On se place dans un futur assez proche. Le monde ressemble pas mal au nôtre. Un peu plus sombre, un peu plus d’inégalités, un peu plus de pouvoirs aux grandes entreprises, bref un truc pas si improbable quoi. Dans ce monde, une grande entreprise, L’Union, a la main-mise sur les organes artificiels, leur vente et leur implantation sur des patients prêts à payer une fortune pour survivre à une maladie ou un accident. Et bien entendu pour l’immense majorité des clients qui ne peuvent payer, on propose des plans de remboursements mensuels à des taux de crédit proprement usuriers. Le problème, c’est que faire quand les gens ne payent pas? Et bien L’Union dispose d’employés particuliers, les Repo Men, qui vont sur place, donnent un coup de taser à la personne, et la charcutent pour récupérer l’organe artificiel en question (quand ce n’est pas plusieurs organes), y compris si ce dernier est indispensable à garder son hôte en vie. Eh oui, L’Union fait ainsi payer des sommes colossales pour que les gens restent en vie. Une grande partie de la population vit dans la peur de ces Repo Men, des clans se sont organisés dans les quartiers pauvres pour rester discrets et ne pas se faire chopper. Mais les Repo Men sont intraitables, et ne font pas dans la dentelle. Leur métier les fait se couvrir de sang mais en général ils aiment ça. Jusqu’au jour bien sûr où l’un des meilleur Repo Men se voit placé un cœur artificiel qu’il ne pourra évidemment pas payer ; de traqueur impitoyable, il deviendra une proie pour ses anciens collègues.
Le film sorti en 2010 est tiré d’un bouquin que je ne connais pas, daté de 2009 (l’auteur est aussi scénariste du film). Il est réalisé par Miguel Sapochnik qui débute là sa carrière avant de se tourner vers pas mal de séries télé (Fringe, Dr House, Banshee, Game of Thrones, True Detective, Altered Carbon,… pas mal de bonnes choses donc) et on sent quand même un peu le débutant. Un certain manque de maîtrise sur certains points. C’est dommage parce que le film a pas mal de bonnes idées. Devant la caméra on trouve un duo qui en jette. Jude Law (Gattaca, eXistenZ, Capitaine Sky et le monde de demain, The Holiday, Sherlock Holmes, Hugo Cabret,…) en récupérateur d’organes pas toujours futé mais qui va se révéler très humain lorsqu’il sera doté d’un cœur artificiel (ce qui est assez paradoxal finalement). Son pote pas non plus très futé et tout aussi psychopathe, c’est Forest Whitaker (The Crying Game, Ghost Dog, Phone Game, Star Wars, Black Panther,…). Et si le film commence comme un buddy movie avec ces deux gars qui s’amusent et déconnent, on va virer à la traque quand l’un se mettra sur les traces de l’autre. A leurs côtés, on trouve Liev Schreiber (Scream,…), très bien en directeur des ventes de L’Union sans âme, sans remords, manipulateur. On a aussi Alice Braga (Predators, Elysium,…), une femme pleine d’organes impayés qui va se lier à notre Repo Men en fuite ; Carice Van Houten (Game of Thrones, Walkyrie,…) en épouse refusant de laisser son fils dans un environnement morbide ; ou encore Chandler Canterbury (Benjamin Button,…) en petit garçon adorable.
Avec tout ça, il y avait de quoi faire un très bon film de SF, réfléchi, avec un vrai fond, une critique sociale et tout. Ce dernier élément y est certes, parfois même de manière un peu trop lourde. Mais malheureusement le film pèche sur certains points. A commencer par une complaisance dans le sang et le gore qui va un peu loin. Alors certes le métier même de nos héros implique pas mal de découpages sanglants, par définition. Et leur côté « sans remords, rien à carrer » fait que pour eux tout ce sang n’a plus de sens. « A job’s a job ». Mais on aurait très bien pu faire beaucoup plus dans le suggéré, parce que là c’est très frontal, et les opérations chirurgicales plus ou moins précises sont montrées en gros plan, jusqu’à ce climax infernal mêlant sang et sensualité dans une scène réellement dérangeante. Je n’ai rien contre les films gore, d’horreur et tout cela (faites un petit historique de mon blog si vous en doutez), mais la mise en évidence d’une telle violence graphique doit servir le propos pour être utile, pour soutenir l’histoire. Ici c’est trop, désolé. Les twists du scénario vont du « oh ben ça alors quelle surprise avec le ton plat confinant à la plus puissante ironie » au « bon ben ce genre de truc on avait dit qu’on devait plus le faire » (ça c’est pour le twist final de la toute fin).
Malgré cela, le film reste agréable. Son idée d’une société vendant des organes artificiels pour les récupérer « sur la bête » en cas de non-payement, avec toute la réflexion sur la manière dont la société s’adapte, c’est assez bien mené. Les scènes de baston sont bien menées, parfois même assez épiques comme celle de la fin contre une série de Repo Men/Women avec une collection d’armes hétéroclites qui donne du punch. Si la base du film est très bonne, s’il a droit à des acteurs de haut niveau, il n’en est pas moins malheureusement desservi par différents éléments qui le plombent un peu. Il reste sympa à voir, mais sans plus.