Annihilation

Netflix élargit considérablement son offre depuis quelques temps avec la diffusion de films qui seraient du format blockbuster cinéma (cf Bright), au grand dam des grands esprits de la profession qui excluent ces réalisations du tapis cannois. Cette fois, c’est avec Annihilation que Netflix marque le coup, un film qui devait à la base avoir une sortie ciné standard ; mais le studio l’ayant trouvé trop tordu, le réalisateur ayant refusé de revoir sa copie, le film a finit par être distribué sur Netflix.

Tiré d’un bouquin de 2014, ce film de SF nous fait suivre les pas d’une scientifique de renom, ancienne militaire, qui participe à une expédition dangereuse afin de comprendre ce qui est arrivé à son mari. Il s’agit de se rendre dans une zone (qui s’étend de jour en jour) délimitée par un contour brillant et changeant, créée semble-t-il par une météorite ou autre objet tombé du ciel, et d’y récolter des données sur ce qui se passe là-bas. Le film va nous balader entre exploration, découvertes de trucs bizarres, action, quelques moments un peu violents, construction de liens entre exploratrices et conflits humains, pour nous mener à un final tout en explications tordues et en questions restées en suspens.

Au scénario et à la réalisation, on retrouve Alex Garland, déjà réalisateur du très bon Ex Machina, et scénariste sur des films comme 28 jours plus tard, Sunshine ou Dredd ; un joli CV en somme, qui pose bien le bonhomme dans le cadre d’une SF intelligente allant au-delà des simples coups de blasters et des explosions/poursuites. Il réussit ici à nous poser un film à la fois extrêmement visuel et très porté sur des sentiments et des relations. On a cette zone mystérieuse où se fait sentir une influence étrange, un environnement mystérieux. Dès le début, les couleurs et l’ambiance posent le truc. Mais plus on avance dans la zone, plus les modifications sur l’environnement sont importantes. Les décors deviennent vraiment mystérieux, rendant une  ambiance onirique et étrange, avec cette sorte de monde qui ressemble au nôtre mais pas tant que ça. Et puis il y a ces créatures surprenantes qui accentuent le décalage, parfois terrifiantes même. Le film est visuellement splendide, et Garland confirme son grand sens esthétique.

Et puis il y a ce script. Le cinéaste maintient son rythme, sa progression, avec des situations de plus en plus tendues, du suspens, au fur et à mesure de la progression. Il faut dire que les personnages, bien qu’ayant chacun son passé trouble et ses sombres secrets, restent assez archétypiques, permettant au spectateur de s’identifier facilement, de les comprendre, de se sentir proches ; et ainsi comprendre d’autant plus leurs voyages initiatiques respectifs, leurs descentes aux enfers personnelles, chacune fuyant ses démons par cette expédition pour mieux les retrouver à la fin.

Devant la caméra, on a surtout une brochette d’actrices, vu que l’expédition est exclusivement féminine (et scientifique, contrairement aux premières qui étaient militaires et ne sont jamais revenues). Natalie Portman (Léon, Star Wars, Thor, V pour Vendetta, Black Swan,…) a le rôle principal de la biologiste ex-militaire amoureuse à la recherche de réponses après un mariage raté ; elle tient bien la route et réussit à donner du fonds à ce personnage aux multiples interrogations. Jennifer Jason Leigh (La chair et le sang, eXistenZ, The Hateful Eight,…) a le rôle de la femme plus âgée, leader de l’expédition, psychologue sans attaches, luttant contre ses propres démons, avec une prestation très réussie. Gina Rodriguez, Tessa Thompson (Thor Ragnarok, Westworld,…) et Tuva Novotny complètent le groupe. On notera encore les rôles masculins secondaires avec la jolie performance d’Oscar Isaac (Sucker Punch, Drive, Ex Machina, Star Wars,…), mais aussi David Gyasi et Benedict Wong (Doctor Strange,…).

De ce que j’en ai vu, ce film est plutôt apprécié mais divise quand même pas mal, avec son lot de détracteurs. Je fais partie de ceux qui ont bien aimé. Il n’est certes pas exempt de défauts (des personnages un peu trop archétypiques, en particulier). Mais c’est un très bon film de SF, intelligent qui plus est. Je ne voudrais pas trop spoiler, mais quand même un peu. on a ici l’exemple même d’une vie extra-terrestre qui n’a pas pour but de détruire notre planète/civilisation. Elle agit sans but, elle existe, et son existence même remet en cause notre existence telle que nous la connaissons. Le jeu sur l’ADN devient très fin et pose la question de ce qu’est l’Humanité, et où se trouve la frontière avec d’autres formes de vie. Le plan final qui reste en suspens sans donner de réponse claire (qui est revenu en fait sous la forme de Lena?) est super prenant, et le spectateur reste plongé dans ses réflexions. Je ne dirais pas que j’avais envie d’un deuxième visionnage de suite, mais j’ai l’impression que certains détails pourraient donner des indices pour mieux capter le tout. Mais effectivement c’est un film complexe. La fin un peu délirante/fumette/barrée et muette est en elle-même un tour de force à faire passer dans un film à gros budget. Et même si pas mal de moments restent dans le style blockbuster, ce film sort vraiment des sentiers battus. Il faut accepter de ne pas tout comprendre, de ne pas avoir d’explications sur un plateau pour tout, de rester au niveau de connaissance des protagonistes. Personnellement, tout cela m’a beaucoup plu. Un film que je conseille donc, pour peu que vous soyez prêt à ce genre d’expérience.

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