Le copain Khannibal s’est lourdement investi et a travaillé sur une lecture poussée, article par article, du fameux traité ACTA. Très bonne idée. En effet, depuis les premières fuites sur le sujet et les indignations de la part de la société civile et des défenseurs des libertés, les négociateurs d’ACTA sont revenus sur certains points très problématiques.Je dirais que les plus directement dangereux ont même été effacés ou contournés. Du coup, cette lecture sous l’œil juridique du texte d’ACTA en l’état actuel des choses est très intéressante. Le but étant de voir comment cet accord peut s’adapter à notre législation helvétique. Ca se passe par ici : ACTA, analyse « article par article » | Le blog du KHannibal.
J’aimerais cependant revenir sur 2-3 points qui me posent toujours problème :
Les négociations en secret
Pourquoi avoir fait tout cela pareillement en secret? Sans les fuites, personne n’en aurait entendu parler et le texte aurait sans doute été nettement plus méchant qu’il ne l’est maintenant. Sur ce terrain, la démocratie a perdu ; et salement. L’accord n’a été discuté par aucune instance reconnue, pas aucun Parlement, par aucune organisation internationale avec plus ou moins de légitimité dans ce domaine. Nada. Et rien que pour ça, c’est très grave.
La volonté de l’imposer
On entend toujours dire que ce traité ne changera rien à nos législations, qu’on n’aura pas à s’adapter si on le ratifie, tout ça. Je sais pas pour vous, mais moi quand on veut pareillement forcer un truc à passer, c’est quand même qu’il a une utilité et qu’il doit amener quelque chose de neuf. Sinon pourquoi y passer autant de temps et y mettre toutes ces forces. Je veux pas paraître parano, mais je me dis qu’on me cache quelque chose, là.
Les indemnités fixées par les ayants-droits
Evidemment, en cas de problème, ce sont les ayants-droits qui vont demander le montant de leurs indemnités (fixées ensuite par le juge). J’imagine déjà la scène du genre « il a piraté un album, c’est 20’000 ventes de moins, donc on calcule 20’000 fois le prix du CD » ou encore « bouh le vilain médicament générique qui nous a empêché de vendre 30’000 doses à X dollars ». Ah ben ouais c’est certain, des calculs pareils sont bien partis pour être tout justes et réalistes!
La destruction des marchandises contrefaites ou celle des instruments et matériaux ayant servi à fabriquer ces marchandises
Euh, ça veut dire quoi ça? Le téléphone de M Dupond qui contient des MP3 piratés sera détruit s’il est saisi? L’ordinateur de Mme Michu sur lequel son petit-fils a fait du peer-to-peer de 3 chansons sera détruit?
Culture de l’échange et du libre
Si on suit l’ACTA, on peut déceler des risques pour tout partage libre de la culture. Au-delà du peer-to-peer qui n’est pas utilisé que pour le piratage, c’est tout le système des licences libres, Creative Commons, copyleft, logiciels libres et autres qui peut être remis en question. Et ça, c’est mal!
Tout comme le Khannibal, bien que conscient des efforts faits pour rendre l’ACTA plus politiquement correct, je reste opposé à son application et le considère comme dangereux. Je rappelle pour ce faire la pétition internationale à ce sujet ou ma plus petite pétition pour la Suisse.
Je vous invite aussi à lire cet article (en anglais, désolé) qui montre le danger se cachant derrière ACTA, mais aussi derrière d’autres traités plus secrets en cours de discussion. Quand le poids des lobbies et des groupes de pression permet de faire pencher suffisamment de gouvernements dans une direction, on peut dès lors imposer sa volonté aux autres.
Crédit image : 2propuestas para el #TwitterShowcase 24 #ACTA #openACTA, par @N3T10, CC, sur Flicker.