. Cependant il ne me semble pas accessible à tous le monde au vu des scénarios et solutions à trouver.
Il faudrait que je réessaye un autre scénario. Pour voir si je suis bon détective ! Un bon point !
L’avis de Jonathan : Étant aussi fan de Sherlock Détective conseil, je me réjouissais de tester ce jeux. Alors oui j’ai vraiment trouvé chouette. Les énigmes semblent un peu plus simples que celles du “grand-frère” mais l’aspect compétitif vient combler le manque de difficulté. Chacun fait sa réflexion dans son coin et on essaie d’estimer l’avancée des autres en fonction des lieux qu’ils ont visités. Même si l’aspect gestion des calèches et blocage des autres joueurs est plutôt secondaire et pourrait être amélioré (nous étions nombreux autour de la table, peut être que ces éléments prennent plus d’importance à 2 ou 3 joueurs), le jeu fonctionne bien. Une excellente expérience que je me réjouis de répéter.
Conclusion
Et voilà, on a fait le tour des jeux découverts lors de cette très bonne cuvée du Festival International des Jeux de Cannes. J’ai passé un week-end mémorable, plein de rires, d’échanges, de découvertes, de rencontres, de retrouvailles, de répliques cinglantes, de rendez-vous manqués devant le stand bonbons ou à la baraque à sandwhichs, de p’tits déjs en terrasse en hiver, de bières rafraîchissantes, de resto chinois qui n’est plus chinois, de pizzeria que l’on aimait bien mais maintenant plus car service trop lent, etc. C’était cool. Un grand merci aux copains qui étaient là pour la bonne ambiance. Un grand bravo aux organisateurs, même si la file d’attente semblait toujours kilométrique malgré la nouvelle deuxième entrée, même si le off était toujours surbondé. Et bises à celles et ceux que j’ai pas réussi à croiser, ce n’est que partie remise… L’année prochaine, promis, j’essaye de trouver le courage de présenter un ou deux de mes protos au off.
Tu bluffes Martoni !