Voilà qu’arrive le nouveau billet jeux, comme d’habitude basé sur un nombre restreint de parties, et donnant une présentation et un premier feeling sur les créations en question ; on n’est pas dans l’analyse fouillée et détaillée super-complète. Cette fois, je vous propose soit de jouer aux naufragés qui tentent de s’en sortir, soit aux aspirants demi-dieux. Comme quoi il y a le choix.
Galerapagos
Nous voici devant un très sympathique petit jeu de Laurence et Philippe Gamelin, illustré par Jonathan Aucomte et édité en 2017 par Gigamic ; pour 3 à 12 joueurs (mais franchement il faut au moins 5-6 je dirais), dès 10 ans et des parties d’environ 20 minutes. Dès l’ouverture de la boîte, on sent le travail éditorial de qualité avec un matériel très bien pensé. On y trouve un sac en toile de jute dans lequel on pourra piocher des boules en bois (sac un peu grand vu le nombre de boules mais bon), des cartes (rangées dans des boîtes au look de caisses en bois), un porte-cartes en forme d’épave (mais qui ne rentre juste pas dans la boîte une fois monté, il faut le replier à chaque fois, dommage), et quelques petits jetons.
Les joueurs forment un groupe de naufragés sur une île déserte. Nourriture et eau potable y sont rares et il faudra s’entraider pour avoir suffisamment à boire et à manger, mais aussi pour construire un radeau ; car l’orage approche, et il faudra quitter l’île au plus tard à son arrivée. Pas certain qu’il y ait de la place dessus pour tout le monde.
A son tour de jeu, un joueur va effectuer une action parmi celles-ci :
- stocker de l’eau : selon la carte météo tirée en début de tour, on peut en récupérer plus ou moins, parfois pas du tout si le temps est très sec.
- pécher de la nourriture : on tire au hasard une boule dans le sac indiquant le nombre de poissons péchés.
- ramasser du bois : on en ramasse de toute manière une part, mais on peut prendre des risques en allant en chercher plus dans la jungle ; mais les serpents peuvent nous mordre alors (on ne ramène rien et on tombe malade). Pour chaque part de bois, on avance un marqueur d’un cran, et à 6 on rajoute une place au radeau.
- fouiller l’épave : ramasser une carte de matériel de l’épave, pouvant être de l’eau (parfois croupie), de la bouffe (parfois pourrie), ou des objets (plus ou moins utiles).
Une fois que tout le monde a agit, on vérifie qu’il y a à boire pour tout le monde. Si ce n’est pas le cas, les joueurs votent pour sacrifier quelqu’un qui mourra de déshydratation. Ensuite on fait pareil pour la nourriture. Et on recommence un nouveau tour avec les survivants ; car oui c’est un jeu à élimination directe et si on meurt, on ne fait plus rien de la partie (type Loups-Garous) ; mais les parties n’étant pas trop longues, ce n’est pas grave. Ce d’autant plus que, en début de partie, les réserves d’eau et de nourriture vont bien, donc on ne meurt que rarement en début de partie.
Au milieu de tout ça, les discussions, tractations. négociations, échanges de cartes et de faveurs iront bon train, avec leur cohorte de mensonges et de promesses non tenues (rappelons que ces dernières n’engagent que ceux qui y croient). Un vrai bon petit jeu d’enfoirés en somme. D’autant que les cartes viennent foutre le bordel là-dedans. On peut avoir de l’eau ou de la nourriture, on peut se tirer dessus, on peut éviter de se faire désigner au vote, etc.
Bref, c’est un bel exercice de survie au milieu de salopards qui veulent autant que nous en sortir et sont prêts à tout. Parce que même si le jeu est collaboratif sur la gestion de la bouffe, de l’eau et du bois, ne gagneront quand même que ceux qui seront partis sur le radeau. J’ai beaucoup aimé jouer à ce Galerapagos (Hellapagos en anglais, titre très sympathique), c’est très amusant, tendu, bourré de sales coups. A ne pas jouer avec des gens qui se vexent pour un rien ou qui ne savent pas différencier le jeu de la vraie vie (mais oui ceux qui vous en veulent en vrai pour cette manœuvre tactique vous permettant de gagner en leur défonçant la gueule dans le jeu). Mais sinon je le conseille fortement, pour peu que vous aimiez le genre.
Dice Forge
Les Dieux s’ennuient un peu. Pour se divertir, ils lancent une sorte de tournoi ouvert aux héros Humains, le vainqueur pouvant s’offrir une place de demi-dieu, youpie. Bon, ce contexte posé, je dirais qu’on l’oublie un peu rapidement en cours de jeu. Le thème ne reste pas fondamentalement en tête mais il permet de donner au jeu un look et des illustrations de grande qualité.
Le jeu est signé Régis Bonnesée, avec Biboun aux pinceaux, et c’est bien évidemment sorti chez Libellud (la société de Régis Bonnesée). Il est fait pour 2 à 4 joueurs, dès 10 ans, et des parties d’environ 45 minutes (sans compter la mise en place un peu longue).
Dans la boîte, on trouve un plateau de jeu avec des découpes pour placer autour les différentes cartes du jeu. La boite en elle-même sert à faire reposer un deuxième plateau garni de petites facettes de dés ; oui, des facettes de dés, car chaque joueur dispose de deux dés modulables, auxquels on peut enlever les faces et les remplacer (inspirés des dés Lego). Et c’est d’ailleurs là tout le sel du jeu. Il y a aussi une série de jetons divers et des pions (dommage qu’ils soient si simples/sobres par rapport au reste du matos, je les ai vite remplacés par les Twinples qui vont bien). Le but va être d’amasser des points de gloire en effectuant des quêtes pour le plaisir des Dieux. mais les quêtes sont trop complexes pour les héros de base que nous sommes et il faudra améliorer nos capacités en cours de partie en modifiant les faces de nos dés ; oui, un peu comme un deckbuilding où on améliore son jeu en ajoutant des cartes, ici on fait du dicebuilding en gros. Et cette mécanique novatrice est vraiment sympa.
Au début du tour d’un joueur, chacun va tirer ses deux dés et gagner les ressources qui en découlent, essentiellement de l’or ou des fragments de pierres lunaires ou de feu, voire des points de gloire. Ensuite le joueur actif peut effectuer une action parmi deux à choix :
- aller au marché. Avec ses pièces d’or, un joueur peut acheter des nouvelles faces de dés sur la partie supérieure du plateau, et ainsi les mettre sur ses dés en remplacement d’autres faces. En choisissant correctement sur quel dé il met la nouvelle face, et à la place de laquelle, le joueur peut gentiment se mettre à contrer le hasard du lancer de dés et augmenter ses chances de tomber sur des ressources utiles.
- accomplir une quête (et une seule), à savoir placer son pion sur une case du plateau inférieur, dépenser les ressources demandées et récupérer une carte ; chaque quête est disponible en 4 exemplaires, mais un joueur peut acheter plusieurs fois la même en cours de partie. Ces cartes rapporteront des points de gloire en fin de partie, mais la plupart d’entre elles ont aussi des effets, parfois ponctuels au moment de la prise de la carte, parfois se répétant à chaque tour, certains effets influençant les jets d’autres joueurs etc.
Un joueur peut aussi dépenser des ressources pour jouer une deuxième action.
Le jeu se déroule en un certain nombre de tours selon le nombre de joueurs. Et ce nombre est réduit. Les premiers tours ne servant qu’à gagner un peu d’or pour acheter de meilleures faces de dés, on a vite dans la deuxième moitié de partie une course aux points en allant effectuer des quêtes qui rapportent. Avec une fin de partie qui se rapproche très vite tout-à-coup.
La mécanique de modulation des dés est très agréable et permet donc de forcer un peu le hasard. Ce dernier reste cependant présent et une série de mauvais jets restera toujours bloquante. Mais rien de complètement rebutant là-dedans. Dice Forge est un jeu fun, très joli, pas très compliqué à prendre en main. Il demande juste de bien réfléchir à l’enchaînement des actions d’achat et de quête pour optimiser ses dés tout en allant chercher des points. Il faudra aussi savoir réagir en fonction de ce que les autres joueurs nous laissent à disposition comme faces de dés et comme quêtes, mais aussi en fonction des cartes qu’ils possèdent et de leurs effets.
Les cartes sont justement nombreuses. Il y en a même une série conseillée pour les premières parties, puis des quêtes aux effets plus complexes à garder pour les joueurs habitués. Et on tombe là sur le plus gros défaut de ce jeu à mon avis : le temps d’explication. J’ai beau y avoir joué avec des joueurs chevronnés, cela a pris un moment car il faut passer sur chaque quête et expliquer ce qu’elle permet de faire ; et ce n’est pas toujours simple. Comme en plus le packaging très bien pensé ne fonctionne pas toujours aussi bien que prévu, et qu’il arrive que les facettes de dés partent dans tous les sens, la mise en place peut être un peu longue et fastidieuse. Dommage vu que le jeu est plutôt rapide. Par contre une fois que l’on est entre gens connaissant le jeu, cela va assez vite (il faut juste jouer suffisamment souvent pour ne pas oublier les effets des cartes entre 2 parties).
Au final un jeu sympathique qui apporte une mécanique nouvelle (même si proche du deckbuilding, elle ne fonctionne quand même pas pareil). Il est fun et prenant. Juste tendu comme il faut avec des parties pas trop longues. Et en plus il est doté d’un très joli matériel. Pas le jeu du siècle mais très bien quand même.