Après avoir étudié les bases du fonctionnement du trafic de drogue dans la rue, puis les difficulté du monde ouvrier chez les dockers de Baltimore, The Wire continue sa peinture sociale très dure sur fond d’enquête policière. Cette fois, les auteurs mettent dans leur collimateur les politiques et l’administration. Bien que l’apparence soit du coup plus jolie, plus clinquante, moins sale, le fond se révèle tout aussi trash que précédemment. J’irais même jusqu’à dire que c’est encore plus dur. Finalement, tout le monde est pourri jusqu’à l’os (voir plus) et y’en pas un pour racheter l’autre. Mais bon, c’est ce qu’on aime aussi dans cette série, et on regarde pas the Wire si c’est pour voir du bisounours. Nous allons ici suivre à nouveau les tribulations de l’équipe spéciale autour de McNulty l’emmerdeur de service. Alors que l’on souhaite les mettre sur un nouveau dealer, ils découvrent que Barksdale sort de prison. Tandis que Bell semble se ranger en tant qu’homme d’affaires. Un nouveau venu veut jouer des coudes pour obtenir des coins de rue. N’oublions pas que Omar est toujours là pour foutre la merde, avec son désir de vengeance. Ca c’est pour la dure vie du terrain. Les hautes sphères ne sont pas en reste. Magouilles et coups dans le dos sont légion là aussi. A commencer par les élections au poste de maire qui se profilent et pour lesquelles les prétendants se mettent sur les rangs, avec souvent la sécurité comme cheval de bataille. Et puis il y aussi l’administration, et les travers de la gouvernance par indicateurs et chiffres. Et les pots de vin aussi, les sommes circulant sous le manteau dans le cadre de permis de construire et autres accélérations de travaux et d’autorisations.
Bref, il y a de la matière, on ne va pas s’ennuyer. D’ailleurs cette saison me semble plus dynamique, plus rythmée que les précédentes. Bon, ce n’est toujours pas la série policière grand public où on résout une enquête et demi par épisode avec des gros flingues et des poursuites partout. Simplement une impression d’un truc plus prenant. D’ailleurs on l’a visionnée en moins de temps que les précédentes.
On notera la critique globale du pouvoir, politique comme administratif, qui est tout aussi corrompu en fait que nos dealers déjà bien connus. Et il y a cette démonstration des biais et défauts de la gestion selon le fameux « new public management » qui veut tout gérer par indicateurs et chiffres. Si la criminalité monte, on vous engueule, si elle baisse, tant mieux. Les chefs de chaque district doivent expliquer leurs chiffres, point. Et à ce stade les situations ponctuelles et précises, le background individuel, on ne s’y intéresse pas. Seuls les indicateurs parlent. Alors on trafique ces chiffres pour ne pas avoir d’ennui. Et les problèmes existent toujours. C’est marrant de retrouver dans une série télé des discussions que l’on a eues en cours…
Et puis il y a cette dérive qui marque toute la saison, ce test grandeur nature de mettre tous les dealers et junkies d’un quartier dans une zone inhabitée, laissant alors en paix les habitants du quartier mais décuplant l’horreur dans la zone en question. Quand on voit à quel point on peut tomber bas, très bas, ce concentré d’horreur sur les méfaits de la drogue est terrifiant. Les tout jeunes enfants embrigadés par les dealers, les désastres sociaux et de santé.
Et les politiques alors? Et bien ils sont encore plus pourris. Certains prennent l’argent de tout le monde (y compris de dealers reconnus) afin de s’en mettre plein les poches en promettant monts et merveilles qui ne viennent jamais. D’autres usent de ficelles sordides pour faire leur beurre et se mettre en avant. Chacun manipule l’opinion publique et les chiffres à sa sauce, usant et abusant des atrocités de la rue pour sa cote.
Au final, il n’y a que peu de personnages qui soient un tant soit peu vrais et honnêtes. Et ils ne sont pas parmi les gentils et bien habillés. Omar, Frère Mouzone, Bubbles. Les héros sont rarement mieux. Entre Daniels qui trompe sa femme, McNulty qui manipule son équipe, Kima qui ment et trompe aussi, sans compter que ces bons flics sont souvent de bons gros alcoolos aussi. Waow, le tableau est quand même très noir (sans jeu de mots). Et pourtant il y en a tant qui sont attachants, troublants.
Bref, une série toujours aussi dure et sans concession. Toujours aussi bien foutue, sur la forme comme sur le fond. Prenante et profonde. A des lieues de la plupart de la production de séries policières. Sans doute parce que ce n’est pas juste une série policière. Les acteurs sont toujours aussi bons. La musique, la réalisation, les lumières, les prises de vue, tout est au taquet, un énorme boulot. Sans compter un scenario en béton, certes sordide, mais solide en tout cas (tiens d’ailleurs je découvre que Dennis Lehane a même écrit certains épisodes). Un grand bravo encore une fois. J’adore!
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